Le terme « économie du travail à la demande » décrit le modèle d’affaires dans lequel les travailleurs s’appuient sur une plate-forme numérique pour être mis en relation avec des clients afin de fournir leurs services à contrat. Le nombre de travailleurs de l’économie du travail à la demande dans le monde augmente considérablement chaque année. Seulement au Royaume-Uni, environ cinq millions de personnes sont employées dans l’économie du travail à la demande, tandis qu’au Canada, les travailleurs à la demande représentent environ 8 à 10 % de la main-d’œuvre nationale. 

Dans tous les territoires, il est prévu que le nombre de ces travailleurs augmentera, en particulier dans le contexte économique actuel. Les acteurs de l’économie du travail à la demande ne répondent pas facilement aux paramètres des lois régissant la relation traditionnelle entre l’employé et l’employeur et, à l’échelle mondiale, les territoires ont eu du mal à déterminer leur statut d’emploi. Cet exposé traite de la situation des travailleurs de l’économie du travail à la demande dans différents territoires, ainsi que des faits nouveaux juridiques attendus à l’avenir.

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Questions clés  Commentaires et perspectives sur les éléments essentiels

Quel est l’état du droit quant à la situation actuelle des travailleurs à la demande ?

Au Canada, avant la pandémie, les travailleurs à la demande représentaient environ 8 à 10 % de la main‑d’œuvre nationale. Cependant, eu égard aux circonstances exceptionnelles de la dernière année, on suppose que ce chiffre a probablement augmenté. En raison de la pandémie de COVID‑19, certains facteurs stimulent maintenant l’économie du travail à la demande au Canada, notamment l’augmentation de la demande de livraison à domicile de produits et de biens, une dépendance accrue à l’égard de la technologie et de l’innovation et un intérêt croissant pour un travail rémunéré plus souple et plus facilement accessible. Malgré cette hausse apparente de popularité, le statut d’emploi des travailleurs à la demande au Canada est une question qui demeure nébuleuse et, dans une certaine mesure, controversée.

Au Canada, les travailleurs sont généralement classés soit comme des employés, soit comme des entrepreneurs indépendants. En termes généraux, ce qui distingue l’un de l’autre est l’étendue du contrôle qu’une organisation exerce sur le travailleur, associée au degré de dépendance de celui-ci envers l’organisation. Habituellement, les employés sont soumis à un degré de contrôle plus élevé et sont plus dépendants de l’organisation, tandis que, pour les entrepreneurs indépendants, c’est plutôt le contraire.

Au nombre des indices pouvant indiquer un degré de contrôle plus élevé, mentionnons la capacité d’une organisation de prendre des mesures disciplinaires, de fixer les heures de travail normales, de gérer les promotions et les augmentations de salaire et d’approuver les congés. En ce qui concerne la mesure du degré de dépendance d’une personne, les facteurs qui peuvent faire pencher la balance vers le « statut d’employé » peuvent comprendre la dépendance de la personne envers une organisation pour lui fournir les outils et l’équipement nécessaires au travail, favoriser la progression de sa carrière professionnelle et lui verser une rémunération essentielle à sa subsistance. En revanche, l’entrepreneur indépendant est généralement un travailleur qui fournit des services sur une base limitée ou temporaire, à son propre compte.

Enfin, la troisième catégorie de travailleurs recouvre le concept parfois insaisissable d’« entrepreneurs dépendants ». En général, les entrepreneurs dépendants au Canada se situent quelque part entre les employés et les entrepreneurs indépendants. Pour établir la distinction entre l’entrepreneur indépendant et l’entrepreneur dépendant, les décideurs ont accordé une attention particulière au degré de dépendance économique, à la vulnérabilité, au pouvoir de négociation, à l’exclusivité et à la permanence entre le travailleur et l’entité à laquelle il fournit des services. 

En examinant comment ces concepts s’appliquent – ou ne s’appliquent pas – aux travailleurs à la demande en particulier, il n’est pas étonnant qu’on soutienne parfois que ces travailleurs devraient être classés comme des entrepreneurs indépendants au regard de la loi. Toutefois, la jurisprudence récente semble de plus en plus encline à l’idée de considérer les travailleurs à la demande comme des entrepreneurs dépendants. Cette question revêt de l’importance, car dans certaines provinces, comme la Colombie‑Britannique, l’Alberta, l’Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador et pour les entreprises sous juridiction fédérale, les entrepreneurs dépendants ont le droit de se syndiquer en vertu des lois du travail, au même titre que les employés. En outre, selon le contrat, les entrepreneurs dépendants peuvent se voir reconnaître certains droits en cas de congédiement sans cause juste dans certaines juridictions, notamment en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. Lorsque de telles protections sont accordées aux travailleurs à la demande, les conséquences qui en résultent pour l’« employeur » peuvent être importantes.

Quelles sont les zones grises de la loi ?

La jurisprudence canadienne ne permet pas de dégager un consensus clair sur le statut des travailleurs à la demande. De même, les législateurs et les responsables de l’établissement des politiques fournissent peu d’orientations sur ce sujet, et pour l’instant, aucune législation nouvelle ou modifiée n’est prévue dans un avenir proche. D’ici là, la détermination du statut des travailleurs à la demande demeurera probablement un exercice fondé en très grande partie sur les faits et les circonstances particulières; par conséquent, les employeurs peuvent s’attendre à des litiges continus dans ce domaine.

Quelles sont les tendances à venir ?

L’apport important des travailleurs à la demande à l’économie canadienne est de plus en plus reconnu, surtout dans le contexte de la pandémie de COVID-19. C’est peut-être un des facteurs à l’origine des récentes tendances voulant que la relation contractuelle des travailleurs à la demande soit de plus en plus assimilée à celle d’un employé.

Bien que sur le plan législatif rien ne laisse présager des changements importants dans un avenir proche, on peut mentionner que le gouvernement fédéral a créé en février 2019 le comité d’experts sur les normes du travail fédérales modernes. Entre autres questions, ce comité a été chargé d’examiner la protection des travailleurs qui occupent des emplois atypiques, notamment les travailleurs à la demande. Dans son rapport, le comité s’est penché sur certaines questions liées aux conditions de travail dans lesquelles se retrouvent parfois les travailleurs à la demande. Le comité discute également du besoin exprimé et des avantages éventuels d’offrir des protections et des avantages plus importants pour les acteurs de l’économie du travail à la demande. La question de savoir si de telles initiatives finiront par constituer une base d’intervention gouvernementale future sera assurément suivie de près par les entreprises et les employeurs à l’avenir.

Nous remercions Emily Deraîche-Grossberg pour son aide et sa contribution à cet article.

 



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