Plus de 1 700 cas signalés en Ontario. Au Canada, des milliers. Déclarations d’état d’urgence. Suspension du travail non essentiel. La plupart des gens qui travaillent encore dans l’ensemble du Canada font un travail essentiel, travaillent à distance, ou les deux.

L’évolution de la situation entourant la COVID-19 touche les employeurs de différentes façons, mais cause des difficultés à la plupart. En effet, les employeurs de partout au Canada vivent une période difficile et doivent régler un flot de questions. Dernièrement, nous avons abordé la question des mises à pied temporaires, une option que certains employeurs ont dû envisager à la lumière de l’incidence du coronavirus sur la disponibilité du travail pour une partie ou la totalité de leurs employés. D’autres employeurs, quant à eux, ont des employés actifs, qui travaillent à distance, ont des conditions de travail modifiées et/ou fournissent des services essentiels au public. La question que l’on se pose maintenant est : que faire si ces employés refusent de travailler pour des motifs liés au coronavirus?

Précisions concernant le refus de travailler
Refus de travailler en Ontario
Refus de travailler en Alberta
Refus de travailler en Colombie-Britannique
Refus de travailler sous la compétence fédérale
Québec
Refus de travailler dans le contexte de la COVID-19
 

Précisions concernant le refus de travailler

Pour quels motifs un employé peut-il refuser de travailler?

Il est toujours important de consulter le libellé de la législation en matière de santé et de sécurité au travail de votre territoire de compétence afin de connaître les règles applicables. Toutefois, de manière générale, la législation en matière de santé et de sécurité dans l’ensemble du pays permet aux employés de refuser de travailler dans des situations dangereuses ou indûment dangereuses, selon le texte de la législation applicable. De plus, les conventions collectives peuvent également renfermer des dispositions relatives au refus de travailler qui s’appliquent à des milieux de travail précis. Le plus souvent, les refus de travailler se produisent lorsque les employés refusent de faire quelque chose qu’on leur a demandé de faire en raison d’un équipement fonctionnant de manière non sécuritaire ou de conditions matérielles existant dans le lieu de travail. Selon les circonstances, l’employé peut refuser de faire une tâche unique ou une série de tâches au travail ou refuser de travailler tout court. 

Pour refuser de travailler légitimement, les employés doivent respecter un certain seuil, qui peut varier en fonction du territoire de compétence. Par exemple, dans certains territoires de compétence, comme en Alberta, les refus de travailler doivent généralement se fonder sur des motifs raisonnables. Dans d’autres territoires de compétence, comme en Ontario, le travailleur ne doit avoir que des « raisons » pour arrêter de travailler initialement, qui peuvent être des raisons subjectives, et par la suite, un inspecteur détermine si la situation est « susceptible de le mettre en danger » selon la norme de la décision raisonnable. 

Les employés exerçant leur droit de refus doivent par conséquent avoir des préoccupations légitimes en matière de santé et de sécurité, et la preuve doit démontrer que l’employé est à risque ou est susceptible d’être à risque en raison d’un danger ou d’une condition existant dans le milieu de travail. Ainsi, les employés ne peuvent pas refuser de travailler au gré de leur préférence, de leur envie ou de leur confort personnel. Déterminer ce qui constitue un danger n’est pas toujours un exercice évident. L’analyse sera par conséquent axée sur la situation et dépendra de manière importante des éléments de preuve de l’affaire. 

La détermination ultime du caractère raisonnable d’un refus de travailler dans les circonstances est une question de fait, tranchée au cas par cas. Par exemple, dans certains cas, les employés font face à des conditions normales de leur emploi qui comportent certains risques, comme ceux qui travaillent dans le secteur des services d’urgence. Un refus de travailler dans un tel contexte pourrait ne pas être justifié, alors qu’il pourrait être raisonnable pour les employés travaillant dans d’autres domaines de refuser de travailler dans les mêmes conditions. 

Quelle est la marche à suivre pour un refus de travailler?

