Le 16 février, Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) a publié son rapport « Ce que nous avons entendu »1, résumant les commentaires reçus dans le cadre des consultations publiques au sujet du Règlement sur l’électricité propre (REP)2 et sollicitant des commentaires additionnels concernant de possibles changements. Le rapport propose d’atténuer certains des aspects les plus controversés et les plus ardus du REP, mais indique que les détails ne seront donnés que dans la version définitive du règlement.
Projet de règlement d’août 2023
Comme nous l’avons expliqué dans une actualité précédente3, le projet de REP de l’été dernier proposait d’interdire aux groupes de production d’électricité à partir de combustibles fossiles (y compris les groupes alimentés au gaz naturel) de 25 MW ou plus d’émettre plus de 30 tonnes de CO2/GWh s’ils étaient raccordés au réseau de la NERC et exportaient de l’électricité vers celui-ci. Dans la plupart des cas, le plafond d’intensité des émissions s’appliquerait à la date la plus éloignée entre le 1er janvier 2035 et le 1er janvier de l’année civile suivant la « fin de vie réglementaire » (FdVR, définie comme étant 20 ans après la date de mise en service) du groupe.
Une multitude de parties ont critiqué le REP. En particulier, l’Alberta et la Saskatchewan ont chacune invoqué pour la première fois leur nouvelle législation en matière d’autonomie4.
Le rapport et les modifications éventuelles du REP
Le rapport fait état de réunions en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick entre le gouvernement et les entités touchées (producteurs, services publics, ONG, organisations autochtones, etc. – les réseaux d’électricité dans ces provinces dépendent en grande partie de la production d’électricité à partir d’hydrocarbures). Le rapport mentionne également des séances bilatérales avec plus de 75 autres organisations, des webinaires publics, environ 600 soumissions écrites uniques et plusieurs campagnes d’envoi de lettres.
De façon globale, les modifications envisagées par ECCC comprennent ce qui suit :
- Limite d’émission annuelle spécifique au groupe : le plafond d’intensité des émissions de CO2 de 30 t/GWh exigerait essentiellement que la production au gaz naturel après 2035 repose sur des activités de capture et de stockage du carbone (CSC) réussies. Le rapport propose plutôt un changement important consistant à limiter l’intensité des émissions de la production au gaz naturel après 2035 à la meilleure norme technologique disponible. Les détails de ce changement sont cruciaux, mais n’ont pas encore été établis par le gouvernement.
- Mise en commun : permettre aux entités possédant plusieurs groupes de combiner les limites afin de créer une seule limite commune – afin que les groupes les plus efficaces puissent compenser l’exploitation des groupes moins efficaces – et possiblement même permettre à des groupes individuels de se regrouper avec des groupes détenus par différentes entités dans la même juridiction. Le fonctionnement reste à déterminer et ce volet sera crucial pour un marché tel que l’Alberta.
- Crédits compensatoires : alors que le projet de REP initial refusait de reconnaître les crédits compensatoires, le rapport envisage de permettre une application limitée de la conformité fondée sur les crédits compensatoires. La portée de cette application ainsi que les paramètres de compensation admissibles restent à confirmer.
- Fin de vie réglementaire : prolonger « légèrement » les dispositions relatives à la FdVR pour les groupes alimentés au gaz naturel.
- Nouveaux groupes en cours de développement : étendre les dispositions relatives à la FdVR aux groupes qui ont fait l’objet de travaux importants, mais qui ne sont pas mis en service avant le 1er janvier 2025 (date butoir dans le projet de REP actuel).
- Traitement de la cogénération : appliquer un traitement différencié (limité dans le temps) aux émissions provenant de groupes de cogénération existants de manière à ce que les réseaux de l’Alberta et de la Saskatchewan ne perdent pas la part importante d’électricité produite à base de cogénération.
- Seuil de taille minimale : calculer le seuil de 25 MW en fonction de tous les nouveaux groupes d’une même installation, plutôt que de l’appliquer seulement aux groupes individuels d’une capacité supérieure à 25 MW (afin d’éviter l’incitation involontaire à regrouper plusieurs petits groupes).
- • Urgences : permettre à un opérateur de système provincial, plutôt que seulement au ministre fédéral, de déclarer une situation d’urgence et de suspendre la limite d’émission « pendant une période raisonnable », en autant que le ministre soit notifié5.
ECCC accepte les commentaires sur ces changements jusqu’au 15 mars 2024, la version finale du REP devant être publiée plus tard cette année.
À première vue, ces changements répondent aux enjeux opérationnels les plus importants cernés dans le REP, mais s’éloignent d’un régime d’interdiction générale des émissions au profit d’un régime réglementaire plus nuancé, à l’instar des cadres réglementaires que certaines provinces ont déjà mis en place. Il reste à voir si ces efforts désamorceront ou exacerberont les menaces de contestations de la constitutionnalité du REP.