Gardons en tête qu’il faut d’abord et avant tout consulter son bail commercial afin de déterminer quelle clause régit cette situation, notamment parce que le bail commercial ne prend pas fin simplement lorsque le locataire fait faillite. Ce sont plutôt les clauses du bail qui permettent au bailleur de le résilier. En vertu de telles clauses, un bailleur pourra peut-être bénéficier d’une priorité de rang pour recouvrer une partie de son loyer*.
*Il convient de noter que les solutions suggérées dans ce bulletin s’appliquent seulement dans le cas d’une faillite proprement dite, et non pas dans le contexte d’une proposition en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI) ou d’une restructuration en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Bien que la LFI soit une loi fédérale, la présente analyse vise son application au Québec.
À combien de mois de loyer le bailleur a-t-il droit?
En général, le bailleur a droit à trois mois d’arriérés de loyer.
Une fois le bail commercial résilié, le bailleur peut récupérer jusqu’à trois mois de loyer en fonction de l’ordre de collocation prévu dans la LFI . En fait, le bailleur occupe le sixième rang dans l’ordre de priorité de paiement et pourra donc être payé avant les créanciers ordinaires, mais seulement après les créanciers hypothécaires et les autres catégories de créances prioritaires prévues dans la loi, telles que les frais de funérailles et dépenses testamentaires raisonnables dans le cas d’un failli décédé.
La priorité accordée au bailleur ne vise que les montants qui peuvent être perçus à titre de « loyer » et exclut tout montant lié à tout dommage causé par le locataire (par exemple les frais de réparation).
Qu’arrive-t-il si le bail prévoit une clause de déchéance du terme?
En plus des trois mois d’arriérés de loyer, le bailleur peut obtenir trois mois de loyer par anticipation, c’est-à-dire de loyer à venir, pour un total de six mois de loyer.
L’obtention d’un tel montant additionnel n’est possible que lorsque cela est clairement prévu dans le bail commercial. Cette créance prioritaire figure également au sixième rang dans l’ordre de priorité de paiement prévu dans la LFI.
Il existe toutefois une limite. Le montant total reçu en priorité ne peut dépasser la somme réalisée par le syndic sur les biens du locataire se trouvant dans les lieux loués. En ce qui concerne le solde de sa réclamation prioritaire, soit le résidu des trois mois d’arriérés de loyer et trois mois de loyer par anticipation, le bailleur occupe le même rang que tout autre créancier ordinaire.
Qu’advient-il du dépôt de garantie remis ou du loyer prépayé par le locataire?
En principe, le bailleur ne peut pas conserver le dépôt de garantie remis par le locataire.
Le dépôt de garantie est remis par le locataire pour garantir l’exécution de ses obligations aux termes du bail, y compris le paiement de loyer par anticipation en cas de défaut. Habituellement, le dépôt est considéré comme une sûreté et peut être qualifié d’hypothèque mobilière avec dépossession, de sorte qu’il demeure la propriété du locataire. Généralement, un tel dépôt est remboursable à la fin du terme du bail et doit être renouvelé si le bailleur l’utilise pendant le terme afin de corriger un défaut du locataire. Cette somme doit être remise au syndic en cas d’insolvabilité du locataire si ce dernier a par ailleurs respecté ses obligations aux termes du bail avant sa faillite. Dans l’arrêt Ocean Drive , la Cour d’appel du Québec a conclu que, bien que le dépôt de garanti soit considéré comme une hypothèque mobilière avec dépossession, le bailleur ne pouvait revendiquer un statut de créancier garanti conformément à l’ordre de collocation prévu dans le Code civil du Québec, étant donné la primauté de la LFI, en tant que loi fédérale, sur le régime du droit provincial régissant le domaine des hypothèques. En conséquence, en cas de faillite d’un locataire, il faut tout simplement se soumettre aux montants et au rang prioritaire de collocation du bailleur prévus dans la LFI .
En revanche, le bailleur peut conserver le dépôt assimilé à un loyer payé d’avance.
À l’inverse du loyer par anticipation, le loyer prépayé est un montant payé d’avance qui devient la propriété absolue du bailleur au moment du paiement de cette somme par le locataire, généralement lors de la signature du bail. Une telle somme est qualifiée de loyer prépayé dans la mesure où le bail et les documents y afférents prévoient notamment que celle-ci n’est pas remboursable au locataire. Contrairement au dépôt qui sert à garantir l’exécution des obligations du locataire en cas de défaut, le loyer prépayé n’est pas remboursable et peut être appliqué par le bailleur, à son entière discrétion, au loyer impayé et/ou à tout autre défaut du locataire. Généralement, le bail prévoit que si le locataire respecte les modalités du bail et qu’il demeure dans les lieux loués jusqu’à la fin du terme, ledit loyer prépayé sera, le cas échéant, appliqué au loyer payable pour le dernier mois du bail. Comme cette somme appartient au bailleur, elle ne peut donc être réclamée par le syndic.
La question de savoir si la somme remise par le locataire doit être considérée comme un dépôt de garantie ou un loyer prépayé dépendra du libellé utilisé dans le bail ainsi que de l’intention des parties.
Si vous avez des questions ou si vous désirez avoir de plus amples renseignements au sujet de votre relation bailleur-locataire dans un tel contexte, nous vous invitons à en discuter avec votre avocat.