L’hydrogène est le premier élément chimique du tableau périodique, l’élément le plus abondant et le plus léger de l’Univers.
Les chercheurs et savants s’intéressent à l’hydrogène depuis des siècles, que ce soit pour sa production ou pour son utilisation en tant que source d’énergie. Comment, alors, expliquer sa soudaine popularité?
Nous expliquerons dans le présent texte les attributs pouvant permettre à l’hydrogène d’occuper une place de choix dans les sources d’énergie d’avenir, mais également les défis auxquels il devra faire face pour y arriver.
Propre, l’hydrogène?
Production
En tant que carburant, l’hydrogène est une source d’énergie propre : la combustion de l’hydrogène ne génère aucun CO2, que de la vapeur d’eau!
Cependant, certains procédés de production d’hydrogène génèrent des émissions importantes.
La production d’hydrogène par la réforme du gaz naturel ou la gazéification d’hydrocarbures comme le charbon est une source importante d’émissions de carbone. L’hydrogène issu de cette production est d’ailleurs qualifié d’hydrogène gris. D’autres procédés permettent la capture de ce carbone, permettant ainsi de produire de l’hydrogène plus « propre », que l’on qualifie d’hydrogène bleu. De récentes innovations technologiques permettent aussi de produire de l’hydrogène vert, soit de l’hydrogène produit à partir de l’électrolyse de l’eau en utilisant une source d’énergie renouvelable.
Le processus d’électrolyse de l’eau est assez simple : la molécule d’eau (H2O), soumise à un courant électrique au travers de deux électrodes, se dissocie en oxygène (O) et dihydrogène (H2) gazeux.
L’utilisation d’une source d’énergie renouvelable afin d’alimenter l’électrolyseur assure un production « verte ». L’engouement actuel pour l’hydrogène est en fait un engouement pour l’hydrogène vert. Or, moins de 2 % de l’hydrogène produit mondialement est vert.
Transport et stockage
Pour des applications et une consommation éloignées de son site de production, l’hydrogène doit donc être comprimé ou liquéfié (en utilisant de l’électricité), ce qui rend le stockage et le transport sur de longues distances complexes et coûteux. Le transport se fait généralement sous quatre formes : l’hydrogène compressé, l’ammoniac, les liquides organiques porteurs d’hydrogène (liquid organic hydrogen carriers, ou LOHC), tels que le naphtalène ou le benzène, et l’hydrogène liquéfié. Selon sa forme, l’hydrogène sera transporté par citerne (camion, navire et train), par gazoduc ou en bouteille. L’infrastructure existante du réseau de gazoducs de gaz naturel peut également être utilisée pour transporter l’hydrogène en le mélangeant au gaz naturel.
Les opérations de compression et de liquéfaction requises pour le transport et le stockage de l’hydrogène sont énergivores et consomment respectivement 15 % et 35 % de l’énergie contenue au départ. L’énergie requise pour mener ces opérations (laquelle énergie peut provenir de sources non renouvelables) peut ainsi avoir un impact négatif sur l’indice carbone total de l’hydrogène sur son cycle de vie.
En somme, l’hydrogène peut être produit, transporté et stocké de manière responsable en termes d’émissions de carbone, dans la mesure où l’électricité utilisée au cours de ces trois étapes est renouvelable.
Utilisation
Transport routier : Les véhicules à hydrogène constituent une solution pour la décarbonisation du transport routier (autobus, voitures et camions). Leur temps de ravitaillement court et leur poids réduit, lesquels sont inférieurs à ceux des véhicules électriques à batterie, les rendent particulièrement utiles pour le transport lourd et sur de longues distances. Le Japon, les États-Unis, l’UE et la Corée du Sud sont en tête du parc actuel de véhicules à hydrogène, mais de nombreux autres pays emboîteront le pas sous peu. Au Québec, dans le cadre du Plan pour une économie verte 2030 du gouvernement Legault, celui-ci a annoncé en novembre dernier la mise en place d’une interdiction de vente de véhicules neufs à essence dès 2035. Cette mesure devrait accélérer l’implantation de véhicules électriques à pile à combustible. Il est à noter que plusieurs manufacturiers automobiles ont lancé ou annoncé l’arrivée prochaine de tels véhicules.
