À l’instar des États-Unis, le gouvernement du Canada a imposé des surtaxes sur les véhicules électriques (VE) ainsi que l’aluminium et l’acier provenant de la Chine. Cette décision préfigure d’éventuelles mesures commerciales supplémentaires que le Canada pourrait avoir à prendre au cours de l’administration Trump pour conserver sa position commerciale privilégiée auprès de son voisin du Sud. Toutefois, il est indéniable que cette décision du Canada et toute autre mesure commerciale qu’il pourrait imposer à un important partenaire commercial comme la Chine représentent un risque pour d’autres secteurs du pays.
Quelles mesures le Canada a-t-il prises?
Véhicules électriques
Le 1er octobre 2024, le gouvernement du Canada a mis en œuvre le Décret imposant une surtaxe à la Chine (2024) prévoyant une surtaxe de 100 % sur les VE fabriqués en Chine et importés au Canada. La surtaxe sur les VE a été décidée dans la foulée d’une période de consultation, en vertu de l’article 53 du Tarif des douanes, qui permet au cabinet d’appliquer des mesures commerciales (dont des surtaxes) en réaction à des lois, à des politiques ou à des pratiques de gouvernements étrangers qui nuisent au commerce de biens et de services canadiens ou entraînent, directement ou indirectement, des conséquences néfastes pour ce dernier.
La surtaxe sur les VE concerne les automobiles à passagers, les camions, les autobus ainsi que les camionnettes de livraison électriques et certains modèles hybrides qui sont admissibles au marquage en tant que marchandises originaires de la Chine, ce qui signifie que les VE visés doivent être fabriqués en grande partie en Chine1. La liste complète des marchandises visées par la surtaxe sur les VE se trouve sur le site Web du gouvernement du Canada.
Aluminium et acier
Le 22 octobre 2024, le gouvernement du Canada a modifié le Décret imposant une surtaxe à la Chine (2024) de façon à ajouter une surtaxe de 25 % sur certains produits d’aluminium ou d’acier fabriqués en Chine et importés au Canada. Le Canada a indiqué que la surtaxe avait été imposée en réponse à la « surcapacité » chinoise, qui « a entraîné des conditions de marché volatiles et créé des défis importants pour les producteurs canadiens2». La Chine, qui a produit plus d’un milliard de tonnes métriques d’acier en 2023 (soit 54 % de la production mondiale), est actuellement le plus grand producteur de cet alliage au monde; côté aluminium, le pays a considérablement augmenté sa capacité de production au cours des 20 dernières années et est aujourd’hui à l’origine d’environ 59 % de la production mondiale.
Aux termes du Tarif des douanes, il existe trois formes de fer et d’acier : 1) matières premières et produits sous forme de granules ou de poudre; 2) fer et acier non allié et 3) acier inoxydable. La surtaxe sur l’aluminium et l’acier s’applique uniquement aux marchandises en fer et en acier non allié ainsi qu’à l’acier inoxydable; elle ne vise pas les matières premières et produits sous forme de granules ou de poudre.
Les catégories d’aluminium visées par la surtaxe comprennent l’aluminium sous forme brute; les barres et profilés en aluminium; les fils en aluminium; les tôles, feuilles et bandes en aluminium d’une épaisseur excédant 0,2 mm; certains papiers d’aluminium (sur ou sans support); les tubes et tuyaux en aluminium; les accessoires de tuyauterie (raccords, coudes, manchons, par exemple) en aluminium. Les catégories suivantes sont exclues de la liste : les structures en aluminium, comme des portes, des fenêtres et leurs cadres et chambranles; les tambours, bidons ou récipients similaires en aluminium; les articles de ménage ou d’économie domestique en aluminium; et d’autres ouvrages en aluminium, comme des pointes, des clous et des crampons appointés.
La liste complète des marchandises visées par la surtaxe sur l’aluminium et l’acier se trouve sur le site Web du gouvernement du Canada.
À qui incombe-t-il de payer les surtaxes et comment sont-elles calculées?
Les exportateurs chinois ne paieront pas les surtaxes au moment de l’exportation. C’est l’importateur des produits en question qui devra les régler à l’arrivée des marchandises au Canada. Le paiement des surtaxes est fait de la même manière et dans le même délai que celui des droits de douane et des taxes3.
