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Examen de l’intégrité et révocation de l’autorisation de l’AMP : éléments clés à considérer
L’Autorité des marchés publics (AMP) est l’organisme gouvernemental responsable de surveiller l’octroi des contrats publics au Québec.
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Canada | Publication | 2 novembre 2021
Le 29 octobre 2021, la Cour suprême du Canada a rendu une décision très attendue en matière de recours en discrimination fondé sur la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (Charte).
Dans l’affaire Ward c. Québec, une Cour suprême divisée a précisé le test applicable dans les cas où la discrimination alléguée trouverait sa source dans des propos tenus à l’encontre de la victime. Cette affaire met en relief l’équilibre délicat entre le droit à la sauvegarde de la dignité de la personne et la liberté d’expression.
Les faits de cette affaire sont largement connus, celle-ci ayant fait l’objet d’une médiatisation importante. Entre 2010 et 2013, Mike Ward, un humoriste québécois connu pour son humour noir, a présenté un spectacle comprenant un numéro dans lequel M. Ward se moquait de certaines personnalités publiques du milieu artistique québécois qu’il qualifiait de « vaches sacrées ». Dans le cadre de ce numéro et de capsules vidéo présentées sur son site Internet, M. Ward a tenu des propos désobligeants sur l’apparence physique de Jérémy Gabriel, un enfant atteint du syndrome de Treacher Collins, qui entraîne des malformations de la tête, des oreilles et du palais. Monsieur Gabriel était une personnalité publique en raison de ses prestations de chant et de sa participation à des émissions de télévision. En 2012, les parents de M. Gabriel ont porté plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en leur nom et au nom de M. Gabriel, laquelle a conclu qu’il y avait lieu de soumettre la plainte au Tribunal des droits de la personne (Tribunal) pour discrimination.
Le Tribunal a conclu qu’en exposant M. Gabriel à la moquerie en raison de son handicap, M. Ward avait porté atteinte de manière discriminatoire au droit de M. Gabriel à la sauvegarde de sa dignité (protégé par l’art. 4 de la Charte). Le Tribunal a ensuite rejeté le moyen de défense de M. Ward fondé sur son droit à la liberté d’expression (protégé par l’art. 3 de la Charte), estimant que ce dernier avait outrepassé les limites de ce qui est acceptable dans une société démocratique. La Cour d’appel du Québec, dans une décision de deux juges contre une, a rejeté le pourvoi de M. Ward.
Dans des motifs rédigés par le juge en chef Wagner et la juge Côté, les juges majoritaires énoncent d’abord que, suivant l’arrêt de la Cour dans l’affaire Vavilov1, ce sont les normes d’intervention en appel qui s’appliquent aux décisions du Tribunal.
Les juges majoritaires rappellent ensuite que la compétence du Tribunal est limitée aux plaintes pour discrimination ou exploitation fondées sur les articles 10 à 19 et 48 de la Charte. Les juges sont d’avis que la compétence du Tribunal s’est élargie au cours des dernières années grâce à des interprétations « généreuses » des dispositions protégeant le droit à l’égalité (art. 10 Charte) et le droit à la sauvegarde de la dignité, de l’honneur et de la réputation (art. 4 Charte). Or, soulignent-ils, « le recours en discrimination n’est pas, et ne doit pas devenir, un recours en diffamation » (en italique dans la décision).
Ces juges soulignent par ailleurs que, contrairement à la Charte canadienne des droits et libertés, la Charte ne consacre pas un droit indépendant à l’égalité, ce dernier n’étant protégé que dans la reconnaissance et l’exercice des autres droits et libertés garantis par la Charte. Cette particularité a une incidence importante sur le cadre d’analyse qu’établit la Cour puisque l’article 9.1 de la Charte apporte un « tempérament au caractère absolu des libertés et droits édictés aux articles 1 à 9 »2 , dont le droit à la dignité.
En l’espèce, le droit à la sauvegarde de la dignité de M. Gabriel (art. 4), invoqué en lien avec son droit à l’égalité (art. 10), s’oppose au droit à la liberté d’expression de M. Ward (art. 3). Les juges majoritaires rejettent une certaine position jurisprudentielle et doctrinale selon laquelle le droit à la dignité est violé dès que l’atteinte à un autre droit atteint un certain niveau de gravité. Sans établir de définition limitative de la dignité, ils soulignent que l’article 4 « protège non pas chaque personne en tant que telle, mais l’humanité de chaque personne dans ses attributs les plus fondamentaux » (en italique dans la décision).
Quant à la liberté d’expression, les juges rappellent qu’elle implique « la tolérance de la société envers les expressions impopulaires, désobligeantes ou répugnantes ». Ainsi, la liberté d’expression peut être limitée dans un contexte donné « lorsqu’il y a des raisons sérieuses de craindre un préjudice suffisamment précis auquel le discernement et le jugement critique de l’auditoire ne sauraient faire obstacle ».