De plus, les employeurs doivent être conscients que les exigences procédurales entourant les refus de travailler varient selon le territoire de compétence. En règle générale, les travailleurs exerçant leur droit de refus sont d’abord tenus d’aviser leur superviseur ou leur employeur que leur santé ou leur bien-être ou ceux d’autrui sont mis en danger par une condition ou un danger existant dans le milieu de travail. Une fois avisé, le superviseur ou l’employeur doit enquêter pour établir si les circonstances justifient le refus de travailler du travailleur. Cette enquête se déroule souvent en présence de l’employé, de membres du comité mixte sur la santé et la sécurité et/ou d’un représentant syndical. Selon cette évaluation, l’employeur détermine ensuite si le refus de travailler est justifié. 

Si le refus est justifié, l’employeur a l’obligation d’assurer que la sécurité est rétablie, et l’employé ayant exercé son droit de refus peut ensuite retourner au travail. Si le refus est injustifié, il sera ordonné au travailleur de retourner au travail. Si l’employé n’est pas d’accord avec la décision de l’employeur et refuse toujours de travailler, l’organisme de réglementation gouvernemental pertinent nomme un inspecteur pour qu’il mène une enquête sur la santé et la sécurité concernant les circonstances du refus. À la suite de l’enquête, l’inspecteur décide si le refus de travailler était légitime en raison d’une condition ou d’un danger existant dans le milieu de travail et transmet ses conclusions aux parties concernées. 

À toutes les étapes du processus d’enquête, les lois sur la santé et la sécurité dans l’ensemble du Canada exigent que les employés coopèrent dans le cadre des enquêtes de l’employeur et, le cas échéant, de l’autorité gouvernementale pertinente. Peu importe la situation, avant de trop s’engager dans un litige lié à un refus de travailler, il serait sage d’obtenir des conseils juridiques sur le mode de fonctionnement de ce processus sous une compétence donnée.   

Représailles
 
Enfin, lorsqu’ils interviennent dans le cadre d’un refus de travailler, les employeurs doivent savoir que les lois en matière de santé et de sécurité au Canada interdisent généralement aux employeurs d’exercer des représailles contre les travailleurs qui refusent d’effectuer du travail non sécuritaire. Les sanctions en cas de non-conformité peuvent être graves, et leur degré dépendra du territoire de compétence et des faits qui entrent en jeu. 

Les refus de travailler selon les territoires de compétence 

Malgré les nombreuses similitudes, le cadre juridique régissant les refus de travailler varie en fonction du territoire de compétence. Ce qui suit est un sommaire de certains des aspects les plus cruciaux relatifs aux refus de travailler en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique et sous la compétence fédérale. 

Refus de travailler en Ontario

Qui peut refuser de travailler?

En Ontario, les travailleurs peuvent refuser de travailler s’ils ont des raisons de croire qu’ils sont ou que d’autres personnes sont susceptibles d’être en danger en raison de l’un des éléments suivants :

  • le fonctionnement ou l’utilisation de matériel, d’une machine, d’un appareil ou d’un objet;
  • les conditions matérielles qui existent dans le lieu de travail;
  • la violence au travail; ou
  • certaines infractions particulières à la loi ou aux règlements.

Cela étant dit, le droit d’un travailleur de refuser de travailler n’est pas absolu. Pour comprendre les circonstances dans lesquelles le droit d’un travailleur peut être limité, il faut procéder à une analyse en deux volets :

  • En premier lieu, pour restreindre le droit d’un travailleur de refuser de travailler, l’employeur doit s’assurer qu’il est inscrit dans une catégorie de travailleurs prescrite par la loi. Ces catégories de travailleurs prescrites comprennent : i) les agents de police, ii) les pompiers, iii) les travailleurs qui participent au fonctionnement d’un établissement correctionnel ou d’un établissement ou lieu similaire et iv) les travailleurs de la santé et les personnes employées dans un lieu de travail comme un hôpital, foyer de soins infirmiers, sanatorium, foyer pour personnes âgées, établissement psychiatrique, centre de santé mentale, établissement de réadaptation, foyer de groupe pour personnes ayant des troubles du comportement ou des troubles affectifs ou une déficience physique, mentale ou intellectuelle, un service d’ambulance, une clinique de premiers soins ou un laboratoire titulaire d’un permis, ou les personnes employées dans une buanderie, un service d’alimentation, une centrale électrique ou un service technique utilisé par les travailleurs mentionnés aux points i), ii) et iii).
  • En second lieu, les employeurs doivent s’assurer que les circonstances se rapportant au travailleur qui exerce son droit de refus entrent dans l’une des deux activités limitantes prévues par la loi. La première se produit lorsque les circonstances sont inhérentes au travail du travailleur ou constituent une condition normale de son emploi. La deuxième a lieu lorsque le refus du travailleur mettrait directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’autrui. Il est intéressant de souligner que la législation ne définit pas expressément ce que sont « la vie, la santé et la sécurité ».

