Stratégie canadienne pour l’hydrogène : 2020–2050
En décembre 2020, le gouvernement fédéral a publié sa Stratégie canadienne pour l’hydrogène (stratégie) qui présente le plan détaillé qu’envisage d’adopter le Canada pour exploiter son importante capacité de production d’hydrogène et l’aider à atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2050. La capacité qu’offre l’hydrogène pour décarboniser les systèmes énergétiques est l’élément capital qui motive l’adoption de cette stratégie par le gouvernement. La stratégie laisse entrevoir que l’hydrogène pourrait fournir jusqu’à 30 % de l’énergie d’utilisation finale au Canada d’ici 2050, tout en entraînant du même coup une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Renseignements contextuels : l’hydrogène au Canada
Comme nous l’avons déjà mentionné dans notre publication parue en juillet 2018 intitulée, It’s getting easier to be green: Hydrogen technology developments and legal issues, les systèmes utilisant l’hydrogène pourraient aisément se greffer au cadre énergétique national du Canada. Le pays dispose déjà de plusieurs avantages stratégiques qui militent en faveur d’un secteur de production d’hydrogène vigoureux. Parmi ceux-ci, notons l’abondance de matières premières à faible teneur en carbone nécessaires à la production de l’hydrogène, la robustesse du secteur énergétique qui tient à la main-d’œuvre formée et aux infrastructures stratégiques et la position enviable du Canada comme chef de file mondial sur le marché de l’hydrogène et des piles à combustible.
Calendrier de mise en œuvre
La mise en œuvre de la stratégie comporte trois phases, ce qui offre un aperçu général des moments auxquels certains règlements et incitatifs pourraient entrer en vigueur :
- Les activités à court terme (2020–2025) viseront à jeter les bases du secteur de l’hydrogène au Canada, ce qui comprend :
- le développement de nouvelles infrastructures d’approvisionnement et de distribution de l’hydrogène pour soutenir les premiers centres de déploiement dans les applications matures tout en soutenant les démonstrations canadiennes dans les applications émergentes;
- l’adoption de règlements, dont la Norme sur les combustibles propres qui sera publiée prochainement, pour stimuler les investissements à court terme dans le secteur; et
- l’introduction de nouvelles mesures stratégiques et réglementaires nécessaires pour atteindre la cible de zéro émission nette d’ici 2050, dont la tarification du carbone.
- Les activités à moyen terme (2025–2030) seront axées sur la croissance et la diversification du secteur de l’hydrogène et comprendront entre autres ce qui suit :
- le déploiement d’applications offrant une meilleure proposition de valeur par rapport aux autres technologies à zéro émission (p. ex., les véhicules électriques à pile à combustible, y compris les autobus urbains);
- la production d’hydrogène à grande échelle permettant un mélange avec le gaz naturel;
- le déploiement de l’hydrogène dans les opérations minières; et
- le lancement de projets pilotes visant à explorer l’hydrogène pour le stockage d’énergie à échelle industrielle.
- Les activités à long terme (2030–2050) miseront sur une infrastructure d’approvisionnement et de distribution de l’hydrogène. La stratégie prévoit, pour cette phase, que les hydrogénoducs pourront devenir une option intéressante à mesure qu’augmentera le pourcentage d’hydrogène dans les systèmes à gaz naturel.
Au cours de cette période, la stratégie entrevoit une réduction de l’intensité en carbone dans la production de l’hydrogène, alors que les seuils relatifs à la teneur en énergie renouvelable des projets épaulés par le gouvernement augmenteront. Ainsi, il y a fort à parier que le gouvernement fédéral privilégiera le financement et le développement de voies de production d’hydrogène à faible intensité en carbone. Le gouvernement a également fait savoir qu’il comptait entreprendre prochainement des échanges continus avec divers intervenants, incluant l’industrie pétrolière et chimique ainsi que les services publics.
Les stratégies relatives à l’intégration de l’hydrogène varieront d’une province à l’autre, tout comme différeront les règlements et incitatifs pertinents. En Alberta, par exemple, la production d’« hydrogène bleu » aura la cote, où le gaz naturel est utilisé de concert avec les technologies de séquestration du carbone pour compenser les émissions, et s’accompagnera de politiques, de lois et de normes nouvellement mises en œuvre pour favoriser le déploiement de l’hydrogène.
Au Québec, l’accent sera plutôt mis sur la production d’« hydrogène vert » (qui n’entraîne aucune émission), en raison surtout de l’abondance des ressources de la province en hydroélectricité, et sur l’exécution de son plan plus vaste qui a pour but d’accroître le recours à l’énergie propre. Tout projet qui vise à tirer parti de la stratégie pour l’hydrogène élaboré par le gouvernement fédéral devrait également tenir compte des priorités pertinentes que se fixeront vraisemblablement les provinces.
La stratégie envisage diverses utilisations finales de l’hydrogène au Canada et les regroupe en trois catégories :
- Carburant pour le transport (c.-à-d. les véhicules électriques à pile à combustible et les moteurs à combustion mixte) et production de l’électricité (c.-à-d. les générateurs à pile à combustible à hydrogène ou les turbines à hydrogène);
- Chaleur pour l’industrie et chauffage des bâtiments (au moyen de la fabrication de matériaux comme le ciment et l’acier et de la combustion directe dans les chaudières ou les fournaises); et
- Matières premières pour les secteurs industriels (notamment les secteurs du pétrole et du gaz et la production chimique).
Les acteurs dans ces secteurs d’activité auront sans doute l’occasion de tirer parti des initiatives mises de l’avant par le gouvernement pour encourager l’utilisation de l’hydrogène dans les années à venir.
À quoi faut-il s’attendre
La stratégie reconnaît que l’hydrogène n’est pas encore concurrentiel en termes de coût par rapport au gaz naturel, mais souligne que la mise en œuvre du système fédéral de tarification du carbone, et plus particulièrement la mise en œuvre de la Norme sur les combustibles propres, constituent d’importantes avancées qui permettront de dégager un meilleur rapport coût-efficacité. Un autre défi qu’il faudra relever à court terme sera l’harmonisation des différents codes et normes en vigueur dans les provinces et territoires du Canada qui régissent la certification des nouveaux déploiements de l’hydrogène. Les acteurs du secteur énergétique doivent surveiller de près l’évolution de la réglementation à cet égard.
La mise en œuvre de cette stratégie nécessitera par ailleurs d’importants investissements, soit entre 5 et 7 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Bien que le gouvernement fédéral n’ait pas encore signalé combien il compte allouer directement à cet effort de mise en œuvre, il a laissé savoir que des crédits d’impôt et des subventions seront offerts pour aider à stimuler ces investissements. Les secteurs aptes à adopter des technologies s’appuyant sur l’hydrogène, comme le secteur manufacturier et celui du transport, auront sans doute l’occasion de bénéficier de ces mécanismes au cours des années à venir.
Les auteurs désirent remercier James Long, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.