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Bye Bye 2024 : revue de l’année en droit du travail au Québec
Alors que l'année 2024 tire à sa fin, il est temps de faire un bref retour sur les décisions jurisprudentielles qui ont marqué le droit du travail au Québec.
Auteur:
Canada | Publication | 11 décembre 2020
Le 10 décembre 2020, le ministre des Finances Éric Girard a déposé devant l’Assemblée nationale du Québec un projet de loi intitulé Projet de loi 82 - Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 10 mars 2020 (Projet de loi ou Projet) proposant entre autres de commencer à s’attaquer aux difficultés de longue date entourant l’article 2503 du Code civil du Québec (Code civil) qui prévoit l’obligation illimitée des assureurs de responsabilité civile d’acquitter les frais de défense de leurs assurés. Conjuguée à l’évolution des véhicules procéduraux et de la législation en matière de valeurs mobilières au Québec, cette obligation propre au droit civil québécois a mené à un durcissement sans précédent du marché d’assurance commerciale de responsabilité civile. Le Projet de loi lui-même ne fournit pas encore une solution claire, mais, en permettant des dérogations réglementaires, il prépare le terrain pour sortir de l’impasse et probablement tenter d’apporter une solution favorable aux différents intervenants du domaine de l’assurance, un défi de taille.
L’article 86 du Projet de loi propose d’amender l’article 2503 du Code civil par l’ajout d’un nouvel alinéa permettant des dérogations à cette disposition pour les catégories de contrats d’assurance et des catégories d’assurés pouvant y être visés déterminés par règlement. Ce règlement pourra également prévoir « toute norme applicable à ces contrats ». L’amendement sous sa forme actuelle se lit comme suit :
2503. L’assureur est tenu de prendre fait et cause pour toute personne qui a droit au bénéfice de l’assurance et d’assumer sa défense dans toute action dirigée contre elle.
Les frais et frais de justice qui résultent des actions contre l’assuré, y compris ceux de la défense, ainsi que les intérêts sur le montant de l’assurance, sont à la charge de l’assureur, en plus du montant d’assurance.
Le gouvernement peut toutefois, par règlement, déterminer des catégories de contrats d’assurance qui peuvent déroger à ces règles et à celle prévue à l’article 2500, de même que des catégories d’assurés qui peuvent être visés par de tels contrats. Il peut également prévoir toute norme applicable à ces contrats. [Partie amendée en gras]
Bien que léger, cet amendement marque tout de même le début d’une solution en référant à un règlement qui resterait à formuler et à adopter si le Projet de loi lui-même arrive jusqu’à l’adoption. Le gouvernement se donne ainsi le temps de réfléchir à la portée exacte des dérogations appropriées et contourne la rigidité du Code civil, un texte qui n’évolue que lentement et dont l’article amendé trop en détail risquerait de devenir rapidement de nouveau obsolète.
L’article 2503 du Code civil assujettit depuis presque 50 ans les assureurs assurant des risques de responsabilité civile au Québec à l’obligation d’assumer la défense de leurs assurés, ainsi que les frais y afférents. Ces frais et dépenses s’ajoutent au montant de l’assurance et ne sont conséquemment pas assujettis aux limites de couverture prévues dans le contrat d’assurance. Les dispositions prévoyant ces exigences étant d’ordre public, aucune limite ou dérogation contractuelles ne peuvent moduler ces règles et les adapter aux besoins des assurés et à l’appétit pour le risque des assureurs. Cette particularité législative est propre au Québec et n’a pas d’équivalent dans les autres provinces canadiennes.
Malgré l’objectif clair de l’article 2503 de protéger les assurés, en tant que consommateurs, en leur accordant davantage de droits, la disposition sous sa forme actuelle s’applique indistinctement aux assurés individuels ainsi qu’aux assurés commerciaux de toutes les tailles. Bien que la protection supplémentaire ainsi prévue puisse s’avérer bénéfique pour les particuliers ou petits commerces, elle présente une restriction importante à la liberté contractuelle des acteurs commerciaux qui auraient parfois préféré pouvoir renoncer à cette protection et négocier les conditions de leurs polices. Quoique les catégories de contrats et d’assurés pouvant se soustraire à l’application de l’article 2503 en vertu d’un nouveau règlement restent à déterminer, dans l’éventualité où le Projet de loi serait adopté, le portrait de la situation des dernières années esquisse les catégories qui pourraient a priori s’avérer comme des candidats possibles.
En effet, au cours des dernières années, divers facteurs touchant surtout les grandes entreprises québécoises, tels la popularisation grandissante de l’action collective et le développement de la législation en droit des valeurs mobilières, ont profondément changé et complexifié le profil de risque de ces entreprises. Les litiges sont devenus plus nombreux, plus complexes et conséquemment plus longs et plus coûteux à défendre. À la suite de plusieurs litiges onéreux impliquant de grandes sociétés québécoises où les assureurs commerciaux étaient appelés à assumer des frais de défense pour des montants parfois dépassant les limites d’assurance prévues dans les polices applicables, le marché québécois de l’assurance de responsabilité couvrant certains risques commerciaux a été précipité dans une crise majeure, marquée par les départs d’assureurs, de fortes augmentations des primes, d’importantes restrictions de couverture et, ainsi, des difficultés pour les entreprises à obtenir des produits d’assurance adéquats. Les entreprises québécoises doivent donc composer avec une gestion des risques plus complexe et plus coûteuse et s’en trouvent considérablement désavantagées par rapport à leurs concurrents canadiens et internationaux. Les grandes entreprises faisant face à des risques commerciaux majeurs pourraient donc espérer bénéficier d’une exemption en vertu du règlement potentiel.
Il faut toutefois éviter de tirer des conclusions hâtives. En effet, le règlement prévoyant les contrats et catégories pouvant déroger à l’article 2503 n’est pas encore présenté et le Projet de loi prévoyant la possibilité d’en adopter un doit encore franchir plusieurs étapes1. Si tous les astres sont alignés, le Projet de loi pourrait recevoir la sanction du lieutenant-gouverneur et entrer en vigueur au cours des prochains mois. La rédaction et l’adoption du règlement prendraient elles-mêmes encore probablement des mois.
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