Si un employé i) fait partie d’une catégorie de travailleurs prescrite et ii) est visé par l’une des deux activités limitantes, alors il n’a pas le droit de refuser de travailler en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’Ontario.

Sur le terrain, établir quel ensemble de faits peut répondre aux critères d’une activité limitante n’est pas toujours chose facile. Malgré cela, les décideurs de l’Ontario ont donné des lignes directrices utiles sur les limites du droit d’un travailleur de refuser de travailler. Par exemple, dans une affaire1, des employés travaillant dans un établissement de détention se sont plaints que leur employeur faisait fi de la menace des armes à feu dans le milieu de travail. Dans les circonstances de cette affaire, il a été jugé que les employés n’avaient pas le droit de refuser de travailler. En effet, la Commission des relations de travail de l’Ontario a conclu qu’à l’époque, les circonstances ne se situaient pas à l’extérieur du cours normal de l’emploi des travailleurs, mais qu’elles étaient plutôt inhérentes à leur travail.

Le travail refusé par un travailleur peut-il être réattribué à un autre travailleur?

En Ontario, des travailleurs remplaçants peuvent généralement être affectés à du travail précédemment refusé pendant que l’inspecteur du ministère mène son enquête, jusqu’à ce que la décision de l’enquêteur gouvernemental soit transmise aux parties concernées. Toutefois, les travailleurs remplaçants qui se font réattribuer du travail en vue d’utiliser ou de faire fonctionner du matériel, une machine, un appareil ou une chose faisant l’objet d’une enquête doivent être informés du refus et des motifs s’y rapportant. 

Lorsqu’il informe l’employé remplaçant, l’employeur doit s’assurer qu’une personne prescrite est présente. Cette personne doit être i) un membre du comité qui représente les travailleurs, s’il en est; ii) un représentant en santé et sécurité, s’il en est; ou iii) un travailleur qui, en raison de ses connaissances, de son expérience et de sa formation, est sélectionné par un syndicat qui représente le travailleur ou, s’il n’existe pas de syndicat, est sélectionné par les travailleurs pour les représenter (ci-après collectivement appelés les intervenants du milieu de travail).

Il est important de souligner qu’après que du travail a été refusé, l’employé qui refuse de travailler est tenu de demeurer dans un lieu sûr aussi près que raisonnablement possible de son poste de travail et de rester à la disposition de l’employeur aux fins de son enquête. La même exigence s’applique pendant une enquête effectuée par un inspecteur du ministère, à moins que le travailleur ne soit affecté à un autre travail raisonnable pendant ses heures normales de travail ou que l’employeur ne donne d’autres directives au travailleur. Pour les employés syndiqués, en cas de dispositions contraires d’une convention collective, ces dispositions s’appliquent. 

Les employeurs doivent-ils rémunérer les travailleurs après leur refus de travailler?

Bien qu’il n’y ait pas d’indication expresse dans la législation de la province, le ministère est d’avis que les travailleurs qui refusent de travailler devraient être rémunérés jusqu’à ce que l’employeur termine son enquête et communique sa décision au travailleur. Ce que la législation exige par contre est le paiement du salaire des intervenants du milieu de travail qui sont présents i) lorsqu’un travailleur signale le refus de travailler à son employeur ou à son superviseur; ii) pendant l’enquête d’un enquêteur du ministère; ou iii) lorsqu’un travailleur remplaçant est réaffecté au travail précédemment refusé et informé de manière appropriée conformément aux exigences de la législation susmentionnées.

Refus de travailler en Alberta

Qui peut refuser de travailler?

