Dans une récente décision, l’arbitre Gabriel-M Côté s’est penché sur une question qui, depuis les modifications apportées à la Loi sur les normes du travail (LNT) le 12 juin 2018, est sur les lèvres de plusieurs employeurs : « Peut on assimiler les congés personnels ou mobiles offerts aux employés aux deux journées de congé payé pour maladie ou pour raisons familiales maintenant prévues à la LNT? »
L’arbitre Côté a répondu à cette question par l’affirmative en décidant qu’un employeur qui offre à ses employés au moins deux jours de congé mobile payé pouvant être utilisés pour n’importe quelle raison n’a pas à offrir, en plus de ceux-ci, les congés pour maladie ou pour raisons familiales prévus par la LNT.
Les faits
Cette affaire découle d’un grief déposé par le syndicat au nom de tous les salariés alléguant que l’employeur viole la LNT en refusant d’accorder à ceux-ci les nouveaux congés payés de la LNT pour maladie ou pour raisons familiales, en sus des congés déjà prévus à la convention collective.
Selon l’employeur, puisque la convention collective prévoit une banque de congés mobiles payés pouvant aller jusqu’à six jours de congé payé et pouvant être pris pour quelque raison que ce soit, elle donne une condition de travail supérieure à celle offerte par la LNT, ce qui est spécifiquement permis en vertu de l’article 94 de la LNT.
L’analyse de l’arbitre
Selon la convention collective à l’étude, les salariés ayant plus de cinq ans d’ancienneté bénéficient d’une banque de six jours de congés payés annuellement. Ces congés peuvent être pris pour n’importe quelle raison moyennant un préavis de 24 heures, sauf en présence d’une raison valable, auquel cas ils peuvent être pris sans préavis.
Dans son analyse, l’arbitre précise qu’il est incontestable que depuis les modifications apportées à la LNT en juin 2018, tous les salariés ont minimalement droit, annuellement, à deux congés payés pour raisons familiales ou pour maladie, dès lors qu’ils justifient de trois mois de service continu auprès du même employeur. Conséquemment, une convention collective qui n’offrirait aucun ou qu’un seul congé mobile payé à un employé qui a plus de trois mois de service continu « serait en quelque sorte inopérante et c’est la LNT qui s’appliquerait automatiquement ».
L’arbitre, en analysant la pratique des parties et l’historique des conventions collectives, en arrive à la conclusion qu’il a toujours été de l’intention des parties que les congés mobiles payés de la convention collective puissent être utilisés, entre autres, pour maladie ou pour raisons familiales.
De surcroît, l’arbitre note qu’en vertu de l’article 21.4 b) de la nouvelle convention collective : « Le salarié doit informer son supérieur immédiat au moins 24 heures à l'avance de son intention de s'absenter pour prendre son congé mobile sauf s'il a une raison valable. » Selon Me Côté, cet article et l’application qui en est faite par l’employeur démontrent que les congés mobiles payés peuvent être utilisés pour cause de maladie ou pour des raisons familiales, et ce, même sans qu’un préavis soit donné à l’employeur, puisque ces situations constituent une raison valable.
En l’occurrence, l’arbitre juge qu’en accordant six congés mobiles payés pouvant être pris pour n’importe quelle raison, la nouvelle convention collective est plus avantageuse que les nouvelles dispositions de la LNT. Le grief est donc rejeté.
Les conséquences pratiques
À la lumière de cette décision, on constate que le libellé de la convention collective est très important lorsque vient le temps de juger si les congés prévus par celle-ci peuvent être assimilés aux congés payés pour raisons familiales ou pour maladie prévus par la LNT.
En vertu de la décision de l’arbitre Côté, pour que les congés personnels ou mobiles prévus à une convention collective puissent être assimilés aux congés payés pour maladie ou raisons familiales prévus à la LNT, il faut que ceux-ci puissent effectivement être utilisés pour les mêmes raisons.
Par ailleurs, dans une autre décision récente, l’arbitre Jean-François La Forge en est plutôt arrivé à la conclusion qu’un congé payé pour urgence familiale ne peut pas être assimilé aux congés payés de la LNT pour raisons familiales puisque ces deux types de congés visaient des buts différents. Toutefois, dans cette affaire, les parties avaient pris soin de prévoir à leur convention collective deux régimes de congés bien distincts et qui répondaient à leur propre condition d’application : l’un sans limite de jours de congé, mais applicable uniquement aux urgences familiales, et l’autre reprenant textuellement la disposition de la LNT relative aux congés payés pour raisons familiales.
En conclusion, la décision de l’arbitre Gabriel-M Côté constitue un précédent favorable pour les employeurs relativement à l’interprétation des nouvelles dispositions de la LNT sur les congés payés pour raisons familiales, pour maladie ou pour les autres motifs consignés à la loi. Pour l’instant, il s’agit de la seule décision affirmant qu’il est possible pour un employeur d’assimiler des congés mobiles payés aux congés payés pour raisons familiales ou pour maladie prévus par la LNT.
On peut donc croire que malgré cette décision, les syndicats continueront de soutenir qu’il est impossible de confondre les congés personnels/mobiles accordés conventionnellement avec les congés payés pour maladie ou raisons familiales prévus à la LNT. Il sera donc important de suivre l’évolution de la jurisprudence à ce sujet.