Étant donné les incidences sur certains groupes de producteurs, l’ouverture de marchés dans le secteur des produits agricoles et agroalimentaires demeurera un défi important pour chaque partie à l’entente commerciale trilatérale de l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC), qui doit remplacer l’ALENA le 1er janvier 2020.
Bien qu’il préserve et conserve son système de gestion de l’offre pour l’essentiel, le Canada a fait un certain nombre de concessions qui offrent aux États-Unis un accès accru au marché, plus particulièrement dans les secteurs des produits laitiers, de la volaille et des produits d’œufs. Ces concessions feront en sorte que les Canadiens verront davantage de volaille et d’œufs d’origine américaine sur les tablettes, mais comme les changements sont mis en œuvre sur une période de 10 ans, l’incidence sur les produits canadiens, qui dominent encore le marché, devrait être graduelle.
Pour atténuer l’effet de ces concessions sur les producteurs, le gouvernement canadien a promis aux producteurs et aux transformateurs touchés une compensation intégrale et équitable afin d’assurer que l’industrie demeure solide. La mesure dans laquelle les parties à l’accord tireront profit d’un échange plus ouvert dans ces secteurs et la question de savoir si les groupes de travail du gouvernement sur la gestion de l’offre peuvent négocier des arrangements qui répondront aux besoins des agriculteurs et des transformateurs restent à voir.
Voici un résumé général de la manière dont l’AEUMC influera sur l’agriculture.
Changements tarifaires touchant les produits laitiers, la volaille et les produits d’œufs
En vertu de l’AEUMC, tous les produits agricoles qui ne sont pas assortis de droits de douane aux termes de l’ALENA demeureront non assujettis à des droits de douane dans le cadre de la nouvelle entente commerciale. Le changement apporté par l’AEUMC est que certains produits additionnels pourront éventuellement entrer au Canada en franchise dans les quantités prescrites, notamment : le lait (50 000 tonnes métriques, dont 85 % se composent de lait en vrac devant être transformé dans des produits laitiers utilisés comme ingrédients dans le cadre d’une transformation ultérieure); la crème (10 500 tonnes métriques, dont 85 % se composeront de crème destinée à une transformation ultérieure); les produits de lait écrémé (7 500 tonnes métriques); le beurre et la crème en poudre (4 500 tonnes métriques, dont 50 % se destineront ultimement à une transformation ultérieure); le fromage destiné à un usage industriel (6 250 tonnes métriques) et le fromage de tous genres (6 250 tonnes métriques).
Il importe de souligner qu’en vertu de l’Accord économique commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, le Canada a déjà convenu de l’accès au marché suivant pour des produits d’origine européenne : le fromage, à raison de 16 000 tonnes métriques, et le fromage industriel, à raison de 1 700 tonnes métriques.
Aux termes de l’AEUMC, le Canada mettra également en œuvre des contingents tarifaires augmentés pour le yogourt et le babeurre, la poudre de lactosérum, le lait concentré, les poudres de lait, le babeurre en poudre, les produits formés de composants naturels du lait, la crème glacée, les autres produits laitiers, le poulet, la dinde, les œufs et produits d’œufs, et les œufs d’incubation de poulets de chair et poussins de type chair d’origine américaine.
En contrepartie du plus grand accès donné aux États-Unis en ce qui a trait aux produits laitiers, à la volaille et aux produits d’œufs, l’AEUMC prévoit un accès accru au marché américain pour les producteurs de betteraves à sucre du Canada. Pour ce qui est du blé, les deux pays reçoivent le traitement national relativement à l’attribution des grades de qualité.
L’accord bilatéral Canada–États-Unis énonce une exigence précise en matière d’avis, aux termes de laquelle le Canada doit donner un avis aux États-Unis avant de procéder à des changements proposés dans les droits de douane visant les produits laitiers, la volaille ou les produits d’œufs, et les États-Unis doivent donner un avis au Canada à l’égard de tout changement proposé dans les droits de douane visant les produits laitiers, le sucre et les produits contenant du sucre (PCS). En outre, à la demande de l’autre partie, les deux pays doivent discuter des mesures ou des politiques avant de procéder aux changements. En plus de toute consultation, les parties doivent se réunir cinq ans après la mise en œuvre de l’AEUMC et aux deux ans par la suite pour examiner les changements qui devraient être apportés aux prix des produits laitiers.