Ainsi, dans un recours en discrimination, lorsque le droit à l’égalité est invoqué en lien avec une liberté ou un droit garanti par l’un des articles 1 à 9 de la Charte, le demandeur doit prouver :
1) une « distinction, exclusion ou préférence »;
2) fondée sur l’un des motifs énumérés à l’article 10;
3) qui a pour effet de détruire ou de compromettre l’égalité dans la reconnaissance ou l’exercice d’un droit dont la protection s’impose au regard de l’article 9.1 dans le contexte où il est invoqué.
De plus, dans les cas où l’affaire soulève un conflit entre le droit à la sauvegarde de la dignité du plaignant et le droit à liberté du défendeur, le Tribunal doit se demander, à la troisième étape du test, si :
a) une personne raisonnable, informée des circonstances et du contexte pertinents, considérerait que les propos visant un individu ou un groupe incitent à le mépriser ou à détester son humanité pour un motif de distinction illicite; et
b) une personne raisonnable considérerait que, situés dans leur contexte, les propos tenus peuvent vraisemblablement avoir pour effet de mener au traitement discriminatoire de la personne visée.
Le mode d’expression des propos et l’effet de celui-ci sont déterminants puisque l’analyse n’est pas centrée sur le contenu des propos, mais sur leurs effets probables à l’égard des tiers.
En l’espèce, les juges majoritaires concluent que M. Gabriel a fait l’objet d’une distinction (1er critère), mais que celle ci n’était pas fondée sur un motif prohibé de discrimination (2e critère), le Tribunal ayant conclu que M. Ward ne l’avait pas choisi en raison de son handicap, mais plutôt de son statut social. Le Tribunal a ainsi commis une erreur lorsqu’il a poursuivi son analyse en s’attardant aux propos tenus par M. Ward, lesquels concernaient notamment l’apparence physique de M. Gabriel. Cette analyse s’apparente à celle qui est applicable en matière de diffamation, où le demandeur n’a pas à établir une différence de traitement fondé sur un motif prohibé. Quant au dernier critère, les juges majoritaires concluent ainsi :
Selon nous, une personne raisonnable informée des circonstances pertinentes ne considérerait pas que les propos de M. Ward visant M. Gabriel incitent à le mépriser ou à détester son humanité pour un motif de distinction illicite. Situés dans leur contexte, ses propos ne peuvent être pris au premier degré. Bien que M. Ward prononce des méchancetés et des propos honteux liés au handicap de M. Gabriel, ses propos n’incitent pas l’auditoire à traiter celui-ci comme un être inférieur3.
Pour les juges majoritaires, le fait que les propos en cause aient été prononcés par un humoriste connu pour son humour noir, principalement dans le cadre d’un spectacle où un public adulte avait payé pour l’entendre, est important. De fait, selon les juges majoritaires, une forme d’expression qui malmène ou ridiculise des personnes n’invite généralement pas à nier leur humanité ou à les marginaliser aux yeux de la majorité.
En somme, les juges majoritaires concluent à l’absence de discrimination et accueillent le pourvoi de M. Ward.
À notre avis, la reformulation par la Cour du troisième élément devant être établi pour conclure à de la discrimination emporte une conséquence importante sur le fardeau de preuve. En effet, avant Ward, une certaine doctrine était d’avis qu’une liberté ou un droit fondamental invoqué par un défendeur pour justifier une atteinte au droit à l’égalité d’un plaignant entrait en jeu dans une étape subséquente du test, soit après que cette atteinte a été établie prima facie4 . Il s’agissait donc d’un moyen de défense, dont le fardeau appartenait au défendeur. C’est d’ailleurs l’approche suivie par le Tribunal et les juges majoritaires de la Cour d’appel dans la présente affaire, et la jurisprudence antérieure de la Cour pouvait être interprétée en ce sens5.
Désormais, lorsqu’un plaignant allègue une atteinte à son droit à l’égalité en lien avec l’un de ses droits ou libertés consacrés aux articles 1 à 9 de la Charte – par exemple le droit à la sauvegarde de sa dignité –, il lui revient d’établir que la protection de ce droit s’impose compte tenu de l’article 9.1 de la Charte, y compris lorsque ses droits entrent en conflit avec les droits ou libertés fondamentaux du défendeur. Cette reformulation du test peut certes être considérée davantage en harmonie avec le principe bien établi selon lequel la Charte n’établit aucune hiérarchie entre les droits et libertés qu’elle protège.
Cela dit, cette position, jumelée aux contours du droit à la sauvegarde de la dignité tels que la Cour les a dessinés dans Ward, établit un cadre plus restrictif au recours en discrimination. Rappelons toutefois que ce cadre s’applique à des contextes bien précis où la discrimination alléguée trouverait sa source dans des propos tenus à l’égard de la victime. Soulignons en outre que cette décision n’altère en rien le cadre juridique applicable en matière d’atteinte à la réputation. Ainsi, des propos désobligeants envers une personne qui ne satisferaient pas au test de Ward pourraient tout de même constituer des propos diffamatoires et ouvrir la voie à un recours en diffamation.
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