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Publication | Février 2018
Conçue à l’origine comme une excuse légale pour permettre aux entreprises françaises de s’opposer aux demandes intempestives de certaines autorités étrangères, la loi n°68-678 du 26 juillet 1968 connue sous le nom de la « loi de blocage » (ci-après loi de « blocage ») a été à ce jour peu appliquée.
Les entreprises françaises l’ont invoquée, souvent en vain, devant les autorités étrangères. Elles ont ainsi parfois été contraintes de leur communiquer des informations tout en sachant qu’elles venaient potentiellement de commettre une infraction pénale au regard du droit français.
Avec le décret n°2016-66 du 29 janvier 2016 et la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 (loi Sapin 2), elles peuvent désormais solliciter l’aide des autorités françaises pour les accompagner et leur permettre, dans certaines conditions, d’encadrer la communication d’informations à des autorités étrangères.
A l’origine, la loi de « blocage » a été votée pour permettre aux entreprises françaises de contrer les demandes de pre-trial discovery formulées par les autorités américaines. Son champ d’application était d’abord limité au domaine maritime puis il a été, en 1980, élargi et étendu à tous les autres domaines.
« Sous réserve des traités ou accords internationaux et des lois et règlements en vigueur », la loi de « blocage » interdit à toute personne « de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci » (article 1er bis).
Sa violation constitue une infraction pénale punie d’un emprisonnement de six mois et de 18.000 euros d’amende pouvant être multipliée par cinq pour une personne morale. A cette interdiction s’ajoute, pour les personnes visées à l’article 1er bis ci-dessus qui sont saisies de ce type de demande de communication, une obligation d’information sans délai du « ministre compétent » (article 2). Cependant, cette obligation n’est assortie d’aucune sanction.
Il résulte du texte de la loi de « blocage » un champ d’application extrêmement large dont on peine à trouver les limites.
Cette loi s’applique à toute preuve située en France, qu’elle soit entre les mains d’une personne physique ou morale, française ou étrangère.
Elle interdit la demande, la recherche ou la communication, qu’elle soit directe ou indirecte, de documents ou d’informations d’ordre économique, commercial, industriel, financiera ou technique lorsque ces documents ou informations sont transmis « en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci ».
Ainsi, les éléments collectés en France dans le cadre d’une enquête interne pourraient relever du champ d’application de cette loi s’ils sont destinés à être utilisés devant une autorité judiciaire étrangère au mépris des conventions internationales ou des dispositions de droit français applicables en matière d’obtention de preuves à l’étranger telles que la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention de preuves à l’étranger. Il en est de même pour l’audition organisée en France consécutivement à une convocation envoyée par un juge étranger pour fournir des informations ou communiquer des documents.
Toutefois, il pourrait être soutenu sur la base de l’article 6.1 de la CEDH que la loi de « blocage » ne doit pas empêcher une partie de produire des documents pour assurer sa défense même si ces documents relèvent du champ d’application de la loi.
La loi de « blocage » a été invoquée devant les juridictions civiles françaises afin de s’opposer à la transmission de certains documents à des autorités étrangères en dehors des mécanismes de coopération internationale.
Par exemple, la Cour d’appel de Nancy a, sur le fondement des dispositions de cette loi, refusé d’ordonner la communication d’une série de documents destinés à être produits dans le cadre d’une procédure pendante devant les tribunaux américains, en se référant expressément à la Convention de La Haye de 1970 précitée1.
Cependant, les juridictions françaises n’ont appliqué les dispositions pénales de cette loi qu’une seule fois dans une affaire qui a donné lieu, en 2007, à un arrêt de la Cour de cassation confirmant une amende de 10.000 euros2.
Des entreprises françaises ont également invoqué les dispositions de cette loi devant des juridictions étrangères.
Les effets de cette loi à l’étranger dépendent en réalité de l’appréciation qui en est faite par l’autorité saisie qui, parfois, à l’instar des autorités américaines et britanniques, refuse de tenir compte de l’interdiction de communiquer instituée par la loi française au motif notamment que le risque pénal encouru en France est presque nul3. Toutefois, ces autorités ont, dans certains cas, accepté que les parties initient une procédure selon la convention internationale applicable, à condition que les informations soient communiquées dans un délai déterminé.
De fait, les entreprises françaises se trouvent alors face à un dilemme : risquer des sanctions pénales en France si elle communiquent les informations sollicitées en violation de la loi de « blocage » ou encourir des sanctions souvent plus importantes si elles refusent de les communiquer.
L’échec des tentatives successives de sa réforme et son inefficacité devant les autorités étrangères auraient pu laisser croire que la loi de « blocage » resterait lettre morte.
Mais il n’en est rien.
Certains services administratifs français (comme le Service Central de Prévention de la Corruption) étaient déjà intervenus aux côtés d’entreprises françaises dans le cadre de transmissions d’informations à des autorités étrangères, notamment dans le cadre de monitorships.
La loi Sapin 2 a confié à l’Agence Française Anticorruption (AFA) la mission de veiller, à la demande du Premier Ministre, au respect de la loi de « blocage » « dans le cadre de l’exécution des décisions d’autorités étrangères imposant à une société dont le siège est situé sur le territoire français une obligation de se soumettre à une procédure de mise en conformité de ses procédures internes de prévention et de détection de la corruption » (article 3, 5°). Autrement dit, lorsqu’une entreprise en France est soumise par une autorité étrangère à une procédure de monitorship, l’AFA devrait être impliquée notamment s’agissant des éléments susceptibles d’être communiqués par le moniteur à l’autorité étrangère concernée.
Selon la lettre de l’article 3, 5° susvisé, l’AFA n’est compétente qu’au stade de l’exécution des décisions des autorités étrangères en matière de corruption. Dans les autres cas, les entreprises françaises pourront se rapprocher du Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) dont la mission, plus générale, est de « veiller à l’application des dispositions de la loi du 26 juillet 1968 (…) sous réserve des compétences attribuées par la loi en cette matière à une autre autorité et, le cas échéant, en lien avec celle-ci » (article 4,4° du Décret n°2016-66 du 29 janvier 2016), notamment lorsqu’il s’agira de protéger des données considérées comme sensibles.
Nul doute que les entreprises s’interrogeront, au cas par cas, sur l’opportunité d’impliquer les autorités françaises lorsque celles-ci ignorent l’existence de la procédure étrangère dans le cadre de laquelle la transmission d’information est envisagée (notamment dans des affaires à caractère pénal), si cette implication risque de déclencher des poursuites en France.
Pour autant, les entreprises ont désormais des interlocuteurs qui devraient leur permettre de mieux appliquer cette loi de « blocage » conçue avant tout pour protéger les données stratégiques des entreprises françaises.
CA Nancy, 4 juin 2014, 2ème Ch Com, Jurisdata n°2014-015429.
Cass Crim, 12 décembre 2007, Pourvoi n°07-83.228.
Société Nationale Industrielle Aérospatiale v. U.S. District Court for the Southern District of Iowa, 482 U.S. 522 (1987) ; Bodner v. Banque Paribas, 202 FRD 370 (EDNY 2000) ; Strauss v. Crédit Lyonnais SA, 242 FRD 199 (EDNY 2007) ; National Grid Electricity, High Court of Justice, 11 avril 2013.
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