Le 24 février dernier, la Cour d’appel du Québec a rejeté le pourvoi d’une décision de la Cour supérieure du Québec dans une action en indemnisation intentée par Charles Anderson (l’Assuré) à l’encontre de son assureur, Intact compagnie d’assurance (Intact).
Cet arrêt de la Cour d’appel dans
Anderson c. Intact, compagnie d’assurances se révèle pertinent pour plusieurs raisons, mais plus particulièrement quant aux enseignements de la Cour sur la portée du devoir de collaboration de l’assuré et sur les conséquences découlant d’un manquement à ce devoir.
Le contexte et la décision de première instance
L’Assuré acquiert en 2013 un immeuble dans l’arrondissement Verdun à Montréal avec comme projet d’entreprendre des rénovations dans le but de le convertir en copropriétés divises
. De manière concomitante à l’acquisition de l’immeuble, la société Hariolus, qui fut créée en 2010 par l’Assuré et dont l’unique actionnaire est la mère de ce dernier, indique toutefois sur son site Internet avoir signé un contrat d’achat pour un projet à Verdun
3.
En février 2014, l’Assuré est toutefois informé par l’arrondissement qu’il ne remplit pas les conditions permettant la conversion de l’immeuble en copropriétés divises
4. Toujours en février 2014, l’Assuré entreprend des démarches afin de faire assurer l’immeuble, qui n’était plus assuré depuis l’été 2013. Le 10 mars 2014, Intact accepte la proposition d’assurance et la police entre en vigueur
. Quelques jours seulement après l’entrée en vigueur de la police d’Intact, l’immeuble périt dans un incendie
.
Le 18 mars 2014, une première rencontre a lieu entre l’Assuré et l’expert en sinistre mandaté par Intact. Des échanges se poursuivront par la suite jusqu’en mai 2015. En décembre 2015, l’Assuré intente son action à l’encontre d’Intact, qui lui transmettra un mois plus tard une lettre l’informant qu’elle refuse la demande d’indemnisation
7.
En première instance, l’honorable Frédéric Bachand de la Cour supérieure rejette l’action de l’Assuré en raison de son manque de collaboration après sinistre.
Le devoir de collaboration de l’assuré en assurance de dommages
D’entrée de jeu, la Cour rappelle les principes généraux applicables au devoir de collaboration de l’Assuré. En vertu de l’article 2471 du
Code civil du Québec, l’assuré doit « faire connaître à l’assureur toutes les circonstances entourant le sinistre, y compris sa cause probable, la nature et l’étendue des dommages, l’emplacement du bien, les droits des tiers et les assurances concurrentes » ainsi que lui fournir « les pièces justificatives et [d’]attester, sous serment, la véracité de celles-ci ». Un manquement à ces obligations entraîne la déchéance du droit à l’indemnisation lorsqu’il en résulte un préjudice à l’assureur et que l’assuré a agi de mauvaise foi
.
La Cour d’appel du Québec confirme l’analyse du juge d’instance. De l’avis de la Cour, le premier juge avait raison de conclure que l’Assuré avait agi de mauvaise foi dans le cadre de son devoir de collaboration « en voulant garder son assureur dans le noir quant à son intérêt d’assurance et l’implication de tiers dans l’acquisition de l’immeuble »
. De même, la Cour conclut que la preuve administrée en première instance permettait au premier juge de conclure à un préjudice pour Intact découlant du fait qu’il fut empêché par l’Assuré de « connaître toutes les circonstances entourant le sinistre et de déterminer si son assuré détenait un véritable intérêt d’assurance »
.
Conclusion
Cette décision rappelle l’importance pour un assuré de coopérer pleinement avec son assureur. En effet, dans la mesure où un assuré manque à cette obligation en gardant volontairement son assureur dans le noir en lui refusant, notamment, l’accès à certains documents lui permettant de déterminer si l’assuré a droit à une indemnisation, un assureur pourrait invoquer le préjudice en découlant afin de demander la déchéance du droit de l’assuré à indemnité.
L’auteur désire remercier Amélie Guillemette, étudiante en droit, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.