L’Ontario présente une nouvelle loi sur le climat

Mondial Publication Février 2016

Le 24 février dernier, le projet de loi 172, la Loi de 2016 sur l’atténuation du changement climatique et une économie sobre en carbone (Loi), a été présenté à la législature de l’Ontario. Les réductions des cibles d’émission de gaz à effet de serre (GES) énoncées dans cette Loi proposée sont ambitieuses : une réduction de 15 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici la fin de 2020, une réduction de 37 % d’ici la fin de 2030, et une réduction de 80 % d’ici la fin de 2050. Pour atteindre ces cibles, l’un des éléments clés de la Loi constitue l’introduction d’un nouveau programme de plafonnement et d’échange. Ce programme financera à son tour un Compte de réduction des gaz à effet de serre afin de soutenir les initiatives réduisant les gaz à effet de serre.


Détails du programme de plafonnement et d’échange

Le nouveau programme de plafonnement et d’échange constituera un changement important tant pour les particuliers que les industries.

Les particuliers feront face à une augmentation des coûts des sources d’émission de GES. Par exemple, ce plan devrait entraîner une augmentation d’environ 4,3 cents le litre d’essence, et d’environ 5 $ par mois pour une facture résidentielle de gaz naturel. Toutefois, les propriétaires de résidence bénéficieront d’une remise de 2 $ par mois sur leur facture d’électricité, et la première ministre a affirmé que le programme ne devrait pas faire augmenter les coûts d’électricité pour les secteurs industriels ou commerciaux1.

Entretemps, les intervenants industriels pourraient être tenus de participer directement au système de plafonnement et d’échange. Trois types de participants au programme sont prévus : les participants assujettis, les participants volontaires et les participants au marché, qui doivent tous être inscrits. Les détails sur les entités qui seront des participants assujettis seront donnés dans des règlements subséquents. Tant les participants assujettis que les participants volontaires doivent restituer des quotas d’émission et des crédits équivalant au nombre d’émissions de GES qui leur a été attribué sur une période donnée appelée une « période de conformité ».

Alors, comment les participants obtiendront-ils des quotas d’émission de GES et des crédits à échanger contre leurs émissions? Les quotas d’émission de GES seront créés et alloués aux participants inscrits. Au cours d’une période transitoire initiale, certains quotas d’émission seront alloués gratuitement à des participants inscrits comme de grands émetteurs industriels, conformément à l’approche adoptée au Québec. Néanmoins, il est ultimement prévu que les participants inscrits achèteront des quotas d’émission.

La question de la méthode de distribution est laissée ouverte pour l’instant, la Loi autorisant les enchères, la vente directe ou d’autres façons prescrites. L’échange de quotas d’émission de GES et de crédits se limite aux participants inscrits, et des interdictions pour éviter la fraude et la manipulation du marché sont établies. Un cadre est également mis en place pour inscrire les initiatives de compensation et pour offrir des crédits compensatoires.

Compte de réduction des gaz à effet de serre

Les fonds tirés de l’achat de quotas d’émission seront consignés dans un compte appelé Compte de réduction des gaz à effet de serre. (Les fonds tirés des pénalités administratives et des divers autres frais payés aux termes de la Loi seront également consignés dans ce compte.) Des sommes peuvent être facturées à ce compte et prélevées sur le Trésor afin de financer des initiatives appuyant la réduction des GES, ou de financer les coûts engagés pour l’administration et la mise en application de la Loi.

L’annexe I de la Loi présente un certain nombre d’initiatives qui pourraient être financées par le Compte de réduction des gaz à effet de serre, comme le réaménagement de bâtiments, l’appui aux véhicules hybrides rechargeables et aux véhicules sans émission, et les projets se rapportant à la technologie de capture et de stockage du carbone. Les initiatives industrielles potentielles comprennent le financement de technologies qui réduisent les émissions de GES, le remplacement des sources d’énergie à émissions plus élevées, et le remplacement des procédés ou de leurs intrants par des procédés et des intrants faibles en carbone afin de réduire les émissions de GES.

