Le 19 juin 2017, la division des relations du travail du TAT a rendu une decision1 originale en ordonnant à un employeur de rembourser au salarié les honoraires raisonnables et les frais supportés pour exercer son recours, et ce, jusqu’à l’exécution complète de la décision accueillant une plainte aux termes de l’art. 124 LNT.
La décision
À la lumière de la preuve qui lui a été présentée, le TAT a décidé que le congédiement imposé brutalement au salarié était injuste et que sa plainte aux termes de l’art. 124 LNT devait être accueillie. Le juge administratif Raymond Gagnon (le juge) a donc déterminé que le salarié avait droit à une indemnité pour perte de salaire, mais il a refusé d’ordonner sa réintégration ou de lui octroyer des dommages moraux.
Toutefois, et c’est ce qui est intéressant dans cette affaire, le juge a décidé que les circonstances en l’espèce justifiaient le remboursement des honoraires et des frais que le salarié a supportés, afin de lui permettre d’être intégralement indemnisé pour les frais et dépenses causés par son congédiement et l’exercice de son recours – ceci, malgré le fait que le salarié ait retenu les services d’un procureur privé pour faire valoir ses droits, alors que la CNESST aurait tout à fait pu le représenter.
La justification
Premièrement, le juge fait référence à la Charte québécoise et mentionne que, dans le cadre de sa plainte en vertu de l’art. 124 LNT, le salarié avait le droit de se faire représenter par le procureur de son choix. Ensuite, le juge précise que si un salarié confie le mandat de le représenter devant le TAT à un représentant autre que celui de la CNESST, il doit assumer ce choix, notamment sur le plan des honoraires que ce procureur lui demandera pour ses services.
Toutefois, si le tribunal juge que le salarié a été congédié sans cause juste et suffisante, comme en l’espèce, ce choix ne le prive pas du droit d’obtenir le remboursement de la totalité ou encore d’une partie de ces frais.
Citant divers jugements, le juge conclut que le remboursement des honoraires et frais de défense peut être accordé au titre de mesures de réparation complémentaires lorsque le comportement de l’employeur, sans être nécessairement empreint de mauvaise foi, est néanmoins téméraire et que sa décision résulte d’une conduite malhabile. Il ajoute que le remboursement peut aussi prendre assise sur le fait que l’employeur a indûment allongé la durée des débats.
Ici, selon le juge, l’employeur a présenté une très longue preuve qui dépassait largement les seuls motifs initialement invoqués pour justifier le congédiement du salarié – les audiences pour recevoir la preuve et les arguments des parties ont duré six jours. Le débat qui a résulté de la nature de la preuve présentée par l’employeur et à laquelle le salarié a dû répondre justifie le remboursement des honoraires et frais qu’il a supportés, afin de lui permettre d’être intégralement indemnisé pour les frais et dépenses causés par son congédiement et l’exercice de son recours.
Quoi retenir?
Ce type d’ordonnance est plus commun lors de l’exercice, par un employé œuvrant dans une entreprise sous juridiction fédérale, du recours prévu à l’art. 240 du Code canadien du travail. En effet, considérant que la CNESST offre les services d’un procureur au salarié lorsqu’elle estime que son recours aux termes de l’art. 124 LNT est bien fondé à première vue, il n’est pas nécessaire pour un salarié de réclamer de tels remboursements. Par ailleurs, lorsque de tels frais sont effectivement réclamés par un salarié représenté par un procureur privé, la CRT (maintenant la division des relations du travail du TAT) a fixé des barèmes de 1 500 $ par journée d’audience, en plus d’une journée de préparation pour chacune d’elles.
Il sera intéressant de voir si cette décision s’inscrit dans une nouvelle tendance décisionnelle au TAT. Si tel est le cas, cela pourra inciter plus de salariés exerçant un recours en vertu de l’art. 124 LNT à choisir d’être représentés par des procureurs de leur choix plutôt que par ceux de la CNESST. Dans certaines circonstances, ils pourront réclamer avec succès d’être remboursés pour les frais engagés en conséquence de ce choix. Les indemnités que devront payer les employeurs dans ces cas s’en trouveront indéniablement augmentées.
Note
1 Blanchette et Corporation de la Salle Albert-Rousseau inc., 2017 QCTAT 2737