En Alberta, les travailleurs peuvent refuser de travailler ou de faire un travail particulier dans un lieu de travail s’ils estiment, pour des motifs raisonnables, qu’une situation dangereuse existe dans le lieu de travail ou que le travail constitue un danger pour leur santé et leur sécurité ou pour la santé et la sécurité d’un autre travailleur ou d’autrui. 

Le travail refusé par un travailleur peut-il être réattribué à un autre travailleur?

En Alberta, il est interdit aux employeurs de réattribuer du travail précédemment refusé avant qu’ils n’établissent que le travail ne constitue pas un danger pour la santé et la sécurité de quiconque ou que la situation dangereuse n’existe pas. Les travailleurs remplaçants ont le droit d’être informés du refus du premier travailleur, du motif de refus, de la raison pour laquelle l’employeur ne perçoit pas le travail comme constituant un danger pour la santé et la sécurité de quiconque ou estime que la situation dangereuse n’existe pas et du droit du travailleur de refuser le travail réattribué. 

Les employeurs doivent-ils rémunérer les travailleurs après leur refus de travailler?

Le travailleur a le droit d’être rémunéré pendant qu’un refus de travailler fait l’objet d’une enquête. 

Refus de travailler en Colombie-Britannique

Qui peut refuser de travailler?

À la différence de la plupart des territoires de compétence où les refus de travailler constituent un « droit » discrétionnaire exercé par les travailleurs, les travailleurs en Colombie-Britannique ne doivent pas exécuter un travail ou des activités s’ils ont un motif raisonnable de croire que le travail ou l’activité occasionne un danger indu pour la santé et la sécurité d’une autre personne. Contrairement à d’autres territoires de compétence au Canada, le terme « personne » non seulement comprend les travailleurs et les employés, mais s’étend également à toute personne dont la santé et la sécurité sont compromises.

En définitive, l’employé doit avoir un fondement objectif pour son refus. Lorsqu’un employé est un « travailleur susceptible » en raison d’une condition sous-jacente qui lui ferait subir une maladie ou une blessure alors que d’autres pourraient ne pas être touchés de la même façon, son affection particulière doit être prise en compte dans l’évaluation de la question de savoir s’il avait un motif raisonnable de croire que le travail constitue un danger indu. Pour confirmer un refus de travailler, il faut un lien clair entre le danger indu allégué par le travailleur susceptible et son affection.

De plus, les employeurs dont le milieu de travail est syndiqué devraient examiner les dispositions de la convention collective qui pourraient porter sur la question du refus de travailler.

Le travail refusé par un travailleur peut-il être réattribué à un autre travailleur?

Comme il a été mentionné ci-dessus, il est interdit aux employés en Colombie-Britannique d’effectuer du travail indûment dangereux. Malgré cela, la réglementation applicable en Colombie-Britannique n’interdit pas expressément aux employeurs de réattribuer le travail à un travailleur remplaçant et ne se prononce pas sur cette question.

Cela étant dit, la réattribution d’un travail précédemment refusé doit être envisagée avec prudence. Si le travail réattribué est éventuellement considéré comme étant indûment dangereux, l’employeur pourrait être accusé de contraindre les employés à violer leur obligation légale de ne pas exécuter ce travail à la lumière de leur motif raisonnable de croire que le travail comportait un danger indu. En outre, un employeur pourrait être accusé de ne pas respecter ses obligations générales prévues par la loi visant à assurer la santé et la sécurité de ses travailleurs, ce qui comprend la correction de toute condition dans le milieu de travail constituant un danger pour la santé ou la sécurité des travailleurs, et l’assurance que les travailleurs sont mis au fait de tous les dangers connus ou raisonnablement prévisibles pour la santé ou la sécurité auxquels ils sont susceptibles d’être exposés en raison de leur travail. 

Les employeurs doivent-ils rémunérer les travailleurs après leur refus de travailler?

