S’inscrivant dans la foulée des derniers budgets fédéraux, le budget 2022 comprend un certain nombre de mesures fiscales visant à appuyer les objectifs climatiques du Canada en offrant des incitatifs pour les investissements dans les technologies propres et le développement de telles technologies, tout en cherchant à limiter ou à éliminer certains incitatifs fiscaux précédemment accordés aux secteurs de l’énergie fossile, particulièrement pour les activités pétrolières, gazières et du charbon.
Crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone
Le budget 2022 propose un crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (crédit d’impôt pour le CUSC) dans l’intention déclarée de voir un effet positif sur l’environnement en encourageant l’investissement dans des technologies qui réduiraient les émissions de gaz à effet de serre. Le crédit d’impôt pour le CUSC s’appliquerait aux dépenses admissibles engagées à compter du 1er janvier 2022 et, fait plus important encore pour les contribuables, serait remboursable.
Bien que des détails importants sur ce crédit, la façon d’y être admissible et certaines exigences précises en matière « d’échange de connaissances » et de « divulgation des risques climatiques » seront donnés à une date ultérieure, le budget 2022 prévoit le cadre général ainsi que certains détails de base concernant les dépenses admissibles, les taux du crédit d’impôt et les exigences applicables aux projets qui sont prévus. Étant donné qu’il est proposé d’appliquer ces mesures avec prise d’effet le 1er janvier 2022, le moment de la publication de la législation et le processus gouvernemental en vue de l’approbation et de la gestion du crédit d’impôt pour le CUSC constituent des facteurs déterminants pour que les contribuables soient en mesure de profiter du programme en 2022.
Projets admissibles
Pour commencer, les dépenses applicables doivent faire partie d’un nouveau projet qui capte le CO2, prépare le CO2 capté à la compression, comprime et transporte le CO2 capté et le stocke ou l’utilise. Bien que le stockage puisse se faire à l’extérieur du Canada, le projet doit capter au Canada le CO2 qui serait autrement rejeté dans l’atmosphère ou capter le CO2 de l’air ambiant. Certains projets, dont les réductions d’émissions sont nécessaires aux fins de la conformité aux règlements sur la production d’électricité thermique au charbon et au gaz naturel, ne constituent pas des projets admissibles.
Bien que la façon de faire ne soit pas encore fixée, le budget 2022 prévoit que les projets dont les dépenses sont égales ou supérieures à 100 millions de dollars devront, et d’autres projets pourront, faire l’objet d’une évaluation fiscale initiale qui déterminerait les dépenses admissibles au crédit d’impôt pour le CUSC ainsi que le taux du crédit d’impôt qui devrait s’appliquer. À l’exigence de l’évaluation initiale du projet, s’ajoute celle de la vérification des dépenses par Ressources naturelles Canada après la fin de l’année d’imposition et avant la production des déclarations de revenus pour que le crédit d’impôt pour le CUSC puisse être remboursé au moment de la production.
Même s’il n’est pas décrit dans le budget 2022, le processus d’évaluation initiale pourrait être semblable au processus d’évaluation existant pour les frais liés aux énergies renouvelables et à l’économie d'énergie au Canada et à l’admissibilité des dépenses pour la déduction pour amortissement des catégories 43.1 et 43.2 de Ressources naturelles Canada et de l’Agence du revenu du Canada. Compte tenu de l’importance du capital en cause et du fait que le crédit d’impôt pour le CUSC est remboursable, on peut s’attendre à ce que le processus de validation soit extrêmement technique, exige que les contribuables répondent à des questions de suivi et requiert une vérification. De plus, lorsque les projets auront commencé à capter du CO2, ils seront évalués tous les cinq ans afin de déterminer si un recouvrement du crédit d’impôt pour le CUSC est justifié.
En plus de l’évaluation initiale du projet, deux autres exigences de documentation particulières s’ajoutent aux fins de l’admissibilité au crédit d’impôt pour le CUSC. Premièrement, les projets dont les dépenses sont supérieures à 250 millions de dollars seraient tenus de contribuer à l’échange public des connaissances au Canada. Deuxièmement, les contribuables seraient tenus de produire un rapport de divulgation financière sur le climat soulignant leur contribution à la réalisation des engagements du Canada dans le cadre de l’accord de Paris et de l’objectif de carboneutralité d’ici 2050.
