Continuer de faire application des nouveaux seuils et de la notion de concentration
Depuis que les décrets d’application ont été adoptés il y a deux ans, les opérations étaient déjà soumises au contrôle des concentrations si elles remplissaient l’un des seuils et entraient dans la définition d’opération notifiable prévus par la nouvelle loi. Rien ne change à cet égard.
Nouveaux seuils
Les opérations sont soumises au contrôle des concentrations si l’un des trois seuils suivants est rempli :
- 1er seuil : les entreprises réalisent un chiffre d’affaires cumulé de plus de 750 millions de dirhams au niveau mondial ;
- 2e seuil : au moins deux entreprises réalisent un chiffre d’affaires individuel de plus de 250 millions de dirhams au Maroc ;
- 3e seuil : les parties ont une part de marché cumulée d’au moins 40% au Maroc.
Ces seuils de chiffre d’affaires et de part de marché sont alternatifs. Il suffit donc qu’un seul de ces seuils soit rempli pour que l’opération soit soumise à notification.
Cependant, conformément à l’article 1 de la loi n°104-12, il est nécessaire que l’opération puisse avoir un effet sur le marché marocain. Il serait donc possible d’argumenter que ne seraient pas soumises à notification les opérations impliquant des parties sans aucune présence ni chiffre d’affaires au Maroc, même si elles atteignent le seuil mondial de 750 millions de dirhams.
En pratique, en revanche, devraient être soumises à notification :
- les opérations atteignant le 2e seuil de chiffre d’affaires (local), indépendamment du chiffre d’affaires réalisé par les parties au niveau mondial ;
- les opérations atteignant le 1er seuil de chiffre d’affaires (mondial) sans remplir le 2e seuil (local), mais dont l’une au moins des parties est implantée ou réalise un chiffre d’affaires au Maroc.
Définition des opérations notifiables
Désormais calquée sur la définition adoptée par de nombreuses juridictions, la notion de concentration couvrira les fusions, acquisitions de contrôle (exclusif ou conjoint) et créations d’entreprises communes dites "de plein exercice" (c’est-à-dire accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome).
Bien qu’aucunes lignes directrices n’aient encore été publiées par le CC, ces concepts peuvent être interprétés au regard des standards internationaux.
Appliquer la nouvelle procédure de notification
Notifier au CC
La réforme fait peser l’obligation de notification sur l’acquéreur du contrôle (en cas d’acquisition de contrôle exclusif), ou sur toutes les parties concernées, conjointement (en cas de fusion ou de création d’une entreprise commune).
Il faut souligner qu’une sanction financière de 5% du chiffre d’affaires des parties réalisé au Maroc (lors du dernier exercice fiscal) peut être imposée aux entreprises en cas de défaut de notification, de violation de l’obligation de suspension (à moins d’avoir obtenu l’accord exprès du CC pour réaliser l’opération avant l’autorisation), de non-respect d’engagements ou injonctions, ou d’informations incomplètes ou inexactes dans la notification.
Toutes les notifications doivent désormais être déposées au CC et non plus aux services du Chef du gouvernement, à l’exception de celles concernant des entreprises actives dans le secteur des télécommunications qui relèvent de la compétence de l’ANRT.
Dans le cas d’opérations concernant des établissements financiers (ou organismes agréés assimilés), le CC devra saisir la Bank Al-Maghrib pour avis préalable avant toute décision.
Toutefois, la Primature conservera un droit d’évocation, qui permettra au Chef du gouvernement de se saisir d’opérations pour des motifs d’intérêt général, autres que le maintien de la concurrence (voir ci-dessous en Phase II). Bien que peu utilisé dans certains pays (notamment en France où il n’a été mis en œuvre qu’une fois), il ne faudra pas perdre de vue ce pouvoir au Maroc, en particulier pour les opérations sensibles.
Suivre le nouveau formulaire
Les dossiers de notification doivent désormais suivre le formulaire prévu par le décret n°2-14-652 du 1er décembre 2014, qui est substantiellement plus détaillé que l’ancien formulaire.
Bien qu’aucune procédure de pré-notification ne soit prévue, les parties pourront envisager des contacts informels avec le CC avant notification afin de faciliter un traitement aussi efficace et rapide que possible du dossier.
Intégrer les nouveaux délais procéduraux dans le calendrier de l’opération
La réforme prévoit un délai d’examen de 5 mois, incluant une Phase I de 2 mois (60 jours à compter de la réception d’une notification complète) et une Phase II de 3 mois (90 jours), mais ces délais peuvent être étendus ou suspendus dans un certain nombre de cas (pouvant porter la Phase I à 120 jours, et la Phase II à 180 jours ou plus).
Ces phases sont détaillées ci-après :
Phase I
En cas de présentation d’engagements, le délai de 60 jours sera étendu de 20 jours.
En outre, une procédure de suspension a été crée. Les parties peuvent demander la suspension de la période d’examen pour un maximum de 20 jours en cas de « nécessité particulière » (par exemple, pour finaliser des engagements).
Dans les 20 jours de la réception de la décision du CC, ou si le CC ne prend aucune décision avant la fin de la première période de 60 jours, le Chef du gouvernement (ou un délégué) aura le pouvoir de demander au CC d’ouvrir une Phase II.
Par conséquent, la Phase I pourrait théoriquement durer entre 60 et 100 jours, plus 20 jours additionnels pour attendre la réaction du Chef du gouvernement.
Phase II
En cas de présentation d’engagements moins de 30 jours avant la fin du délai de 90 jours, ce délai de 90 jours sera étendu de 30 jours à compter de la réception des engagements par le CC.
En outre, il existe deux nouvelles options de suspension :
- les parties peuvent demander de suspendre l’examen de l’opération pendant 30 jours en cas de « nécessité particulière » (par exemple, pour finaliser des engagements) ; et
- une suspension (sans délai déterminé) peut également être décidée d’office par le CC en vue d’obtenir des informations (nouveaux événements, retard des parties ou de tiers dans l’envoi des informations), et ce jusqu’à ce que la cause de la suspension ait cessé.
Dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la décision du CC, le Chef du gouvernement (ou un délégué) a un droit d’évocation qui lui permet de se saisir d’opérations pour des motifs d’intérêt général, autres que le maintien de la concurrence, notamment, le développement industriel, la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale ou la création ou le maintien de l’emploi. Cette décision peut être soumise à des engagements. Aucun délai n’est prévu pour la décision du Chef du gouvernement.
Par conséquent, la Phase II pourrait théoriquement durer de 90 à 150 jours (ou plus si une suspension est décidée d’office par le CC), plus au moins 30 jours additionnels pour attendre la réaction du gouvernement (ou plus dans la mesure où la prise de cette décision n’est encadrée par aucun délai).
