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Bye Bye 2024 : revue de l’année en droit du travail au Québec
Alors que l'année 2024 tire à sa fin, il est temps de faire un bref retour sur les décisions jurisprudentielles qui ont marqué le droit du travail au Québec.
Canada | Publication | Le 23 mai 2024
De nouvelles modifications au projet de loi C-59 prévoient une nouvelle disposition en matière de publicité trompeuse qui vise les indications environnementales au sens large, dont les allégations de carboneutralité.
Dans sa version originale, le projet de loi C-59 comprenait des modifications de fond aux dispositions civiles sur la publicité trompeuse de la Loi sur la concurrence (la Loi), y compris l’interdiction explicite d’allégations d’effets positifs sur l’environnement visant un produit en particulier, qui pouvaient entraîner des amendes substantielles1. Cette nouvelle disposition va néanmoins bien plus loin et confirme que l’écoblanchiment reste une priorité en matière d’application de la loi.
Les entreprises qui font des allégations en matière de climat, de carboneutralité, d’impact environnemental ou d’autres sujets similaires devront tenir compte des risques accrus découlant de ces nouvelles dispositions contre l’écoblanchiment, tout en composant avec les possibilités de réclamation par des parties privées.
Le commissaire de la concurrence (le commissaire) a accueilli l’amendement de la version originale du projet de loi C 59 qui cible l’écoblanchiment propre à certains produits (voir ci-après). Toutefois, il a émis des inquiétudes quant au fait que la disposition, qui se limite aux produits, ne vise pas adéquatement les allégations d’une entreprise ou d’une marque dans son ensemble qui pourraient être fausses ou trompeuses, c’est-à-dire des allégations selon lesquelles la carboneutralité serait atteinte d’ici 2030 ou 20502. Le commissaire a recommandé une « étude » plus approfondie afin de potentiellement élargir les dispositions relatives à l’écoblanchiment dans la Loi3.
À la place, une proposition de nouveau sous-alinéa 74.01(1)b.2), qui aura d’importantes répercussions sur les entreprises qui formulent des allégations de carboneutralité et de réduction des émissions de carbone, a été incluse au projet de loi C-59 sans étude supplémentaire. Cette nouvelle disposition rend susceptible d’examen le comportement de quiconque donne au public, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’usage d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques :
ou bien des indications sur les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques si les indications ne se fondent pas sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale, dont la preuve incombe à la personne qui donne les indications.
D’emblée, le projet de loi C-59 proposait de cibler l’écoblanchiment en créant une disposition axée sur les allégations trompeuses visant les avantages environnementaux d’un produit. Plus précisément, il propose de modifier le paragraphe 74.01(1) de la Loi en élargissant la définition d’affaires susceptibles d’examen au civil comme suit :
ou bien des indications sur les avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques si les indications ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée, dont la preuve incombe à la personne qui donne les indications4.
Le projet de loi C-59 propose également d’autoriser les parties privées à déposer une demande auprès du Tribunal de la concurrence (le Tribunal) afin d’obtenir la permission de présenter une demande en vertu de l’article 74.1 lorsque des entreprises contreviennent aux dispositions civiles en matière de publicité trompeuse. Il s’agit d’une rupture majeure avec la situation actuelle, dans laquelle seul le Bureau de la concurrence (le Bureau) peut appliquer les dispositions en matière de publicité trompeuse.
Le Tribunal serait habilité à faire droit à une demande de permission si « cela ser[t] l’intérêt public ». S’il reste à voir comment il interprétera la notion d’« intérêt public », le manque de précision et la large portée de cette formulation laissent penser qu’il ne sera pas difficile pour les parties privées d’obtenir cette permission.
Les sanctions relatives aux demandes de parties privées comprendront des interdictions, des ordonnances restitutoires et de potentielles sanctions administratives pécuniaires, qui pourront aller jusqu’à 3 % de leurs recettes globales brutes annuelles.
Actuellement, le Tribunal peut ordonner le paiement de dommages-intérêts restitutoires5, mais cette réparation s’applique uniquement à la disposition générale relative aux indications fausses ou trompeuses sur un point important (alinéa 74.01(1)a)). Toutefois, les parties privées présenteront vraisemblablement leurs réclamations en vertu à la fois des nouvelles dispositions anti-écoblanchiment et de cette disposition générale.
