Le début du mois de janvier semble être le moment idéal pour dresser l’inventaire des faits nouveaux en droit du travail pour l’année 2024 et pour envisager comment ils pourraient évoluer en 2025. La présente actualité juridique aborde la situation générale dans l’ensemble du Canada. Notre équipe québécoise a préparé une actualité similaire sur les faits nouveaux au Québec intitulée « Bye Bye 2024 : revue de l’année en droit du travail au Québec ». N’hésitez pas à la consulter.


Nouvelles règles en matière de recrutement en Ontario

En 2024, l’Ontario a adopté cinq nouvelles règles relativement aux annonces publiques de postes :

  • Transparence salariale. Les annonces de poste doivent comprendre des renseignements sur la rémunération ou la fourchette de rémunération prévue pour le poste.
  • Divulgation du recours à l’IA. Les annonces de poste doivent divulguer si l’employeur a recours à l’intelligence artificielle (IA) pour trier, évaluer ou sélectionner des candidats au poste en question.
  • Expérience canadienne. Aucune annonce de poste ni formulaire de candidature ne doit comprendre des exigences relatives à l’expérience canadienne.
  • Postes vacants. Les annonces de poste doivent inclure une déclaration indiquant si l’annonce concerne un poste vacant existant ou non.
  • Suivi auprès des candidats ayant passé une entrevue. Tout employeur qui fait passer une entrevue à un candidat à un poste ayant fait l’objet d’une annonce publique doit, dans un délai de 45 jours suivant l’entrevue (ou dans un délai de 45 jours suivant la dernière entrevue, s’il lui en a fait passer plus d’une), lui indiquer si une décision d’embauche a été prise à l’égard de l’affichage de poste.

Ces règles ontariennes entreront en vigueur le 1er janvier 2026. N’hésitez pas à consulter notre actualité juridique intitulée Ontario updates rules on job postings and more.

Bien que ces nouvelles règles en matière de recrutement concernent uniquement l’Ontario pour le moment, diverses règles relatives à la transparence salariale dans le cadre du recrutement ont récemment été mises en place en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard. Alors que la tendance est à la réglementation du recrutement, les employeurs pourraient juger opportun de consulter un conseiller juridique afin de connaître les pratiques qui satisfont aux normes dans tous les territoires. 

Restrictions concernant les certificats médicaux, alors même que les congés de maladie augmentent

En 2025, tout comme en 2024, deux tendances semblent se profiler simultanément :

  • Les normes minimales quant aux droits aux congés de maladie augmentent. Les droits aux congés de maladie prévus par la loi augmentent dans plusieurs territoires, bien que les règles applicables restent disparates à l’échelle du Canada. Par exemple, l’Île-du-Prince-Édouard a accru le nombre de jours de congés de maladie payés le 1er octobre 2024 : désormais, en plus des trois jours de congés non payés minimum dont ils disposent par année, les employés de la province ont également droit, après trois ans d’emploi, à trois jours de congés payés par année. En Nouvelle-Écosse, le nombre de jours de congés de maladie non payés a augmenté le 1er janvier 2025; les employés en comptent désormais cinq.
  • Les assemblées législatives interdisent le recours aux certificats médicaux. Pour alléger le fardeau pesant sur les systèmes de soins de santé, nombreux sont les territoires qui ont décidé d’interdire aux employeurs de demander des certificats médicaux à leurs employés pour corroborer leurs absences pour raison médicale. L’Ontario, le Québec, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard ont adopté de telles mesures en 2024, à l’instar de plusieurs autres territoires où de telles restrictions existaient déjà. La plupart de ces interdictions visent seulement l’utilisation par les employés des jours qui leur sont octroyés au titre des congés de maladie prévus par la loi, ce qui signifie que les employeurs peuvent exiger un certificat médical une fois ces jours épuisés. Ce n’est toutefois pas le cas pour tous les territoires. Pour en savoir plus sur les nouvelles règles applicables en Ontario et au Québec, veuillez consulter notre actualité intitulée « Élargissement des interdictions relatives aux certificats médicaux au Canada ».

À l’aube de cette nouvelle année 2025, les employeurs devraient passer en revue leurs politiques et procédures concernant les congés de maladie afin d’assurer leur conformité aux nouvelles exigences minimales et restrictions visant les certificats médicaux prévues par la loi. Un conseiller juridique peut aider les employeurs à respecter les nouvelles règles dans tous les territoires où ils exercent leurs activités.

L’applicabilité des clauses de cessation d’emploi demeure incertaine, malgré quelques bonnes nouvelles pour les employeurs en 2024

Le caractère exécutoire des clauses de cessation d’emploi a toujours été un sujet litigieux et 2024 n’a pas fait exception à la règle. Dans l’ensemble, cette année a été très variable pour les employeurs :

  • Des formulations jugées dorénavant problématiques en Ontario. Un tribunal ontarien a conclu à l’inapplicabilité de dispositions de cessation d’emploi d’un contrat de travail, estimant qu’elles tentaient de soustraire l’employeur à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi en lui réservant le droit de mettre fin à l’emploi sans préavis « à tout moment » et « à son entière discrétion »1. Selon le tribunal, de telles formulations pouvaient donner le droit à l’employeur de mettre fin à l’emploi d’employés visés par des protections prévues par la loi, comme le droit à prendre un congé prévu par la loi ou la protection en cas de plainte concernant les conditions de travail.