La législation britanno-colombienne n’indique pas expressément si les employés devraient être rémunérés pendant la durée du processus d’enquête à la suite d’un refus de travailler. Cependant, le travailleur ne doit pas faire l’objet d’une « mesure discriminatoire » (discriminatory action), ce qui comprendrait tout acte ou toute omission de la part de l’employeur, ou d’une personne agissant en son nom, qui a une incidence défavorable sur un travailleur à l’égard d’une modalité ou d’une condition d’emploi. L’affectation temporaire d’un employé à un autre travail pendant la durée du processus d’enquête, sans perte de salaire, n’est pas considérée comme une mesure discriminatoire.  

Refus de travailler sous la compétence fédérale

Qui peut refuser de travailler?

En vertu du Code canadien du travail (Code), les employés sous réglementation fédérale ont le droit de refuser du travail dangereux, tant qu’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’il comporte un danger. Plus particulièrement, les employés peuvent refuser de travailler si i) l’utilisation ou le fonctionnement d’une machine ou d’une chose, ii) le travail dans un lieu ou iii) l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour eux-mêmes ou pour un autre employé. Soulignons que le Parlement a modifié la définition de danger en 2014, qui est dorénavant défini comme étant une « [s]ituation, [une] tâche ou [un] risque qui pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté. »

Toutefois, les travailleurs ne sont pas autorisés à refuser de travailler lorsque le refus de travailler mettrait la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne directement en danger ou si le danger constitue une condition normale de l’emploi. En outre, le Code renferme des dispositions propres au secteur d’activité qui peuvent empêcher des employés de refuser de travailler dans certaines circonstances. 

Plus particulièrement, dans les secteurs du transport maritime et du transport aérien, les employés travaillant sur un navire ou un aéronef en service qui ont des motifs raisonnables de croire qu’un danger résulterait i) de l’utilisation ou du fonctionnement d’une machine ou d’une chose, ii) d’une situation existant dans le milieu de travail ou iii) de l’accomplissement d’une tâche ne peuvent pas automatiquement refuser de travailler. 

Ces employés sont plutôt tenus d’aviser sans délai le responsable du navire ou de l’aéronef des circonstances entourant le danger allégué. Une fois avisé, le responsable décidera dès que possible si l’employé peut refuser de travailler. Pendant que le navire ou l’aéronef est en service, le responsable a le dernier mot. Autrement dit, dès qu’un navire ou un aéronef est en service, les employés ne peuvent pas refuser de travailler si le responsable décide qu’ils doivent travailler, même s’ils ne sont pas d’accord avec cette décision.

Le travail refusé par un travailleur peut-il être réattribué à un autre travailleur?

En vertu du Code, l’employeur est autorisé à réattribuer du travail précédemment refusé à un autre employé, sous réserve de trois conditions. En premier lieu, l’employé remplaçant doit avoir les compétences voulues. En deuxième lieu, l’employé remplaçant doit être informé du refus de son prédécesseur et des motifs du refus. En troisième lieu, l’employeur doit croire, agissant raisonnablement, que l’employé remplaçant ne sera pas en danger. De manière similaire à d’autres territoires de compétence, le Code permet également à l’employé remplaçant de refuser le travail réattribué s’il a des motifs raisonnables de croire qu’il est dangereux.

Les employeurs doivent-ils rémunérer les travailleurs après leur refus de travailler?

Oui, les employeurs sont tenus de verser les salaires et de continuer d’offrir les avantages sociaux aux employés qui exercent leur droit de refus jusqu’à ce que le processus d’enquête soit mené à bien.

Québec

Pour consulter une analyse des refus de travailler et de leur application au Québec, veuillez cliquer ici et ici

Refus de travailler dans le contexte de la COVID-19

Comment ces concepts juridiques s’appliquent-ils en cas de pandémie ou d’épidémie? 

Bien qu’il ne soit pas encore possible de déterminer la mesure dans laquelle la COVID-19 permettra aux travailleurs de refuser de travailler légitimement, certaines causes pertinentes émanant du secteur fédéral pendant l’épidémie de SRAS il y a une quinzaine d’années apportent quelques précisions. 