Le montant payable aux termes de la surtaxe sur les VE correspond à 100 % de la valeur en douane du VE chinois importé, qui est normalement calculée en fonction de la « valeur transactionnelle » des marchandises ou du prix payé pour celles-ci, sous réserve d’ajustements. De manière similaire, la surtaxe sur l’aluminium et l’acier correspond à 25 % de la valeur en douane des produits en aluminium et en acier visés par celle-ci originaires de la Chine. Ces surtaxes visant les VE ainsi que l’acier et l’aluminium s’ajoutent à tout autre droit dû (c.-à-d. aux droits de douane ou aux droits antidumping qui peuvent s’appliquer).
Pourquoi le Canada a-t-il décidé d’imposer ces surtaxes?
Le Canada a décidé d’imposer ces surtaxes afin que les États-Unis et le Canada aient des mesures similaires en place pour protéger les industries nord-américaines, notamment le secteur automobile, hautement intégré entre ces deux pays. Plus particulièrement, les mesures prises par le Canada sont intervenues à la suite des majorations tarifaires annoncées par les États-Unis. En avril 2024, le Bureau du représentant américain au Commerce a annoncé un relèvement tarifaire visant la Chine consistant en un triplement des tarifs actuels sur les produits d’acier et d’aluminium chinois en vertu de l’article 301, les faisant passer en moyenne de 7,5 % à 22,5 %4. En mai 2024, les États-Unis ont également annoncé leur intention de faire passer les tarifs actuels sur les VE et certains véhicules hybrides chinois en vertu de l’article 301 de 25 % à 100 %5.
Quelles sont les conséquences des surtaxes pour le Canada?
Bien que les surtaxes imposées par le Canada restent relativement cohérentes avec les mesures commerciales américaines prises contre la Chine, elles ne sont pas sans conséquences. Peu de temps après leur annonce par le Canada, le ministère du Commerce chinois a officiellement indiqué, le 9 septembre dernier, son intention d’amorcer une enquête antidumping sur les importations de graines de canola canadiennes sur son territoire6. Cette première étape de l’enquête comprendra une enquête en dumping couvrant la période du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023 et une enquête aux fins de la détermination de l’existence d’un dommage couvrant, pour sa part, la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 20237. L’imposition par la Chine de droits antidumping augmenterait de façon importante les coûts d’importation des graines de canola canadiennes sur son territoire.
De l’avis général, le moment choisi par la Chine pour faire son annonce n’est pas une coïncidence et vise à faire comprendre aux responsables des politiques canadiens que toute tentative du Canada de limiter l’accès des marchandises chinoises à ses marchés entraînera des mesures correspondantes contre les marchandises canadiennes à destination de la Chine.
Entre le marteau et l’enclume : quelles leçons tirer des surtaxes?
Les surtaxes sur les VE ainsi que l’aluminium et l’acier fournissent un exemple intéressant des choix difficiles auxquels sera confronté le Canada dans le cadre de sa politique commerciale à compter de l’entrée en fonction de l’administration Trump à la fin du mois de janvier 2025. Au cours des dernières élections américaines, le futur président Trump a indiqué son intention de fermer tout bonnement la porte aux importations chinoises en imposant des tarifs douaniers à la frontière américaine de 60 % sur les marchandises originaires de ce pays. Bien que le détail des futurs tarifs douaniers américains qui seront appliqués aux marchandises chinoises n’a pas encore été établi, il est quasiment certain que le Canada ressentira une certaine pression à emboîter le pas à son voisin, d’une manière ou d’une autre. Pour conserver sa position de partenaire commercial privilégié avec les États-Unis et empêcher un déferlement d’importations chinoises au Canada à la suite des relèvements tarifaires douaniers de son voisin, le gouvernement canadien devra lui-même mettre en place une partie ou la totalité des mesures prises par les États-Unis. À en croire la réaction du gouvernement chinois aux surtaxes actuelles sur les VE ainsi que l’acier et l’aluminium, l’adoption de telles mesures commerciales par le Canada se fera aux dépens des exportateurs canadiens sur son deuxième plus gros marché d’exportation : la Chine.
Compte tenu de la récente annonce du président désigné Trump selon laquelle il prévoit dans tous les cas imposer des tarifs douaniers de 25 % sur toutes les marchandises originaires du Canada et du Mexique, une chose est sûre : le Canada devra soigneusement évaluer son approche en matière de tarifs douaniers et de surtaxes dans les prochains mois.
Les auteur·rices tiennent à remercier Madeline Heinke, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.