Le gouvernement fédéral canadien a annoncé récemment que la taxe sur le carbone augmentera pour passer de son niveau actuel de 30 $ la tonne d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à 170 $ la tonne en 2030, une augmentation de 467 % sur une période de 10 ans. Cette mesure, si elle est enchâssée dans la loi, devrait avoir des effets importants sur bon nombre de consommateurs, d’entreprises et d’industries au Canada.
La taxe fédérale sur le carbone du Canada est établie en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (LTPGES). La LTPGES comporte deux parties principales :
- une redevance fédérale sur les combustibles (fondée sur le prix du carbone annuel) versée par les producteurs et les distributeurs de combustible ainsi que par certains utilisateurs inscrits à l’égard de 21 types de combustible et de déchets combustibles; et
- un système de tarification fondé sur le rendement (STFR) exigeant des grands émetteurs dans certaines industries qui émettent 50 000 tonnes de GES ou plus par année de respecter les normes d’intensité des émissions de GES en réduisant leurs émissions, en remettant aux fins de retrait les crédits de carbone excédentaires ou les crédits compensatoires et/ou en payant une taxe sur le carbone sur les émissions excédentaires.
Pour l’année de conformité 2020, la taxe sur le carbone est établie à 30 $ la tonne d’équivalent CO2. Il est actuellement prévu que la taxe sur le carbone augmente de 10 $ par année jusqu’à ce qu’elle atteigne 50 $ la tonne en 2023. La récente annonce, si elle est mise en œuvre dans le cadre d’une loi, fera en sorte que la taxe sur le carbone augmente de 15 $ la tonne par année à compter de 2023 jusqu’à ce qu’elle atteigne 170 $ la tonne en 2030.
Incidences sur les régimes de tarification du carbone provinciaux
La LTPGES constitue un « filet de sécurité », en ce sens qu’elle s’applique uniquement si une province ou un territoire ne possède pas déjà son propre régime de tarification du carbone ou ses propres règlements en matière d’émissions industrielles qui sont conformes aux critères du modèle fédéral. La LTPGES permet au gouvernement fédéral de déterminer si le régime de tarification du carbone et les normes en matière d’émissions industrielles d’une province sont équivalents à la taxe fédérale sur le carbone en vertu de la LTPGES. Si le régime de tarification du carbone d’une province applicable aux combustibles est réputé équivalent, alors la taxe fédérale sur le carbone ne s’applique pas dans cette province. De même, si les normes en matière d’émissions industrielles provinciaux sont réputées équivalentes, alors le STFR ne s’appliquera pas. Les provinces et territoires qui ne disposent pas d’un régime de tarification du carbone applicable aux combustibles ou aux émissions industrielles jugé équivalent sont assujettis à la taxe fédérale sur le carbone applicable aux combustibles et au STFR.
Les augmentations annoncées touchant la taxe fédérale sur le carbone obligeront les provinces dotées d’une taxe sur le carbone applicable aux combustibles à égaler, dans la période comprise entre 2023 et 2030, les augmentations fédérales, à défaut de quoi leur taxe sur le carbone ne sera plus réputée être équivalente et la taxe fédérale s’appliquera aux combustibles produits et distribués dans ces provinces. De même, si une province n’adapte pas ses normes en matière d’émissions à la taxe fédérale, le STFR pourrait s’appliquer.
Le gouvernement fédéral a affirmé qu’il examinerait annuellement le régime de tarification du carbone de chaque province pour s’assurer de sa conformité à la LTPGES.
Incidences sur les crédits de carbone
Les crédits d’émission de carbone tout comme les crédits compensatoires peuvent être utilisés en vertu de la LTPGES à des fins de conformité. Les prix sur le marché des crédits d’émission et celui des crédits compensatoires suivent habituellement le coût de la taxe. On peut donc s’attendre à ce que les augmentations importantes de la taxe fédérale sur le carbone se traduisent par des augmentations tout aussi importantes des prix sur le marché des crédits d’émission de carbone et des crédits compensatoires. Aussi, le développement de projets d’énergie renouvelable et de réduction des émissions pourrait s’intensifier puisque les promoteurs pourraient tirer davantage de revenus de la vente de crédits d’émission de carbone et de crédits compensatoires de leurs projets. À titre d’exemple, en Alberta, la valeur des crédits compensatoires en 2030 d’une société productrice d’énergie renouvelable pourrait être supérieure au prix qu’elle reçoit actuellement pour l’électricité qu’elle génère de ses activités.
Davantage de litiges
L’Alberta, l’Ontario et la Saskatchewan ont contesté devant les tribunaux la constitutionalité de la LTPGES. Les cours d’appel en Ontario et en Saskatchewan ont jugé que la LTPGES était constitutionnelle en vertu du pouvoir du gouvernement fédéral de légiférer pour « la paix, l’ordre et le bon gouvernement ». La Cour d’appel de l’Alberta, quant à elle, a déterminé que la LTPGES ne relevait pas du pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral. Les trois contestations devant les tribunaux provinciaux ont été portées en appel devant la Cour suprême du Canada et elles ont été entendues ensemble en septembre 2020. La Cour suprême du Canada n’a pas encore rendu sa décision.
L’annonce récente de l’augmentation de 467 % de la taxe sur le carbone en vertu de la LTPGES pourrait déclencher d’autres contestations constitutionnelles par certaines provinces.