Trains – bateaux : L’hydrogène peut être utilisé afin de propulser trains et bateaux. Les trains à hydrogène peuvent être alimentés en moins de 20 minutes, fonctionner jusqu’à 18 heures sans ravitaillement et parcourir jusqu’à 1 000 km à une vitesse maximale de 180 km/h.
Mixage : L’hydrogène vert peut être ajouté à d’autres carburants (diesel, gaz naturel, etc.), rendant par le fait même ceux-ci plus propres. Les propriétés distinctes de l’hydrogène nécessitent cependant des tuyaux de distribution en polyéthylène ou en polymères renforcés de fibres. Le mélange de l’hydrogène dans l’infrastructure gazière existante est actuellement testé dans plusieurs pays du monde. Jusqu’à 10 % d’hydrogène peut ainsi être ajouté au gaz naturel d’un pipeline sans en altérer les propriétés énergétiques.
Au Québec, Evolugen, filiale d’Énergie Brookfield, et Gazifère Inc., filiale d’Enbridge, ont annoncé la construction d’un électrolyseur dans la ville de Gatineau, à proximité des centrales hydroélectriques d’Evolugen. L’hydrogène vert produit sur ce site sera injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel de Gazifère. Quelques semaines plus tôt, Enerkem, Shell, Suncor et Proman annonçaient un projet d’usine de biocarburant à Varennes alimentée en hydrogène vert produit par Hydro-Québec.
Produits chimiques : L’hydrogène est au cœur d’un grand nombre de processus industriels chimiques, notamment le raffinage du pétrole et la production de fertilisant, d’ammoniac et de méthanol. L’utilisation d’hydrogène propre permet de réduire les émissions générées par ces processus.
Défis
Coût : L’hydrogène vert requiert que l’électrolyse de l’eau soit faite en utilisant de l’énergie renouvelable (éolienne, solaire, hydroélectrique, etc.). Malgré les coûts décroissants de production d’électricité renouvelable, ils demeurent trop élevés pour rendre la production d’hydrogène vert rentable sans soutien gouvernemental. La production d’hydrogène vert coûte de deux à sept fois plus cher que celle de l’hydrogène gris.
Faible densité : La faible densité de l’hydrogène rend son transport et son entreposage coûteux et énergivores.
Sécurité : Bien que l’hydrogène soit non toxique et qu’il se dissipe rapidement dans l’air, il demeure un gaz hautement inflammable, ce qui rend son transport, son stockage et sa manipulation une aventure coûteuse et complexe, nécessitant un équipement spécialisé.
Quels sont les enjeux réglementaires et juridiques liés au développement de l’hydrogène?
- Les promoteurs des projets voudront partager les risques associés à l’investissement dans un secteur naissant et les ententes de coentreprise et de partenariat devront bien encadrer les rôles et responsabilités des parties et limiter les risques inhérents aux projets et au marché.
- Ces projets d’envergure nécessitent une expertise pointue en matière de permis et d’approbations réglementaires et la mise en place de structures financières et fiscales complexes;
- Pour un déploiement et une adoption de l’hydrogène à faible empreinte carbone à large échelle, des mesures incitatives des gouvernements ou des services publics seront requises afin d’en accroître la demande et de catalyser les projets en devenir. Le gouvernement du Québec a d’ailleurs emboîté le pas dans le cadre du Plan pour une économie verte 2030, en annonçant en novembre 2020 des investissements de 15 M$ pour appuyer des projets d’innovation dans ce domaine. En décembre 2020, le gouvernement fédéral a quant à lui lancé la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, un cadre ambitieux visant à faciliter et à accroître la production et l’utilisation de carburants à faible teneur en carbone, dont l’hydrogène, afin d’atteindre la cible de zéro émission nette de carbone d’ici 2050.
- La réglementation devra être adaptée, notamment afin de :
- reconnaître l’hydrogène en tant que gaz naturel renouvelable;
- rendre la production d’hydrogène (tout comme celle des autres produits utilisant l’hydrogène comme intrant) admissible à des crédits compensatoires d’émissions de gaz à effet de serre;
- mieux encadrer le déploiement et l’utilisation sécuritaires de l’hydrogène en tant que carburant;
- tenir compte de l’indice carbone global de l’hydrogène dans les divers programmes visant à encourager son utilisation. L’impact carbone de l’hydrogène devra tenir compte de sa compression, de sa liquéfaction, de son transport et de son stockage, et non seulement de sa production.