Les entreprises canadiennes continuent d’être confrontées à des défis sans précédent dans le contexte de la propagation rapide de la COVID-19. Le 20 mars, le commissaire de la concurrence a fourni une certaine orientation aux entreprises, qui allait du maintien de l’application de la Loi sur la concurrence aux collaborations entre concurrents, dont nous avons fait un résumé dans une récente actualité juridique. En résumé, la déclaration indiquait que le cadre d’analyse préexistant du Bureau de la concurrence continuerait de s’appliquer : que les accords entre concurrents pour fixer les prix, attribuer des marchés ou restreindre la production feraient toujours l’objet de poursuites au criminel, mais que les autres accords entre concurrents sur des questions autres que les trois qui précèdent seraient uniquement interdits s’ils entraînaient, ou étaient susceptibles d’entraîner, une diminution importante ou un empêchement de la concurrence.
Cette orientation n’a pas répondu aux souhaits manifestés par bon nombre de gens, particulièrement en ce qui concerne les mesures prises par d’autres organismes antitrust ailleurs dans le monde afin de prévoir des exemptions en bloc (en anglais seulement) qui visent à permettre certaines collaborations ou d’accélérer l’examen (en anglais seulement) de collaborations proposées.
Le 8 avril 2020, le Bureau a émis une nouvelle orientation qui reconnaît que les entreprises peuvent devoir collaborer rapidement à court terme pour assurer l’approvisionnement de produits et services « essentiels » pendant la pandémie de COVID-19. Dans ces circonstances exceptionnelles, le Bureau a indiqué qu’il s’abstiendrait généralement d’exercer un contrôle « où il y a un impératif clair en faveur de la collaboration d’entreprises à court terme dans le cadre de la réponse à la crise et où les collaborations sont entreprises et effectuées de bonne foi sans dépasser ce qui est absolument nécessaire ».
Orientation informelle sur les collaborations proposées
Le Bureau a constitué une équipe dans le but d’évaluer et de formuler une orientation informelle à l’intention des entreprises qui veulent obtenir une certitude plus précise sur la question de savoir si le commissaire prendrait des mesures d’application de la loi relativement à des collaborations nécessaires pour répondre aux besoins urgents. Les entreprises qui veulent obtenir une orientation informelle doivent fournir certains renseignements concernant la collaboration proposée, soit les parties à celle-ci, son envergure et sa durée, une description détaillée de la façon dont la collaboration entend atteindre un « objectif clair relativement à l’intérêt public par rapport à la COVID-19 », une explication de la nécessité d’atteindre cet objectif et toute orientation demandée auprès des autres autorités.
L’orientation laisse des questions en suspens.
Le Bureau a fait savoir que son évaluation serait « rapide » et qu’il pourrait solliciter la rétroaction d’autres instances gouvernementales à tous les échelons, de parties prenantes et de personnes-ressources du marché en ce qui concerne la collaboration proposée. Toutefois, contrairement aux États Unis où la Federal Trade Commission et l’Antitrust Division du ministère de la Justice ont annoncé (en anglais seulement) qu’elles procéderaient aux évaluations des lettres d’examen des entreprises dans le domaine des soins de santé dans un délai de sept jours suivant la réception de tous les renseignements nécessaires, le Bureau n’a donné aucune précision quant au délai qu’il prendra pour effectuer ses évaluations, ce qui soulèvera sans aucun doute certaines préoccupations pour les entreprises qui envisagent de demander une orientation auprès du Bureau.
Le commissaire a également indiqué qu’il pourrait rendre l’orientation informelle publique. Bien que le Bureau puisse exiger des renseignements détaillés pour préparer son orientation, à ce moment-ci, on ne connaît pas les renseignements qui seront publiés par celui-ci. Par le passé, le Bureau a publié des résumés de ses avis écrits.
De plus, même si l’orientation informelle ne semble pas être contraignante, le commissaire peut exiger des conditions « afin de veiller à ce que l’incidence sur la concurrence soit limitée au strict nécessaire pour répondre aux besoins primordiaux en cette période d’urgence ». L’orientation informelle sera limitée à une période initiale et les parties pourront demander qu’elle soit prolongée. Fait important à noter, l’orientation ne protège pas les entreprises contre une éventuelle responsabilité civile.
Malgré cette flexibilité, le Bureau réitère l’importance d’appliquer la loi sur la concurrence pour assurer la disponibilité et l’abordabilité des biens et services essentiels pendant la pandémie de COVID-19 et rappelle qu’il n’aura « aucune tolérance envers toute tentative d’abuser de cette flexibilité » à l’égard des collaborations entre concurrents.
Pour être juste envers le commissaire et le Bureau, la Loi sur la concurrence ne prévoit pas d’exemptions en bloc comme c’est le cas dans les lois d’autres pays. Il se peut que des modifications législatives soient requises pour permettre un examen expéditif et prévoir une exemption pour certaines collaborations entre concurrents qui sont nécessaires afin de répondre à la crise de santé publique et à la crise économique que nous connaissons.
Les choses bougent très rapidement dans ce domaine. Les sociétés doivent continuer à se renseigner quant à leurs obligations en vertu de la Loi sur la concurrence lorsqu’elles envisagent une mesure entraînant la coopération avec des concurrents ou affectant autrement la concurrence.