À la suite de près de trois années de consultation auprès des parties prenantes, l’édition 2023 du Code de déontologie des lobbyistes (Code) a été publiée dans la Gazette du Canada le 27 mai 20231. À compter du 1er juillet 2023, les lobbyistes salariés et les lobbyistes-conseils assujettis à la Loi sur le lobbying (Loi)2 devront de se conformer aux nouvelles règles.
Résumé des modifications
Dans l’objectif de favoriser la transparence et le lobbying éthique, l’édition 2023 codifie un régime fédéral plus robuste, offrant des lignes directrices aux lobbyistes tout en comblant des lacunes repérées par les parties prenantes dans l’édition 2015. La nouvelle édition offre des définitions détaillées ainsi que des exemples pour promouvoir le respect du Code et de la Loi. Les modifications les plus importantes ont été apportées aux règles concernant les conflits d’intérêts, les cadeaux et les marques d’hospitalité et l’obligation de divulgation.
Un « sentiment d’obligation »
Il est dorénavant interdit aux lobbyistes de faire du lobbying auprès d’un fonctionnaire lorsqu’on pourrait raisonnablement penser que ce fonctionnaire a un sentiment d’obligation envers le lobbyiste. On peut établir si l'on pourrait raisonnablement penser qu’un fonctionnaire a un sentiment d’obligation envers un lobbyiste en fonction de l’existence d’une relation étroite, en conséquence d’un travail politique effectué pour le fonctionnaire et en raison d’autres circonstances qui ne sont pas expressément stipulées dans le Code.
Soulignons que, tout comme la version précédente du Code qui interdisait le lobbying lorsqu’il existait une apparence de conflit d’intérêts, le Code mis à jour interdit le lobbying non seulement lorsque le fonctionnaire a un réel sentiment d’obligation envers le lobbyiste, mais également lorsqu’on pourrait raisonnablement « penser que ce fonctionnaire a un sentiment d’obligation » envers le lobbyiste.
Relation étroite
Il est interdit aux lobbyistes de faire du lobbying auprès d’un fonctionnaire lorsqu’un sentiment d’obligation est susceptible de découler d’une « relation étroite », que l’on définit comme étant des liens étroits, fondés sur une affection personnelle, sur une confiance ou une loyauté mutuelle, ou sur une interdépendance professionnelle, commerciale ou financière, qui va au-delà d’une simple connaissance.
Travail politique et période de restriction
Les conflits d’intérêts auparavant attribuables aux activités politiques seront codifiés en tant que « travail politique ». Ce terme englobe tant le travail rémunéré que non rémunéré de nature politique ou partisane. Le travail politique se déclinera en deux catégories : 1) des rôles politiques de leadership ou de haut niveau effectués pour le fonctionnaire ou leur parti politique et 2) d’autres rôles, fonctions ou tâches politiques.
Si les lobbyistes effectuent un travail politique de la première catégorie, ils ne peuvent pas faire de lobbying pendant une période de restriction de 24 mois. La période de restriction à l’égard de la deuxième catégorie est de 12 mois. Le travail politique ne comprend pas d’autres formes de participation politique, comme assister à un événement de financement ou de campagne, afficher personnellement des pancartes électorales ou publier en ligne du matériel numérique de campagne pendant une période électorale, faire une contribution politique en conformité avec un régime législatif électoral ou adhérer à un parti politique. Dans des circonstances exceptionnelles, la période de restriction peut être levée.
La période de restriction constituait une préoccupation dominante au cours de la consultation. Les parties prenantes ont commenté qu’elles craignaient qu’une règle limitant la participation politique dans le Code puisse constituer à première vue une violation des articles 2 et 3 de la Charte canadienne des droits et libertés3.
D’autres parties prenantes prônaient une période de restriction encore plus longue de dix ans pour le travail politique de la première catégorie et de cinq ans pour le travail politique de la deuxième catégorie, alléguant que les périodes proposées de un an et de deux ans laisseraient libre cours à du « [traduction] lobbying contraire à l’éthique généralisé »4. À notre avis, cette dernière préoccupation est résolue grâce à l’interdiction de portée générale du lobbying lorsqu’on pourrait penser qu’un fonctionnaire a un sentiment d’obligation envers le lobbyiste pour d’autres motifs qui ne sont pas expressément stipulés dans le Code (art. 4.3).
En définitive, le commissaire au lobbying (commissaire) a établi que la division du travail politique en deux catégories assorties de périodes de restriction proportionnelles faisait en sorte que la nouvelle règle porterait une atteinte minimale et serait proportionnelle à l’objectif du Code de limiter les situations où l’on pourrait penser qu’un fonctionnaire a un sentiment d’obligation envers un lobbyiste. Il reste à voir si une contestation constitutionnelle sera intentée à l’égard de l’une ou l’autre des périodes de restriction.
Autorisation et exemption à l’égard des cadeaux et des marques d’hospitalité
Les lobbyistes seront autorisés à fournir un cadeau de faible valeur ou une marque d’hospitalité5 de faible valeur aux fonctionnaires auprès de qui ils envisagent de faire du lobbying ou font actuellement du lobbying. La limite de la faible valeur d’un cadeau et/ou d’une marque d’hospitalité est de 40 $, avec une limite annuelle de 200 $. Les cadeaux comprennent le voyage parrainé. Le Code mis à jour précise que la valeur d’une marque d’hospitalité est déterminée sur une base unitaire (c’est-à-dire par personne) en divisant le coût total des aliments et des boissons par le nombre de personnes dont on peut raisonnablement s’attendre à voir assister au rassemblement, et exclut les frais de traiteur, de location ou de service.
Parallèlement à cette autorisation, le commissaire aura le pouvoir discrétionnaire d’accorder une exemption aux limites relatives aux cadeaux et aux marques d’hospitalité en tenant compte de facteurs comme la mesure dans laquelle la limite est dépassée, les prix du marché local, si le cadeau ou la marque d’hospitalité est lié à l’exercice d’un pouvoir, ou d’autres facteurs que le commissaire juge pertinents.
Ces limites n’empêchent pas les lobbyistes de fournir des cadeaux ou des marques d’hospitalité à des fonctionnaires auprès de qui ils ne font pas de lobbying ou n’envisagent pas de faire du lobbying. Toutefois, les lobbyistes devraient être prudents même lorsqu’ils offrent des cadeaux ou des marques d’hospitalité à des fonctionnaires auprès de qui ils ne font pas de lobbying ou n’envisagent pas de faire du lobbying et devraient tenir compte des relations politiques que ces fonctionnaires pourraient avoir avec d’autres fonctionnaires visés par du lobbying.
Clarification des obligations de divulgation
Parmi les autres clarifications qu’apporte le Code mis à jour, les lobbyistes qui utilisent des appels au grand public pour persuader le public de communiquer avec des fonctionnaires sont maintenant expressément obligés aux termes du Code d’identifier leur client ou employeur ainsi que l’objet de leur communication. Même si les appels au grand public étaient déjà inclus dans la définition du lobbying dans la Loi, la version antérieure du Code ne stipulait pas expressément que l’obligation de divulgation s’étendait aux appels au grand public.
L’auteur souhaite remercier Madeline Heinke, étudiante en droit, pour son aide à la préparation de cette actualité juridique.