Le 10 février, le président Donald Trump a signé un décret ordonnant au procureur général des États-Unis (procureur général) de suspendre les enquêtes et les mesures d’application prises en vertu de la loi américaine intitulée Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) pendant 180 jours, sous réserve des exceptions accordées par le procureur général1

Nos collègues américains ont présenté un aperçu du décret et de son impact potentiel. La présente publication en explique le contexte et certaines incidences pour les Canadiens soumis à la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE) qui peuvent également être soumis à la FCPA.


Historique – la FCPA mise en contexte

La FCPA a été promulguée en 1977 pour interdire la corruption de fonctionnaires étrangers et constitue la principale loi anticorruption aux États-Unis.

Les procureurs américains ont toujours interprété la FCPA largement. En 2021, l’administration Biden avait annoncé que la lutte contre la corruption était l’une des priorités phares des États-Unis en matière de sécurité nationale2. Au cours de cette période, le département de la Justice des États-Unis (département de la Justice) s’était également engagé à augmenter les ressources consacrées à l’application de la loi et à raffermir sa position à l’égard de la corruption et de la criminalité d’entreprise en général. 

La « pause » de 180 jours laisse croire que l’administration actuelle réévaluera ses priorités en matière d’application de la loi. Le président a signé le décret en raison des préoccupations exprimées au sujet de la FCPA « dont l’utilisation a été systématiquement, et l’est de plus en plus, poussée au-delà des limites appropriées et qui a été utilisée d’une manière qui nuit aux intérêts des États-Unis ».

Quelle est l’incidence juridique du décret?

Cette suspension de 180 jours oblige le procureur général à « examiner en détail » toutes les enquêtes et mesures d’application de la FCPA existantes, ainsi que les politiques et lignes directrices qui guident sa mise en œuvre et son application. La suspension en elle-même ne modifie pas la nature des obligations juridiques découlant de la FCPA : il est toujours interdit aux entreprises et aux particuliers de corrompre des fonctionnaires étrangers.

Quelle en est l’incidence pour les entreprises canadiennes?

Même si l’examen du procureur général pourrait modifier la façon dont la FCPA est administrée, cela ne signifie pas que la loi n’est plus applicable ni qu’elle réduit les risques en matière de corruption auxquels font face les sociétés et les institutions financières canadiennes.

Les risques en matière d’application de la FCPA demeurent

Bien que les enquêtes en cours soient suspendues pendant que le département de la Justice passe en revue les actions passées et en cours et attend les orientations du procureur général sur les questions futures, la FCPA continue de s’appliquer et le procureur général peut toujours autoriser de nouvelles enquêtes pendant la suspension3. Le délai de prescription en vertu de la FCPA et d’autres lois fédérales visant la corruption étrangère est de cinq ans ou de six ans pour certaines infractions4.

De plus, pour l’instant, de multiples autorités de réglementation fédérales échappent au décret. En ce qui concerne les sociétés cotées aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission – qui n’est pas visée par le décret – a également le pouvoir d’appliquer la FCPA au civil.

Certains commentateurs ont prédit que le changement de priorités du département de la Justice pourrait accroître les risques en matière d’application de la loi pour les entreprises internationales exerçant certaines activités aux États-Unis. Toutefois, d’ici à ce que les lignes directrices révisées soient publiées, il est trop tôt pour faire de telles prédictions. Les dirigeants d’entreprise et les responsables de la conformité doivent continuer d’être vigilants afin de réduire au minimum le risque en matière de corruption à l’échelle mondiale, en gardant à l’esprit que la FCPA peut avoir une portée extraterritoriale assez étendue dans certaines circonstances.

L’application des lois anticorruption à l’échelle mondiale se poursuivra

La LCAPE demeure en vigueur pour sa part et, contrairement à la FCPA, les infractions en vertu de la LCAPE ne sont assujetties à aucun délai de prescription, à l’instar d’autres infractions criminelles au Canada.  

Même si les autorités américaines limitent l’application de la FCPA à court terme, la réalité est que la corruption étrangère est un problème mondial et que les autorités d’application de la loi non américaines – dont beaucoup travaillent en collaboration – continueront d’enquêter sur les infractions de corruption et d’en poursuivre les auteurs.  

Un certain nombre d’autres pays dans lesquels des entreprises canadiennes exercent des activités ont également leurs propres lois anticorruption. Par exemple, la Bribery Act du Royaume-Uni contient un « crochet juridictionnel » étendu et une infraction générale de « défaut de prévenir la corruption », qui a donné lieu à de nombreux accords de poursuite suspendue.

Points à retenir 

Le décret du président Trump ne devrait pas être interprété comme un signal pour les entreprises de diminuer leurs investissements dans les programmes de conformité ou d’assouplir leurs mécanismes de conformité. Au contraire, elles devraient demeurer vigilantes, tout en réexaminant leurs politiques de conformité afin de s’assurer que leurs processus de gestion des risques s’attaquent de façon efficace aux risques de comportement potentiellement criminel.

Les auteurs tiennent à remercier Madeline Heinke et Rachel McDonald, stagiaires, pour leur aide dans la préparation de la présente actualité juridique.




Personnes-ressources

Associé principal, chef canadien, Droit pénal des affaires, réglementation et enquêtes
Avocat-conseil
Associé
Associé
Avocate senior

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