Harmonisation

Le programme ontarien ne fonctionne pas indépendamment des programmes similaires en Amérique du Nord, comme au Québec et en Californie. Pour ce motif, la Loi autorise le ministre à conclure des ententes avec d’autres gouvernements afin de reconnaître leurs lois et règlements relatifs au programme de plafonnement et d’échange de l’Ontario, ce qui permet une harmonisation accrue des différents programmes de plafonnement et d’échange et une plus grande vitalité du marché du carbone.

Le programme de plafonnement et d’échange de l’Ontario sera lié aux systèmes du Québec et de la Californie, formant ainsi un marché du carbone triterritorial réglementé. Le Québec et la Californie ont mis sur pied leurs propres systèmes de plafonnement et d’échange en 2013 après des années de discussion et de préparation sous les auspices de la Western Climate Initiative, une initiative intergouvernementale élaborée par 11 territoires en vue de réduire les GES. En décembre dernier, le Manitoba a également annoncé qu’il adopterait un système de plafonnement et d’échange et a signé un protocole d’entente à cet égard avec l’Ontario et le Québec. Tous ces systèmes ont des caractéristiques techniques similaires, dont un mécanisme d’enchère pour la vente et l’achat de droits d’émission de carbone, et sont exploités au moyen d’un système informatisé commun.

Pénalités

La non-conformité à la Loi ou l’un de ses règlements constituera une infraction. Les dirigeants et les administrateurs peuvent également être tenus responsables si une personne morale commet une infraction en vertu de la Loi, s’ils ont ordonné ou autorisé une infraction ou y ont consenti ou participé, ou s’ils n’ont pas pris de précaution raisonnable pour empêcher la personne morale de commettre une infraction. Un délai de prescription de six ans s’appliquera aux procédures pénales, à compter de la date à laquelle l’infraction a été portée pour la première fois à la connaissance d’un agent des infractions provinciales. La Loi prévoit également des pénalités administratives allant jusqu’à un million de dollars, sous réserve d’un délai de prescription d’un an. Les dirigeants et les administrateurs de personnes morales seront dispensés de ces pénalités.

Résumé

La Loi prévoira un certain nombre de nouveaux mécanismes pour que le gouvernement réglemente les émissions de GES. Plus particulièrement, le programme de plafonnement et d’échange aura une incidence d’envergure sur un certain nombre de secteurs d’activité, bien que les délais ne soient pas encore définitifs. Malgré qu’il y aura une période transitoire au cours de laquelle les participants industriels n’auront pas à payer pour les quotas d’émission, il ne s’agit que d’une mesure temporaire, après quoi les participants industriels devront également acheter leurs quotas d’émission. Les particuliers verront des augmentations de prix pour les carburants comme l’essence et le gaz naturel.

Découlant du programme de plafonnement et d’échange, et financé en grande partie par l’achat de quotas d’émission, le Compte de réduction des gaz à effet de serre permettra le financement d’un certain nombre de projets contribuant à la réduction des émissions de carbone, allant des initiatives de réaménagement de maisons aux initiatives de changements industriels.

Bien que plusieurs des détails plus précis soient encore à venir, la participation de l’Ontario à la Western Climate Initiative indique que cette province a l’intention d’harmoniser son programme de plafonnement et d’échange avec ceux du Québec et de la Californie. Ainsi, les détails du régime existant dans ces territoires peuvent constituer une source d’information pour les personnes susceptibles d’être touchées par cette nouvelle législation.

L’auteure désire remercier Kira Misiewicz, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.

Note

  1. Voir http://www.cbc.ca/news/canada/toronto/ontario-budget-1.3461834 (en anglais).


Personne-ressource

Associé principal, chef canadien, Droit de l'environnement

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