Biotechnologies agricoles
En ce qui a trait aux biotechnologies agricoles, l’accord renferme des mesures favorisant les échanges dans ce domaine tout en protégeant les consommateurs. De plus amples renseignements sur les produits autorisés issus de la biotechnologie agricole seront mis à la disposition du public et le processus d’autorisation sera simplifié de manière à ce que les prises de décision et les communications se fassent rapidement et avec transparence.
Chaque partie doit mettre sur pied des politiques en matière de gestion des cas de présence en faible concentration (PFC) d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Les parties exportatrices doivent fournir une évaluation des risques de la PFC sur demande, et la partie importatrice devra également fournir une telle évaluation en retour si elle existe. Un « groupe de travail » réunissant les parties sera établi pour échanger l’information, collaborer et travailler sur les enjeux commerciaux et les politiques en matière de biotechnologies agricoles.
Aliments préemballés et additifs alimentaires
La partie de l’AEUMC portant sur les formules exclusives concernant les aliments préemballés et les additifs alimentaires reflète les efforts déployés pour accroître la protection des renseignements confidentiels et des formules exclusives. Les parties ne sont autorisées à demander de l’information que si cela est nécessaire pour atteindre un objectif légitime. La partie demandant l’information sera également tenue de traiter les renseignements confidentiels de la même manière que de tels renseignements confidentiels de nature similaire seraient traités par la partie divulgatrice dans son pays.
Annexe relative aux boissons alcooliques
L’annexe relative aux spiritueux distillés, au vin, à la bière et aux autres boissons alcooliques (« annexe relative à l’alcool ») confirme l’importance du traitement national. La dérogation dans cette annexe s’applique au vin vendu dans les épiceries du Québec – permettant au Québec de limiter les vins vendus dans les épiceries de la province aux vins qui sont embouteillés au Québec, tant que les vins étrangers ont la possibilité d’être vendus dans d’autres établissements de vente au détail.
Des mesures discriminatoires analogues en Ontario et en Colombie-Britannique sont autorisées seulement si elles étaient en place le 1er janvier 1989. Cette annexe offre une protection et une reconnaissance aux produits nationaux distinctifs – le whisky canadien, le whisky connu sous le nom de Tennessee Whiskey/bourbon, la tequila et le mezcal, qui ne peuvent pas être produits à l’extérieur de leurs régions respectives. L’appellation vin de glace est également limitée aux vins fabriqués à partir de raisins qui ont subi un gel naturel sur la vigne.
Les lois en matière d’étiquetage ont également été modernisées, exigeant la véracité et l’exactitude, et permettant des étiquettes supplémentaires. Aucune datation ne peut être exigée sur un contenant de vin ou de spiritueux distillé, à moins qu’il n’expire plus tôt que le consommateur ne s’y attendrait normalement. Les lois en matière d’étiquetage des produits alcooliques sont vastes et nécessitent des conseils juridiques particuliers.
Promotion de la coopération et de l’intégration
Le chapitre sur l’agriculture maintient la coopération et l’accès accru au marché ainsi que l’intégration entre les trois pays. Il vise à créer des possibilités de discuter des différends et de régler les distorsions commerciales possibles et potentielles, ainsi qu’à accroître les échanges entre les trois parties.
Il sera intéressant de voir comment les comités pour le commerce des produits agricoles, qui doivent être créés en vertu de l’AEUMC, réussiront à promouvoir des solutions collaboratives pour les secteurs agricoles et agroalimentaires déjà hautement intégrés.
L’auteure souhaite remercier Sarah Miller, stagiaire, pour sa contribution à cet article.