La Cour suprême du Canada confirme que le diagnostic psychiatrique n’est pas requis aux fins de l’indemnisation d’un préjudice mental

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Mondial Publication Juillet 2017

La Cour suprême du Canada, dans l’affaire Saadati c Moorhead1, a conclu à l’unanimité qu’un tribunal peut accorder des dommages-intérêts pour préjudices mentaux en l’absence d’un diagnostic psychiatrique ou du témoignage d’un médecin expert.


Contexte

Le demandeur a été impliqué dans un accident de la route et a intenté une poursuite devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique contre le conducteur du véhicule qui l’a frappé. Le défendeur n’a pas contesté la responsabilité.

Le demandeur a allégué avoir subi des préjudices mentaux, dont un changement de personnalité et des problèmes cognitifs. Cependant, le demandeur n’a pas fourni à la Cour de diagnostic précis ni de preuve que ces préjudices mentaux correspondaient à un trouble psychiatrique reconnaissable. Plutôt, le demandeur s’est appuyé sur le témoignage de sa famille et de ses amis selon lequel sa personnalité s’était détériorée après l’accident : il était devenu maussade et sujet aux sautes d’humeur. Il avait aussi éprouvé des problèmes cognitifs. Le juge de première instance a accueilli ce témoignage comme preuve suffisante de préjudice psychologique et il a accordé au demandeur des dommages-intérêts non pécuniaires de 100 000 $. Le demandeur n’a pas démontré l’existence d’un préjudice physique imputable à l’accident.

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a infirmé la décision du juge de première instance et a conclu que ce type de trouble psychologique ou émotionnel devait être étayé par le témoignage d’un médecin expert prouvant qu’il s’agissait d’un « trouble psychiatrique reconnaissable ».

Cour Suprême du Canada

La Cour suprême du Canada a rétabli la décision du juge de première instance, déterminant que les conclusions du juge soutenaient la constatation d’un préjudice mental. Pour en arriver à cette décision, la Cour a fourni des lignes directrices importantes sur la responsabilité à l’égard des préjudices mentaux :

  • Le critère standard pour établir la responsabilité dans une action en négligence qui s’applique aux réclamations pour préjudice physique s’applique également aux réclamations pour préjudice mental.
  • Un tribunal qui se prononce sur une allégation de préjudice mental n’est pas concerné par un diagnostic précis, mais plutôt par les symptômes du demandeur et leurs effets sur le demandeur.
  • Pour établir le préjudice mental, un demandeur doit démontrer qu’il a subi des contrariétés graves et de longue durée qui vont au-delà des désagréments, angoisses et craintes ordinaires inhérents à la vie en société. Cela signifie que le préjudice doit dépasser un certain seuil pour être indemnisable.
  • Pour établir la causalité juridique, un demandeur doit démontrer que le défendeur négligent aurait pu prévoir que sa conduite pouvait infliger un préjudice mental à une personne dotée d’une résilience ordinaire.
  • La preuve de l’expert, bien qu’elle ne soit pas requise, peut être utile aux tribunaux pour déterminer si l’existence d’un préjudice mental a été établie ou non. Bien que l’absence de diagnostic ne puisse être en soi déterminante, le tribunal peut la mettre en balance avec les autres éléments de preuve.
  • Un défendeur est libre de faire témoigner un expert pour réfuter une allégation, par exemple si la preuve d’expert établit que l’accident n’aurait pas pu infliger un préjudice mental.

Conclusion

En jugeant qu’un demandeur n’a pas nécessairement à présenter de preuve d’expert, la Cour suprême du Canada a, de toute évidence, allégé le fardeau de prouver l’existence de préjudices mentaux. Les défendeurs devraient être prêts à répondre aux réclamations en dommages-intérêts pour préjudices mentaux en l’absence de preuve ou de diagnostic d’expert étayant de telles réclamations. Toutefois, l’affaire Saadati ne permet pas d’affirmer que les dommages-intérêts pour préjudices psychologiques devraient être accordés d’office. La Cour suprême du Canada a été claire en affirmant que les demandeurs doivent toujours démontrer qu’ils souffrent de désagréments graves et de longue durée et l’analyse requise devrait prévoir des protections pour les défendeurs contre des réclamations non fondées ou insignifiantes.

Notes

1 2017 RCS 28.



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