Il s’agit là d’une décision inhabituelle et inquiétante, compte tenu du caractère extrêmement courant de ces formulations dans les contrats de travail. Elle va également à l’encontre de certaines autres décisions visant des clauses de cessation d’emploi en Ontario. Malheureusement, la Cour d’appel de l’Ontario a refusé de se prononcer sur la question, décidant de trancher l’appel en se fondant sur d’autres motifs2.

  • Les clauses exécutoires restent du domaine du possible en Ontario. Un tribunal ontarien a estimé qu’une simple clause de cessation d’emploi prévoyant seulement le minimum requis par la loi était applicable et empêchait tout recours de l’employé en dommages-intérêts pour congédiement injustifié. La clause garantissait tous les droits minimalement prévus par la loi et excluait tout préavis raisonnable prévu par la common law. La clause était conforme à la loi et sans ambiguïté3.

Cette décision est un rappel encourageant qu’une clause de cessation d’emploi adéquatement rédigée reste efficace pour limiter les responsabilités de l’employeur en cas de cessation d’emploi d’un employé, même en Ontario.

  • Bonne nouvelle pour les employeurs sous réglementation fédérale en Colombie-Britannique. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique est intervenue pour régler une controverse de longue date entre les tribunaux canadiens concernant l’expression « au moins ». Plus précisément, certaines lois qui fixent les normes minimales, comme le Code canadien du travail, précisent qu’un employé doit recevoir un avis de cessation d’emploi d’« au moins » un nombre de jours donné. Si la clause de cessation d’emploi indique simplement que l’employeur « respectera la législation applicable », les droits de l’employé en matière de cessation d’emploi se trouvent-ils limités aux minimums légaux ou est-il possible pour cette personne de réclamer davantage en raison de l’utilisation de l’expression « au moins », qui impliquerait la possibilité de disposer d’un préavis plus long?

Dans une décision en faveur des employeurs, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a conclu à la première hypothèse. Elle a estimé qu’une clause de cessation d’emploi qui renvoyait simplement au Code canadien du travail sans affirmer que l’employé recevrait « uniquement » le minimum prévu par la loi était dépourvue d’ambiguïté4.

Les clauses de cessation d’emploi restent difficiles à rédiger de manière adéquate et à appliquer. Compte tenu du contexte en constante évolution entourant les clauses de cessation d’emploi au Canada, les employeurs devraient consulter un conseiller juridique pour rédiger ou réviser les clauses de cessation d’emploi qui figurent dans leurs contrats de travail et envisager de passer en revue leurs modèles de contrat existants pour garantir que les dispositions clés restent applicables. 

Multiplication des interdictions du recours aux travailleurs de remplacement

Une « interdiction du recours aux travailleurs de remplacement » est une législation du travail qui empêche les employeurs d’avoir recours à des travailleurs de remplacement pour effectuer le travail d’unités de négociation pendant que leurs membres participent à une grève ou sont visés par le lock-out. Sous réserve d’exceptions limitées, un employeur ne peut pas atténuer les répercussions d’un arrêt de travail sur ses activités en retenant les services de travailleurs de remplacement temporaires.

Pendant plusieurs années, seules les provinces de Québec et de la Colombie-Britannique avaient mis en place des interdictions du recours aux travailleurs de remplacement. En 2024, deux nouveaux territoires en ont adopté :

En plus de ces nouvelles initiatives législatives, un tribunal de la Colombie-Britannique a confirmé que l’interdiction du recours aux travailleurs de remplacement de la province s’appliquait « en dehors de son territoire », en l’occurrence en Alberta et en Ontario, où le travail des travailleurs en grève à Vancouver avait été délocalisé. Il s’agit d’un élargissement considérable de la portée des interdictions du recours aux travailleurs de remplacement et une évolution inquiétante pour les employeurs dont les activités s’étalent sur plusieurs territoires. L’affaire doit être instruite par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique le 1er avril 2025. N’hésitez pas à consulter notre actualité intitulée The long reach of British Columbia’s replacement worker ban.

Intervention ministérielle dans les conflits de travail survenant dans les entreprises sous réglementation fédérale

À plusieurs reprises en 2024, le ministre fédéral du Travail est intervenu dans le cadre de conflits de travail en ordonnant au Conseil canadien des relations industrielles de mettre fin aux lock-outs ou grèves au moyen d’un arbitrage final. Ces interventions faisaient suite à des interruptions de travail au sein de ports, de compagnies aériennes, de sociétés ferroviaires et de services de livraison de la poste canadiens. L’article 107 du Code canadien du travail autorise le ministre à ordonner au Conseil de faire tout ce qu’en tant que ministre, il estime de nature « à favoriser la bonne entente dans le monde du travail et à susciter des conditions favorables au règlement des désaccords ou différends qui y surgissent ».