Le projet doit présenter une « utilisation admissible » du CO2 capté et comprendre au départ le stockage géologique spécifique et le stockage dans le béton. Il est expressément prévu que la récupération assistée du pétrole ne serait pas admissible. Actuellement, le stockage géologique n’est permis qu’en Alberta et en Saskatchewan étant donné que ces provinces sont dotées des règlements nécessaires pour s’assurer que le CO2 est stocké en permanence tel qu’il est déterminé par Environnement et Changement climatique Canada. Le stockage de CO2 dans le béton doit être approuvé par Environnement et Changement climatique Canada et il doit être démontré qu’au moins 60 % du CO2 qui est injecté dans le béton est minéralisé et verrouillé dans le béton produit.
Mécanisme technique
Le mécanisme technique de la mesure s’articule autour de la création de deux nouvelles catégories aux fins de la déduction pour amortissement (DPA) et du crédit d’impôt pour le CUSC. Les montants admissibles au crédit d’impôt pour le CUSC ne seraient pas inclus dans les nouvelles catégories aux fins de la déduction pour amortissement. L’équipement faisant partie des catégories aux fins de la DPA comprendrait l’équipement servant uniquement à capter, à transporter, à stocker ou à utiliser le CO2 dans le cadre d’un projet de CUSC admissible. Les taux du crédit d’impôt pour le CUSC indiqués dans le budget 2022 varient entre 18,75 % et 60 %. Le taux le plus élevé vise les projets d’extraction directe dans l’air et varie par ailleurs en fonction de la nature des dépenses et du moment où celles-ci sont engagées.
La première catégorie aux fins de la DPA pour l’équipement de CUSC prévoira un taux de déduction pour amortissement de 8 % selon la méthode de l’amortissement dégressif et comprendra l’équipement qui capte uniquement du CO2 de même que l’équipement de transport et de stockage. La deuxième catégorie aux fins de la DPA prévoira un taux de déduction pour amortissement de 20 % selon la méthode de l’amortissement régressif et comprendra l’équipement nécessaire pour utiliser le CO2 dans le cadre d’une utilisation admissible.
Certaines dépenses sont expressément exclues, comme l’équipement requis pour la production d’hydrogène, le traitement du gaz naturel, l’injection de gaz acide ou qui n’appuie pas le CUSC, les études de faisabilité, les études de conception techniques initiales et les dépenses de fonctionnement. Les frais d’exploration et d’aménagement associés au stockage du CO2 ne seraient pas non plus admissibles au crédit d’impôt pour le CUSC, mais seraient ajoutés à deux autres nouvelles catégories aux fins de la DPA (assorties de taux de déduction de 100 % et de 30 %) pour les frais d’exploration incorporels et les frais d’aménagement associés au stockage du CO2.
Crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques
Le budget 2022 annonce l’intention du gouvernement fédéral de mettre en œuvre une « stratégie sur les minéraux critiques » afin « de garantir la place du Canada » dans les chaînes d’approvisionnement mondiales en minéraux critiques, c’est-à-dire les minéraux qui sont utilisés dans les technologies propres, les soins de santé, l’aérospatiale et l’informatique. Les minéraux critiques sont, par exemple, le lithium, le cobalt, les éléments des terres rares et le nickel.
En plus d’un certain nombre d’investissements directs visant à appuyer le développement des chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques au Canada, le budget 2022 annonce la création d’un nouveau « crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques » (CIEMC). Le CIEMC serait un crédit d’impôt de 30 % offert à certains investisseurs qui souscrivent des actions accréditives de sociétés minières qui se lancent dans l’exploration visant les minéraux critiques au Canada.
Le fonctionnement du CIEMC devrait être semblable au « crédit d’impôt pour l’exploration minière » existant (CIEM). Le CIEM, lancé en 2000, permet aux particuliers ayant souscrit des actions accréditives d’une société minière de réclamer un crédit d’impôt égal à 15 % des renonciations visant des actions accréditives qu’ils reçoivent relativement aux dépenses d’exploration minière déterminées effectuées par la société. Le CIEM bonifie les avantages fiscaux associés par ailleurs aux actions accréditives et permet souvent à une société minière de réaliser des investissements en capital plus importants dans le but de financer des travaux d’exploration. De fait, le CIEMC viendra doubler le CIEM lorsque des dépenses d’exploration sont effectuées et font l’objet de renonciations en faveur de souscripteurs d’actions privilégiées qui sont des particuliers à l’égard de minéraux critiques déterminés.