Dans la plupart des cas, les refus de travailler avaient été jugés injustifiés en fonction des éléments de preuve disponibles. Par exemple, sous la compétence fédérale, deux agentes d’enquêtes et de contrôle avaient refusé de travailler parce qu’elles étaient inquiètes du contact avec les clients asiatiques provenant de l’aéroport, qui auraient pu être exposés au SRAS. Il a été conclu qu’en fonction des éléments de preuve, il n’y avait « aucun danger actuel ou potentiel d’être exposées au SRAS » et que, par conséquent, le refus de travailler était injustifié2. Toutefois, il faut souligner que cette décision a été rendue en vertu de la définition antérieure du Code applicable à danger qui, comme il a été mentionné précédemment, a été modifiée depuis afin d’inclure expressément les concepts de menace « imminente » et « sérieuse ».

Qu’en est-il des employés en télétravail?

Un autre aspect de la COVID-19 est que, comme il est indiqué ci-dessus, plusieurs travailleurs travaillent dorénavant à l’extérieur de leur milieu de travail physique ou traditionnel, y compris des employés qui travaillent à distance, de la maison, en conséquence de la pandémie, ou parce que la nature de l’emploi est telle que les employés doivent se déplacer et se rendre dans divers lieux pour effectuer leur travail. La question de savoir si les employés qui se rendent dans plusieurs lieux pendant leur journée de travail peuvent ou non refuser de travailler légitimement s’ils font face à une situation non sécuritaire sera fonction des faits et du territoire de compétence. Par exemple, dans certaines territoires de compétence, comme en Alberta, la législation prévoit que les employés ne sont autorisés à refuser de travailler que « sur le lieu de travail » (at the worksite). D’autres territoires de compétence n’imposent toutefois pas expressément de limites géographiques au lieu où les refus de travailler peuvent légalement se produire.

À cet effet, en décembre dernier, la Cour suprême a circonscrit les obligations de l’employeur à l’égard des lieux de travail qui ne sont pas sous son entière autorité de manière pratique et raisonnable. Plus précisément, la Cour a indiqué que le degré d’autorité que l’employeur exerce sur l’endroit en question est crucial pour établir si celui-ci doit exécuter toutes les tâches relatives à la santé et à la sécurité qu’il serait normalement tenu d’exécuter dans les lieux de travail traditionnels sous son entière autorité. 

Dans cette affaire, la Cour a reconnu que les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité peuvent varier en fonction du fait qu’il exerce physiquement uneautorité sur le lieu de travail ou non. Il faut toutefois souligner que la Cour a examiné minutieusement les efforts de l’employeur pour s’assurer que des mesures de santé et de sécurité adéquates et raisonnables étaient en place au dépôt, ce qui, en définitive, a consolidé la position de l’employeur.

Demeurer en bonne position 

Notre cadre juridique ne peut pas régler toutes les difficultés relatives au milieu de travail. L’objectivité est et continuera sans doute d’être souvent difficile à atteindre, et les refus de travailler peuvent se manifester sans égard aux conséquences disciplinaires ou de perte d’emploi. Par conséquent, les équipes de ressources humaines devront accroître la transparence, la communication et la consultation, particulièrement en ce qui concerne les mesures de sécurité prises dans leur milieu de travail.

Dans le contexte de la pandémie actuelle, cet exercice est d’autant plus crucial, puisque le mode de transmission du virus demeure nébuleux. En effet, la gouverneure générale du Canada a récemment affirmé que « ce virus ne connaît ni frontières, ni échéancier, ni couleur, ni nationalité. Il s’attaque principalement aux plus vulnérables d’entre nous, mais on le retrouve partout. Pas seulement sur les gens, mais sur les poignées de porte et sur toutes sortes de surfaces. C’est une bête sournoise qu’il ne faut surtout pas sous-estimer ». Et bien entendu, les lieux de travail n’y font pas exception.

Pour plus de plus amples renseignements portant sur les mises à pied dans l’ensemble du Canada, veuillez consulter notre guide ici.


Notes

1   Dowling v Hamilton-Wentworth Detention Centre, (2012), 219 CLRBR (2d) 1 (CRT de l’Ont.; McLean), demande de réexamen non accueillie : 2014 CarswellOnt 1880 (CRT de l’Ont.; Mclean).

2   Caverly et Canada (Développement des ressources humaines) [2005], C.L.C.A.O.D. no 10 (QL) (agent d’appel aux termes du Code canadien du travail).



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