Les syndicats et autres organisations du genre se sont fermement opposés à l’invocation par le ministre de l’article 107, alléguant qu’elle violait les droits de négociation collective protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Les contestations juridiques des directives du ministre sont toujours en cours et des évolutions importantes devraient avoir lieu en 2025 et ultérieurement. Il reste à déterminer si l’article 107 constitue une solution durable aux interruptions de travail dans la sphère fédérale ou s’il s’agit d’une anomalie historique survenue en 2024. Notre actualité Intervention du ministre fédéral du Travail dans les conflits de travail : analyse de l’affaire concernant le CN et des limites du CCRI revient sur l’affaire. 

Attentes en matière de vie privée au travail : l’importance du contexte

En 2024, deux décisions rendues en appel ont mis en lumière les facteurs qui sous-tendent l’« attente raisonnable en matière de vie privée » d’un employé au travail.

  • La Cour suprême du Canada a confirmé que deux enseignantes avaient une attente raisonnable en matière de vie privée à l’égard d’un journal électronique qu’elles partageaient. Une atteinte au respect de la vie privée a été portée par un directeur d’école qui a consulté le journal et s’est appuyé sur son contenu pour appliquer des mesures disciplinaires5. N’hésitez pas à consulter notre actualité à ce sujet intitulée « Supreme Court of Canada comments on reasonable expectation of privacy in the workplace ».
  • La Cour d’appel fédérale a conclu que les travailleurs ayant des postes essentiels à la sécurité dans des installations nucléaires n’ont pas d’attentes raisonnables en matière de vie privée qui ferait échec aux tests préalables à l’affectation et aux tests aléatoires obligatoires de dépistage d’alcool et de drogue 6. Pour en savoir plus, veuillez consulter notre actualité intitulée Safety-critical workers have “diminished expectation of privacy” in alcohol and drug testing.

Ces deux décisions s’appuient sur le respect de la vie privée en vertu de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Bien que ces causes fondées sur la Charte ne soient pas directement applicables aux milieux de travail du secteur privé, elles contiennent des commentaires utiles sur le concept global de respect de la vie privée en milieu de travail.

Ces décisions confirment que le droit à la vie privée des employés n’est pas absolu. C’est un exercice de pondération : les droits au respect de la vie privée des employés doivent être mis en balance avec les droits de l’employeur à sécuriser ses propres activités et à se conformer à ses obligations prévues par la loi. De plus, les attentes en matière de vie privée des employés sont malléables. Elles peuvent être façonnées par les actions des employés (p. ex. mesures prises pour protéger leurs renseignements) ou les actions de l’employeur (p. ex. aviser les employés qui utilisent ses réseaux que ces derniers sont surveillés).

Réglementation visant les travailleurs de plateformes numériques/sur plateforme en ligne 

La Colombie-Britannique et l’Ontario vont être les premières provinces à adopter une loi établissant des conditions de travail minimales pour les chauffeurs-livreurs et les personnes offrant des services de voiturage qui exercent leurs activités par l’entremise d’applications (appelés « travailleurs sur plateforme en ligne » en Colombie-Britannique et « travailleurs de plateformes numériques » en Ontario).

Depuis le 3 septembre 2024, de nouvelles normes d’emploi visant les travailleurs sur plateforme en ligne sont entrées en vigueur en Colombie-Britannique. Aux termes de modifications apportées à la Employment Standards Regulation, B.C. Reg. 396/95, les nouvelles normes s’appliquant à ces conducteurs comprennent notamment un salaire minimum pour leur « temps d’engagement », des indemnités minimales liées à la distance parcourue par leur véhicule, la communication de renseignements sur les tâches individuelles (p. ex. l’estimation de sommes payables si la tâche est acceptée) et des règles sur les relevés de salaire. Il est à noter que ces conducteurs ne sont pas visés par les normes d’emploi relatives aux heures de travail et au paiement des heures supplémentaires, aux jours fériés, aux vacances annuelles et à certains aspects des congés prévus par la loi.

Quant à la Loi de 2022 sur les droits des travailleurs de plateformes numériques de l’Ontario, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2025, elle ne modifiera pas la Loi de 2000 sur les normes d’emploi de la province, contrairement à ce qu’il s’est passé en Colombie-Britannique, mais elle créera un ensemble de droits parallèles pour les travailleurs de plateformes numériques similaires aux normes d’emploi. Cet ensemble de droits comprendra des exigences minimales en matière de renseignements concernant la paie et les tâches assignées, un salaire minimum pour le temps passé à mener à bien les tâches, des périodes de paie répétitives et un préavis en cas de suppression d’accès à la plateforme en question.


Notes

1  

Dufault v. The Corporation of the Township of Ignace, 2024 ONSC 1029

2  

Dufault v. Ignace (Township), 2024 ONCA 915

3  

Bertsch v. DatastealthInc., 2024 ONSC 5593

4  

Egan v. Harbour Air Seaplanes LLP, 2024 BCCA 222

5  

Conseil scolaire de district de la région de York c. Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario, 2024 CSC 22

6  

Power Workers’ Union c. Canada (Attorney General), 2024 CAF 182



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