La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (« LACC »), principale loi canadienne sur la restructuration pour les grandes entreprises, a fait l’objet d’un ensemble de modifications de fond qui sont entrées en vigueur le 1er novembre 2019.

La LACC donne aux tribunaux le pouvoir, notamment, d’octroyer la suspension des procédures en faveur des sociétés débitrices et de plusieurs autres parties concernées, et d’approuver des mécanismes de prêts provisoires. La suspension empêche des parties adverses potentielles d’intenter, de poursuivre ou de faire appliquer des réclamations ou de faire exécuter d’autres mesures de redressement. Les mécanismes de prêts provisoires peuvent permettre de financer la continuation de l’exploitation de l’entreprise débitrice et de couvrir les coûts du processus de  restructuration; ils peuvent être garantis par une charge superprioritaire ordonnée par le tribunal.

Les modifications apportées à la LACC comprennent des modifications particulières et importantes de ces aspects clés des procédures de restructuration en vertu de la LACC :

  1. Suspension initiale de 10 jours : La durée de la suspension initiale des procédures est réduite, passant de 30 jours à 10 jours.
  2. Redressement raisonnablement nécessaire : Le redressement accordé par une ordonnance initiale délivrée le premier jour des procédures doit être « raisonnablement nécessaire » aux fins de la continuation de l’exploitation de l’entreprise débitrice dans le cours normal des activités pendant cette période de 10 jours.
  3. Financement provisoire raisonnablement nécessaire : Le financement provisoire garanti par une charge ordonnée par un tribunal sera approuvé uniquement dans la mesure « raisonnablement nécessaire » aux fins de la continuation de l’exploitation de l’entreprise débitrice dans le cours normal des activités pendant cette période de 10 jours.

Le redressement à plus long terme est dorénavant reporté à une audition subséquente.

Les incidences de ces modifications pourraient s’étendre à la séquence et la célérité des procédures de restructuration canadiennes. Par exemple, les mesures pour faire avancer les plans de restructuration préarrangés et les processus de vente pourraient ne pas être lancées à l’audition initiale. En outre, les débiteurs et leurs prêteurs pourraient ne pas être en mesure de mettre en œuvre des arrangements de financement provisoires complets à l’audition initiale comme cela était le cas auparavant.

Les prêteurs, les avocats en droit de l’insolvabilité et les autres participants du marché disposent maintenant d’une certaine orientation quant à l’application par les tribunaux de ces nouvelles modifications. Le 23 décembre 2019, Lydian International Limited (« Lydian ») et certaines des sociétés de son groupe engagées dans la prospection aurifère et les activités de mise en valeur y afférentes ont fait une demande de protection contre leurs créanciers en vertu de la LACC. Compte tenu de la période des Fêtes, les demandeurs ont demandé que le tribunal octroie immédiatement une seconde ordonnance après l’ordonnance initiale pour proroger la période de suspension au-delà de la période initiale de 10 jours.

Dans le cadre des procédures visant Lydian, le tribunal de l’Ontario a ordonné que :

  • Le redressement devant être octroyé dans une audition initiale en vertu de la LACC devrait maintenant, si possible, être limité à maintenir le statu quo et à stabiliser les activités courantes pendant la période de suspension initiale de 10 jours. Par conséquent, le tribunal a refusé d’acquiescer à la demande de prolongation de la suspension à l’audition initiale, bien que le tribunal ait mis en œuvre des solutions pratiques aux fins de l’audition de la motion de retour compte tenu de la période des Fêtes.
  • La pratique d’octroyer un « redressement étendu » lors de l’audition initiale devrait être adaptée aussi à la lumière des récentes modifications.
  • La période de 10 jours qui en découle permet la stabilisation de l’exploitation et une fenêtre de négociation, suivie d’une audition de retour lorsque la demande d’un redressement étendu peut être examinée, avec un préavis suffisant à toutes les parties touchées.
  • Les charges ordonnées par le tribunal pour garantir les frais professionnels et les indemnisations aux administrateurs et dirigeants, qui sont habituellement octroyées au début des procédures d’insolvabilité dans le but de garantir que tant les professionnels chargés de la restructuration que les administrateurs et les dirigeants demeurent engagés, étaient appropriées et devraient être approuvées.
  • Sauf circonstances exceptionnelles, le tribunal n’a pas estimé qu’il était souhaitable d’accéder à des motions aux fins de redressement supplémentaire durant la période suivant l’octroi de l’ordonnance initiale.