L’expression « méthode reconnue à l’échelle internationale », comme indiqué dans le nouveau sous-alinéa b.2, ne figure pas parmi les termes définis et il reste à voir comment le Tribunal ou le Bureau l’interprétera ou si le Bureau compte publier des lignes directrices sur les méthodes qui seront considérées comme acceptables.
Ce manque de clarté est problématique pour les entreprises, à qui il appartiendra de démontrer que leurs allégations s’accompagnent d’une justification adéquate et solide, conformément à une méthode reconnue à l’échelle internationale.
La disposition d’« inversion du fardeau de la preuve » impose aux entreprises la responsabilité de s’assurer que leurs allégations sont bien fondées, plutôt que de faire reposer le fardeau initial de cette preuve sur le commissaire (ou la partie privée). En vertu des nouvelles dispositions, il est inutile d’établir si l’indication est substantiellement fausse ou trompeuse.
Malgré l’inversion du fardeau de la preuve et le manque de clarté quant à ce qui constitue une « méthode reconnue à l’échelle internationale » acceptable, les sanctions en vertu de ces nouvelles dispositions anti-écoblanchiment seront importantes, notamment des interdictions et des sanctions administratives pécuniaires6.
La Loi contient une disposition de disculpation au paragraphe 74.1(3) qui continuera de s’appliquer lorsque les entreprises pourront établir qu’elles ont fait preuve de toute la diligence voulue pour empêcher le comportement reproché.
La conformité à la nouvelle loi est compliquée par sa date d’entrée en vigueur très rapide. Aucune disposition de report de l’entrée en vigueur n’est prévue pour le sous-alinéa 74.01(1)b.2), ce qui signifie que le commissaire pourrait immédiatement présenter une demande visant des allégations environnementales qui sont formulées ou qui continuent d’être formulées une fois la sanction royale reçue par le projet de loi C-59, ce qui pourrait se produire avant l’ajournement de la Chambre pour l’été.
Bien que l’entrée en vigueur des propositions de modification autorisant les actions privées soit repoussée d’un an, le projet de loi C-59 précise qu’une partie peut présenter une demande en vertu de l’article 74.1 au plus tard un an après que la pratique ou le comportement visé a cessé, niant potentiellement la raison d’être du report de l’entrée en vigueur du droit d’accès privé. Un an après la sanction royale, les parties privées pourraient contester une conduite qui a eu lieu un an avant, au moment où la loi a reçu la sanction royale.
Le temps alloué aux entreprises afin d’adapter leurs documents de marketing aux nouvelles règles – floues, qui plus est – est très limité, ce qui contraste avec d’autres modifications de taille précédemment apportées, qui ont bénéficié d’un report d’entrée en vigueur. D’un point de vue de politique générale, cette situation est incohérente avec la notion selon laquelle les entreprises devraient avoir suffisamment de temps pour adapter volontairement leurs pratiques au regard des modifications apportées à la législation, surtout lorsque ces dernières peuvent avoir des répercussions financières importantes.
Les entreprises devront examiner de près et sans délai toute indication environnementale actuelle ou planifiée, y compris celles qui ont trait à des cibles de carboneutralité sur leurs sites Web, plateformes de médias sociaux et documents de marketing. Le jour où le projet de loi C-59 recevra la sanction royale constituera la date cruciale d’ici laquelle les entreprises devront faire en sorte de se conformer aux propositions de modification – et cette date pourrait arriver plus rapidement qu’on ne le pense. Il reste à voir si les modifications apportées au projet de loi freineront fortuitement le nombre d’actions et de communications relatives aux engagements de nature environnementale, mais il est indéniable que les allégations de carboneutralité ne pourront être formulées sans risque.
À l’heure actuelle, les sanctions administratives pécuniaires correspondent au plus élevé des montants suivants pour une personne physique : i) 750 000 $ ou ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré, et au plus élevé des montants suivants pour une personne morale : i) 10 M$ ou ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3 % de ses recettes globales brutes annuelles.
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