Suivant la pandémie de la COVID-19, le télétravail a non seulement été privilégié, mais rendu obligatoire pour une grande proportion de la population québécoise. Les nombreux sondages réalisés depuis, incluant les plus récents, mènent au constat suivant : la majorité des Québécois souhaiterait à l’avenir travailler plus souvent à la maison. Le télétravail est donc là pour rester et les employeurs québécois se doivent de l’encadrer afin de se prémunir face aux pièges et casse-tête qu’il peut parfois représenter. De plus, il y a fort à parier que pour retenir sa main-d’œuvre et être attractif dans le contexte du marché du travail québécois, les employeurs du Québec devront forcément un jour ou l’autre épouser cette nouvelle réalité que constitue le télétravail. Voici une rétrospective des différents enjeux qu’a soulevés l’avènement soudain du télétravail au Québec, ainsi qu’un survol des bonnes pratiques à adopter en la matière.
Le télétravail comme condition de travail
Le télétravail n’est pas un droit acquis pour les salariés, à moins de la présence d’un engagement contractuel particulier de l’employeur sur ce sujet. Il s’agit d’une condition de travail comme les autres. La situation exceptionnelle de la pandémie a permis de justifier son imposition unilatérale. Toutefois, lorsque les recommandations des autorités publiques seront levées et que tout enjeu de santé et sécurité se sera dissipé, l’employeur pourra exiger si nécessaire un retour à la « normale », c’est-à-dire une application des conditions de travail existantes dans le contrat d’emploi, pour autant que son droit de gérance soit exercé raisonnablement. Pour la majorité des employés, cela signifiera possiblement un retour sur les lieux de travail. Pour ceux qui souhaitent offrir cette option de télétravail à leurs employés sur une base optionnelle, la mise en place d’une politique de télétravail est à privilégier et permet d’encadrer cette pratique.
Le télétravail et les droits fondamentaux des salariés québécois
Dans un contexte post-pandémie où le désir de l’employeur est d’imposer le télétravail à ses employés actuels, ce dernier devra dans certaines circonstances obtenir leur consentement. Il convient de rappeler que le travail à la maison peut faire entrer en jeu notamment les droits de l’employé au respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile. Toute intention d’imposer le télétravail pourra cependant être plus facile à mettre de l’avant lors de toutes futures embauches où cette condition de travail pourra être incluse à titre obligatoire à même l’offre d’emploi de l’employeur.
Le lieu de réalisation du télétravail
Le télétravail permet théoriquement à l’employé de réaliser sa prestation de travail à partir du lieu de son choix. L’employeur peut-il contraindre ses employés à travailler à un endroit précis ou les empêcher de travailler à l’extérieur de la province ou du pays? Il est tout à fait possible pour l’employeur de limiter le lieu d’exercice du télétravail, notamment pour des enjeux de fiscalité, voire de protection d’informations confidentielles.
La surveillance des salariés en télétravail
Comme l’employé n’est plus physiquement sur les lieux du travail, l’employeur doit trouver des solutions pour s’assurer de gérer son rendement au travail. À cet effet, peut-il mettre en place certains modes de surveillance à distance? La surveillance électronique, bien qu’elle soit possible, doit s’arrimer avec l’obligation de l’employeur de fournir des conditions de travail justes et raisonnables. À titre d’exemple, une surveillance constante et continue des employés par moyen technologique est assurément une condition de travail déraisonnable. De plus, l’employeur doit aussi pondérer l’expectative de vie privée de son employé dans son domicile, qui est nécessairement plus élevée que lorsque ce dernier se trouve au lieu de travail. L’employeur, à moins de circonstances exceptionnelles, ne peut se permettre de faire des visites imprévues et non autorisées au lieu de résidence de ses employés.
La santé et sécurité dans un contexte de télétravail
En matière d’accident de travail, le fait que la lésion ne survienne pas dans l’établissement de l’employeur n’est pas un obstacle à l’admissibilité d’une réclamation d’un employé ni à son indemnisation. Dans le contexte du télétravail, un certain embarras surgit, causé entre autres par l’absence de surveillance concrète des méthodes de travail des employés et l’absence de témoins en cas de blessure. Bien que les obligations qui incombent aux employeurs prévus à la Loi sur la santé et la sécurité n’aient pas été rédigées en tenant compte de la réalité du télétravail, les employeurs doivent minimalement s’assurer que leurs méthodes de travail sont adéquates. Les employeurs doivent continuer à prendre les mesures requises pour identifier les dangers pour la santé de leurs travailleurs et les éliminer, incluant ainsi ceux pouvant découler de tout isolement de leurs travailleurs en télétravail.
Quoi retenir
À la lumière de ce qui précède, il est manifeste que l’employeur a tout intérêt à convenir par écrit des modalités qui entourent le télétravail, afin d’encadrer cette réalité et d’éviter toute zone grise non abordée par les principales lois du travail au Québec. S’il est possible de penser que le législateur amendera plus tôt que tard certains textes de loi pour refléter cette nouvelle réalité du travail désormais répandue, l’employeur prévoyant devrait, dans l’intervalle, mettre en œuvre une politique de télétravail et convenir d’ententes avec ses employés. Au-delà des enjeux précédemment répertoriés, ceux de l’horaire de travail, du temps supplémentaire ou de la protection des informations confidentielles devraient également être pris en compte au besoin. Évidemment, chaque cas doit être adapté aux valeurs, aux besoins et à la réalité de l’entreprise. Notre équipe est disponible pour vous assister dans la rédaction et la mise à jour de vos contrats de travail, politique et convention collective afin de couvrir le télétravail ainsi que pour répondre à vos interrogations ou vous fournir tous conseils à ce sujet.
L’auteur désire remercier Florence Picard, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.