Le gouvernement du Canada (gouvernement) a annoncé le 17 janvier dernier deux nouvelles initiatives qui visent à renforcer l’approche du Canada en matière de conduite responsable des entreprises canadiennes ayant des activités à l’étranger, soit la création du poste d’ombudsman canadien indépendant pour la responsabilité sociale des entreprises (ombudsman) et celle d’un Groupe consultatif multipartite sur la conduite responsable des entreprises (Groupe consultatif). Ces initiatives reposent sur la volonté du gouvernement de faire progresser les droits de la personne. Elles veulent favoriser le fonctionnement responsable des entreprises canadiennes en facilitant l’accès à des mécanismes conçus pour traiter les violations des droits de la personne par des entreprises canadiennes menant des activités à l’étranger. Le gouvernement précisera bientôt le fonctionnement de ces entités, mais en voici les grandes lignes.
L’ombudsman canadien de l’entreprise socialement responsable
L’ombudsman aura pour mandat d’analyser les allégations de violations des droits de la personne causées par les activités d’une entreprise canadienne à l’étranger, disposera d’un budget pour mener ses enquêtes de façon indépendante, sera nommé par décret du gouvernement, qui établira les spécificités du mandat et des responsabilités connexes, et exercera ses fonctions à temps plein pour une durée d’au plus cinq ans.
Pour le moment, l’information transmise par le gouvernement ne nous permet pas de savoir si une plainte pourra être déposée de l’étranger ou seulement du Canada. Le processus de dépôt de plainte sera accompagné d’un processus de procédures d’appel qui assurera aux entreprises visées par des allégations un traitement clair, prévisible et transparent.
Dans le cadre de son mandat et de ses pouvoirs d’enquête, l’ombudsman aura notamment la capacité :
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d’entreprendre des recherches sur la base de faits;
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d’entreprendre des recherches indépendantes sans le dépôt d’une plainte;
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de produire des rapports à toutes les étapes d’une enquête; et
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de faire des recommandations aux parties concernées par la plainte ainsi qu’au gouvernement1.
Dans le cas où une entreprise refuserait de coopérer, l’ombudsman pourrait recommander le refus ou le retrait de certains services gouvernementaux (par exemple, le soutien à la défense des intérêts commerciaux et le soutien financier d’Exportation et Développement Canada) comme mesure provisoire ou recommandation finale.
Le Groupe consultatif multipartite sur la conduite responsable des entreprises
Le Groupe consultatif sera composé d’experts de la société civile et de l’industrie et relèvera de la compétence du ministre du Commerce international. Son rôle sera de prodiguer au gouvernement des conseils sur la mise en œuvre efficace et l’amélioration de ses politiques et pratiques liées à la responsabilité sociale des entreprises canadiennes présentes à l’étranger, notamment avec la création de nouvelles lois et de nouveaux règlements. Le Groupe consultatif aidera le gouvernement à établir le mandat et les procédures d’enquête de l’ombudsman.
Les membres du Groupe consultatif y participeront de façon bénévole et ne seront pas rémunérés. Ils se réuniront quatre fois par an en personne, mais pourront organiser des réunions supplémentaires au besoin.
Les conséquences sur les entreprises canadiennes
Ces deux initiatives du gouvernement n’imposeront pas de nouvelles obligations aux entreprises canadiennes menant des activités à l’étranger : elles sont déjà tenues de respecter les droits de la personne et les lois canadiennes applicables et sont encouragées à exercer l’ensemble de leurs activités commerciales en conformité avec les normes internationales en matière de responsabilité sociale et environnementale dans le cadre de leurs activités, telles que les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies2 ainsi que les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales3.
La création prochaine du Bureau de l’ombudsman et du Groupe consultatif vise ainsi à instaurer un processus de dépôt de plaintes et d’enquête indépendante à l’encontre d’entreprises canadiennes menant des activités à l’étranger qui contreviendraient aux normes existantes en matière de droits de la personne. Bien que les normes internationales ne soient pas contraignantes pour les entreprises canadiennes, les enquêtes et les recommandations de l’ombudsman seront rendues publiques, ce qui pourrait nuire à la réputation des entreprises canadiennes. Le gouvernement envisage également d’imposer des sanctions aux entreprises qui violent les normes internationales, notamment en retirant le soutien à la défense des intérêts commerciaux de celles-ci ou les rendant inadmissibles au soutien financier du gouvernement.
Bien que le mandat de l’ombudsman vise principalement les industries minières, pétrolières et gazières et celles du textile, il est toutefois prévu que de nouveaux secteurs commerciaux seront ajoutés au mandat au cours de sa deuxième année d’existence.
Le gouvernement a annoncé que les deux entités entreront en fonction dès que possible, sans toutefois fournir de date précise quant à l’adoption du décret gouvernemental.
Les auteurs désirent remercier Antoine Bourget-Rousseau, étudiant en droit, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.
Notes
1 Conduite responsable des entreprises à l’étranger, http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/topics-domaines/other-autre/faq.aspx?lang=fra (page consultée le 18 janvier 2018).
2 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, HR/PUB/11/4, 2011, http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf.
3 OCDE, Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Éditions OCDE, 2011, http://dx.doi.org/10.1787/9789264115439-fr.