Les minéraux critiques déterminés qui seraient admissibles au CIEMC sont : le cuivre, le nickel, le lithium, le cobalt, le graphite, les éléments des terres rares, le scandium, le titane, le gallium, le vanadium, le tellure, le magnésium, le zinc, des métaux du groupe des platineux et l’uranium.
Pour que les renonciations aux dépenses d’exploration soient admissibles au CIEMC, il est indiqué dans le budget 2022 qu’un ingénieur ou un géoscientifique qualifié qui répond aux critères de « personne qualifiée » selon le Règlement 43-101 devra certifier que les dépenses auxquelles la société renoncera seront engagées dans le cadre de l’exploration visant les minéraux critiques déterminés. La forme que devra prendre cette attestation n’est pas claire à la lecture du budget 2022.
Le CIEMC s’appliquerait aux dépenses d’exploration admissibles auxquelles il est renoncé en vertu de conventions visant des actions accréditives conclues après le jour du budget et au plus tard le 31 mars 2027.
Incitatifs fiscaux pour les technologies propres – Thermopompes à air
Élargissement des catégories 43.1 et 43.2
Le budget 2022 annonce l’élargissement continu des catégories 43.1 et 43.2 aux fins de la DPA afin d’y inclure du matériel additionnel utilisé dans les technologies propres. Le budget 2022 annonce l’intention d’élargir les catégories 43.1 et 43.2 pour inclure le matériel qui fait partie d’un système de thermopompe à air, décrit dans le budget comme une solution de chauffage de rechange écoénergétique à zéro émission. Pour être admissible, le matériel doit être utilisé dans un système de thermopompe à air utilisé principalement pour chauffer des locaux (p. ex des immeubles) ou de l’eau et avoir été acquis ou être prêt à être mis en service à compter de la date du budget.
Les biens compris dans les catégories 43.1 ou 43.2 sont généralement admissibles à des taux d’amortissement de 30 % et de 50 % respectivement. Néanmoins, en vertu des règles annoncées en 2018, les biens de ces catégories qui deviennent prêts à être mis en service avant 2024 sont admissibles à un taux d’amortissement anticipé de 100 %, le taux anticipé étant réduit progressivement pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2023, mais avant 2028.
Réduction de taux pour les fabricants de systèmes de thermopompe à air
En plus de l’amortissement bonifié du matériel utilisé dans les systèmes de thermopompe à air, le budget 2022 annonce que les fabricants de systèmes de thermopompes à air seraient admissibles aux taux d’imposition réduits sur le revenu admissible de fabrication et de transformation de technologies à zéro émission annoncés dans le budget 2021. Les taux réduits sont de 7,5 % sur le revenu par ailleurs imposé au taux général d’imposition des sociétés et de 4,5 % sur le revenu par ailleurs imposé au taux d’imposition pour les petites entreprises après 2021, sous réserve d’une élimination progressive des taux réduits de 2029 à 2031.
Élimination des actions accréditives pour les activités pétrolières, gazières et du charbon
Le budget 2022 annonce l’intention d’éliminer le régime d’actions accréditives pour les dépenses engagées dans le cadre d’activités d’exploration et d’aménagement pétrolières, gazières et du charbon.
Tel qu’il est proposé, les sociétés ne pourront pas renoncer aux dépenses engagées dans le cadre d’activités d’exploration et d’aménagement pétrolières, gazières et du charbon en vertu de conventions visant des actions accréditives conclues après le 31 mars 2023. À noter que le budget 2022 ne propose aucun changement ou restriction à la capacité des sociétés d'engager de telles dépenses ou d’y renoncer en vertu de conventions visant des actions accréditives conclues au plus tard le 31 mars 2023.
Autres crédits d’impôt pour les technologies propres
En plus des propositions indiquées ci dessus, le budget 2022 annonce également l’intention d’établir un nouveau crédit d’impôt à l’investissement pouvant atteindre 30 % qui est axé sur les « technologies à zéro émission, les solutions d’entreposage par batteries et l’hydrogène propre ». Des détails sur ce nouveau crédit d’impôt seront donnés dans la mise à jour économique et budgétaire de l’automne 2022.
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