Le tribunal a expliqué que cette approche était conforme aux objectifs des modifications qui comprenaient l’amélioration de la participation de tous les joueurs (y compris ceux qui n’ont pas participé aux négociations ayant mené aux procédures d’insolvabilité).

Après l’entrée en vigueur des modifications de la LACC, il y a eu énormément de spéculation quant à l’approche des tribunaux face aux nouvelles modifications et quant au recours aux dispositions plus souples de la LACC dans le but de contourner les incidences pratiques des modifications. Les tribunaux ont initialement pris diverses approches à ces égards. Le tribunal saisi de l’affaire Lydian a appliqué la ligne dure par rapport i) à la période de suspension initiale de 10 jours et ii) l’exigence que tout redressement octroyé soit raisonnablement nécessaire aux fins de la continuation de l’exploitation de la société débitrice dans le cours normal des activités pendant cette période, bien qu’il y ait place à la flexibilité afin de s’adapter à des circonstances exceptionnelles.

Le tribunal a indiqué que suivant l’octroi de l’ordonnance initiale, un certain nombre de mesures peuvent être prises et les négociations peuvent commencer ou continuer, y compris, mais sans s’y limiter, aux fins suivantes :

  • Notification à toutes les parties prenantes de la demande en vertu de la LACC.
  • Stabilisation de l’exploitation des sociétés débitrices.
  • Négociations en cours avec les principales parties prenantes qui ont été consultées avant le dépôt en vertu de la LACC.
  • Début des négociations avec les parties prenantes qui n’ont pas été consultées avant le dépôt en vertu de la LACC.
  • Négociation des facilités DE et des charges superprioritaires.
  • Négociation des programmes incitatifs à l’intention des employés clés et des programmes de maintien en fonction des employés clés.
  • Négociation avec les fournisseurs clés.

Il n’était pas rare, avant les récentes modifications, qu’une ordonnance initiale comprenne des dispositions touchant une partie ou la totalité des questions et des parties susmentionnées. Ce ne sera plus désormais le cas.

Il s’agit d’une considération importante pour les sociétés en restructuration. Par exemple :

  • Liquidités et financement provisoire : les sociétés débitrices pourraient devoir se préparer en vue d’une protection contre les créanciers bien avant que ne survienne un manque de liquidités pour dégager du temps supplémentaire aux fins de l’approbation d’un mécanisme de prêt DEP ou de la négociation d’un financement à plus court terme à être utilisé uniquement pendant la période initiale de 10 jours.
  • Plans préarrangés et processus de vente : les étapes visant l’approbation des processus de vente ou un processus de réunions visant un plan d’arrangement préarrangé pourraient signifier du temps additionnel aux fins des approbations après l’audition initiale.
  • Programmes incitatifs à l’intention des employés clés et programmes de maintien en fonction des employés clés : ces arrangements étaient souvent approuvés à l’audition initiale afin d’assurer la continuité au sein des postes d’employés clés. Les sociétés débitrices pourraient devoir envisager d’autres moyens pour maintenir en fonction les employés clés pendant la période de suspension initiale de 10 jours.

À l’examen des approches possibles dans le cadre d’une restructuration en vertu de la LACC, les sociétés débitrices, les prêteurs et leurs conseillers respectifs devront examiner attentivement les incidences des modifications et l’orientation fournie par le tribunal dans le cadre de l’affaire Lydian.



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