La pandémie de COVID-19 a considérablement redéfini notre approche au travail dans certains secteurs. Le télétravail, réponse récente aux exigences de santé et de sécurité reliées à la distanciation physique, est de plus en plus considéré par certains employeurs comme une solution viable à long terme pour leurs besoins d’affaires. Certes, le télétravail comporte bon nombre d’avantages tant pour les employeurs que les employés : cependant, il n’est pas sans risques. Les employeurs qui adoptent le télétravail devraient prendre en considération les éléments suivants :
Normes d’emploi minimales : nombre maximal d’heures de travail, heures supplémentaires et période de repos
Entre autres avantages, le télétravail peut offrir aux employés une certaine souplesse dans l’accomplissement de leurs tâches. Il présente toutefois le risque que les employés, de façon non intentionnelle, omettent de prendre des pauses, travaillent plus d’heures que les heures de travail régulières et/ou exécutent du travail hors des heures de travail prévues.
Les employeurs doivent tenir compte des dispositions dans les lois sur les normes d’emploi applicables portant sur les normes minimales en matière d’heures de travail, de rémunération des heures supplémentaires et de périodes d’inactivité. Les employeurs sont tenus de s’y conformer, sauf si les employés sont visés par une exemption prescrite. En Ontario, la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE ») prévoit les limites d’heures hebdomadaires et quotidiennes maximales et prévoit également le nombre d’heures de repos et d’inactivité auquel un employé a droit. De plus, à moins qu’ils ne soient soustraits à l’application de la LNE, celle-ci prévoit que les employés qui travaillent plus de 44 heures par semaine ont droit à une rémunération des heures supplémentaires qui correspond à leur taux de salaire normal majoré de 50 %.
En vertu de la LNE, les employeurs ont aussi l’obligation d’inscrire les heures travaillées chaque jour et chaque semaine par certains employés prescrits. Pour s’assurer de respecter la LNE, les employeurs devraient envisager d’adopter une politique sur le télétravail (ou des ententes de télétravail) qui donne des indications claires aux employés à cet égard. En outre, pour minimiser le risque que les employés travaillent hors des heures de travail ou qu’ils travaillent plus que les heures prévues, les employeurs devraient penser à établir un processus d’approbation préalable des heures supplémentaires ainsi qu’un processus permettant de suivre et d’inscrire efficacement les heures travaillées chaque jour et chaque semaine par les employés en télétravail.
Santé et sécurité au travail
L’obligation qui incombe à un employeur vis-à-vis des employés en télétravail en matière de santé et de sécurité dépendra de la législation provinciale en cette matière qui lui est applicable. En Ontario, la Loi sur la santé et la sécurité au travail (« LSST ») oblige un employeur à fournir à ces travailleurs un environnement de travail sécuritaire et à prendre toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour protéger la santé et la sécurité de ces derniers. Fait à noter, même si le terme « lieu de travail » est défini au sens large dans la LSST, on y trouve une exemption qui soustrait le travail exécuté par le propriétaire ou l’occupant d’une résidence privée de l’application de la LSST. À ce jour, la portée et la nature de cette exemption eu égard au télétravail demeurent non réglées.
Droits de la personne
La législation sur les droits de la personne interdit la discrimination contre les employés en fonction de certains motifs prescrits les protégeant et exige également que les employeurs offrent aux employés une adaptation raisonnable sans subir eux-mêmes un préjudice injustifié. Ces exigences s’appliquent aussi aux employés en télétravail. Plus particulièrement, les motifs protégés du handicap et de l’état familial en vertu du Code des droits de la personne (« Code ») de l’Ontario peuvent souvent s’appliquer dans les scénarios de télétravail, notamment sous la forme de demandes d’équipement de bureau de la part d’employés ou de demandes d’horaires de travail aménagés ou d’heures de travail modifiées. Les employeurs doivent savoir que ces demandes peuvent déclencher l’obligation d’adapter et doivent, par conséquent, veiller à ce que l’approche qu’ils adoptent à cet égard soit conforme au Code (ou à la législation sur les droits de la personne applicable).
Protéger les renseignements confidentiels
Le télétravail soulève des préoccupations particulières quant au traitement et à la protection adéquats des renseignements d’affaires confidentiels. Les employés au travail dans un espace partagé avec d’autres résidents de leur domicile peuvent leur divulguer des renseignements confidentiels par inadvertance. De plus, les employés qui utilisent leur propre équipement informatique n’ont peut-être pas le logiciel approprié pour garantir un traitement, une transmission, un stockage et/ou une suppression sécuritaires des renseignements personnels. Ces préoccupations, si elles restent sans réponse, pourraient engendrer un risque accru d’atteinte à la confidentialité. À cet effet, si ce n’est pas déjà fait, les employeurs devraient réfléchir à la possibilité de mettre en place des mesures de protection des données, dont un processus de traitement et de stockage des documents physiques et électroniques, des lignes directrices relatives à l’utilisation d’équipement personnel pour le travail, des directives sur la destruction sécuritaire des documents de l’entreprise et des processus qui visent à protéger la confidentialité pendant les appels téléphoniques ou les vidéoconférences en lien avec le travail. Les employés devraient recevoir une formation sur ces mesures et les employeurs, de leur côté, devraient s’assurer que ces mesures sont clairement documentées (au moyen d’une politique portant sur la confidentialité) et mises à la disposition des employés.
Autres considérations pratiques
Même si le télétravail favorise la souplesse et stimule la productivité de certains employés, l’absence d’interactions ou des interactions limitées en personne peuvent aussi entraîner l’isolement et/ou la réduction de l’esprit d’équipe. En réponse à ces risques, les employeurs pourraient organiser régulièrement des réunions informelles virtuelles de façon à ce que les employés se sentent soutenus, productifs et connectés. Des événements sociaux dont la présence est optionnelle pourraient également être organisés de façon virtuelle, comme des soirées de jeux et des lunchs, dans le but de renforcer l’esprit d’équipe. Enfin, les employeurs devraient veiller à ce que des ressources (telles que des modules de formation sur le télétravail et des ressources en technologie de l’information) soient mises à la disposition de tous les employés en télétravail et facilement accessibles.
Points à retenir
Bien que bon nombre d’employeurs retrouvent ou retrouveront bientôt leurs employés dans leurs bureaux, certains employés vont sans aucun doute continuer de faire du télétravail à temps plein ou à temps partiel. Effectivement, les avancées dans les domaines de la technologie et de l’innovation ont permis à certains employeurs de maintenir leur capacité opérationnelle pendant la pandémie de COVID-19.
Même si le télétravail comporte nombre d’avantages, les employeurs seraient bien avisés d’examiner attentivement les obligations applicables pouvant découler des normes d’emploi, des lois sur la santé et la sécurité au travail, des lois sur l’indemnisation des accidentés du travail, des droits de la personne et des lois sur la protection de la vie privée et des renseignements personnels. Un tel exercice pourrait contribuer à atténuer les risques juridiques potentiels, mais également à favoriser des milieux de travail harmonieux, efficaces et sûrs en Ontario.