Par une décision du 28 avril 2022, le Conseil de la Concurrence marocain (le CC) a prononcé sa première sanction pour défaut de notification d’une opération de concentration au Maroc (« gun jumping »). Cette décision est l’occasion pour le CC de rappeler avec force que : 

  • les groupes internationaux (et non simplement les entreprises marocaines), en particulier s’ils disposent d’une présence au Maroc, sont soumis au contrôle des concentrations marocain ;
  • les seuils de notification sont formulés de telle sorte qu’ils ont pour effet de capter de nombreuses opérations, qu’elles soient de dimension marocaine ou internationale ;
  • si le CC a sanctionné en l’occurrence un défaut de notification, doublé d’une réalisation de l’opération avant son autorisation, la notification est suspensive et toute réalisation anticipée d’une opération même notifiée pourrait également être sanctionnée. Il est par conséquent essentiel d’intégrer le délai d’obtention de l’autorisation du CC dans le calendrier de l’opération.

En l’espèce, après avoir constaté que deux opérations liées avaient été réalisées sans lui être notifiées, le CC s’était saisi d’office en décembre 2021. Il s’agissait plus précisément de :

(i) la prise de contrôle exclusif de la société Financière Dry Mix Solutions, société française active dans la production et la commercialisation de produits de mortier par la société Sika, société suisse et leader mondial de la fabrication et commercialisation de produits chimiques de construction ; et 

(ii) l’acquisition de 45% du capital de la société Sodap Maroc par Sika Maroc (respectivement, les filiales de Financières Dry Mix Solutions et de Sika).

Pour mémoire, les trois seuils de contrôle des concentrations au Maroc étant alternatifs et particulièrement bas ((i) chiffre d’affaires mondial cumulé des parties > 750 millions DHS, ou (ii) chiffre d’affaires au Maroc d’au moins deux des parties > 250 millions DHS, ou (iii) part de marché cumulée au Maroc > 40%), de nombreuses opérations internationales y sont mécaniquement soumises, même si elles n’ont a priori pas d’impact sur les marchés marocains. 

Selon les données disponibles publiquement, les entreprises concernées franchissaient le seuil de chiffre d’affaires mondial. Le communiqué de presse ne précise en revanche pas si l’un ou l’ensemble des autres seuils était également atteint. 

En l’espèce, ces opérations ont été réalisées sans notification préalable au CC, et donc a fortiori, sans autorisation. Or, comme dans de nombreuses juridictions, le Maroc a mis en place une procédure de notification obligatoire et suspensive, qui impose d’attendre la décision formelle d’autorisation ou l’expiration du délai d’examen (maximum 60 jours calendaires après réception d'un dossier complet, pour une autorisation en phase I sans engagements). A l’avenir, le CC pourrait ainsi également prononcer des sanctions pour réalisation d’une opération sans attendre son autorisation, et ce même si elle lui a été préalablement notifiée. 

Même s’il n’est pas précisé la proportion de l’amende prononcée (11 670 215 DHS, soit environ 1 million d’euros) par rapport au chiffre d’affaires de l’acquéreur, celle-ci parait relativement modérée. Cela s’explique probablement dans la mesure où il s’agit de la première décision de sanction de ce type de pratique. En revanche il ne peut être exclu que le CC décide à l’avenir de prononcer des amendes plus sévères, dans la limite du plafond légal de 5% du chiffre d’affaires au Maroc de l’acquéreur.



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