Les mises à pied temporaires peuvent constituer un aspect nécessaire de l’exploitation d’entreprises au Canada. Il se peut que les employeurs, confrontés à une pénurie de travail, doivent se séparer d’une partie de leur personnel à court terme de façon à contrôler les coûts et à préserver les emplois à long terme.
Si, dans certains secteurs, les mises à pied temporaires sont monnaie courante, elles sont rares dans d’autres. Elles peuvent être dues à des fluctuations cycliques de la demande ou des événements extraordinaires comme la pandémie de COVID-19. Quelle qu’en soit la raison, les employeurs doivent être au fait des lois applicables avant d’aller de l’avant. La présente actualité juridique passe en revue la législation régissant les mises à pied temporaires, notamment la réglementation en vigueur en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario et dans le secteur fédéral.
En quoi consiste une « mise à pied temporaire »?
Les lois sur les normes du travail des quatre coins du Canada prévoient des « mises à pied temporaires » qui permettent à un employeur de mettre à pied un employé pour une période limitée, habituellement sans rompre le lien d’emploi. L’employé n’a généralement pas droit à un salaire pendant la période de mise à pied. En effet, le lien d’emploi a été mis sur pause.
L’employeur peut rappeler l’employé au travail à tout moment avant la fin de la période de mise à pied prévue par la loi. Si l’employé est rappelé pendant cette période de mise à pied, alors, le lien d’emploi est généralement maintenu et, dans la plupart des territoires, aucune indemnité de fin d’emploi n’est exigible. En règle générale, si l’employé n’est pas rappelé pendant cette période, le lien d’emploi est réputé résilié et les indemnités de fin d’emploi (celles prévues par la loi, par la common law ou par contrat) peuvent être exigibles.
Les employeurs devraient savoir que les dispositions relatives aux mises à pied temporaires prévues par la loi peuvent, dans certaines circonstances, être remplacées par les modalités du contrat d’emploi ou de la convention collective. Plus particulièrement, si le contrat ou la convention comprend des modalités liées aux mises à pied qui prévoient un « droit ou un avantage supérieur » aux exigences minimales prévues par la loi, alors ce contrat ou cette convention prévaudra.
Pourquoi les employeurs devraient-ils envisager des mises à pied temporaires?
Les mises à pied temporaires peuvent répondre aux besoins opérationnels des employeurs pour différentes raisons, notamment parce qu’elles permettent de réduire les charges salariales tout en préservant, habituellement, le lien d’emploi. De plus, un employé mis à pied peut être admissible à l’assurance-emploi (AE), ce qui signifie que l’effectif de l’employeur peut être admissible à un revenu de remplacement en attendant de retourner au travail.
Quels sont les risques associés aux mises à pied temporaires?
Les mises à pied temporaires ne sont pas sans risque. En effet, bien qu’elles soient permises en vertu de la loi, les mises à pied sont généralement considérées comme des « congédiements déguisés » aux termes de la common law; les employés peuvent donc traiter une mise à pied comme une cessation de leur emploi. Dans ce cas, ils pourraient réclamer une indemnité de cessation d’emploi prévue par la loi, par contrat et/ou par la common law.
Toutefois, à l’extérieur du Québec, les tribunaux et les arbitres canadiens ont statué que les employeurs pouvaient procéder à des mises à pied si ces derniers et les employés avaient convenu de ce droit expressément ou implicitement dans les contrats d’emploi, les conventions collectives et les politiques en milieu de travail ou s’il s’agissait d’une pratique admise dans le secteur. Si cet accord explicite ou implicite existe, les employeurs peuvent donc procéder à des mises à pied dans le respect de la réglementation en vigueur sans déclencher de cessation d’emploi.
Les employeurs devraient aussi tenir compte de la législation relative aux licenciements collectifs dans les provinces où ils exercent des activités, puisqu’elle peut s’appliquer passé un certain nombre de mises à pied dans un délai précis (qui varie d’une province à l’autre).
Que faire avant de procéder à des mises à pied temporaires?
Avant de procéder à des mises à pied temporaires, les employeurs devraient :
- s’assurer qu’ils ont contractuellement le droit de mettre à pied des employés;
- s’assurer que les mises à pied prévues respectent la réglementation pertinente.
Les tableaux ci-dessous présentent certaines des principales règles relatives aux mises à pied qui s’appliquent aux employeurs sous réglementation provinciale en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique ainsi qu’à ceux sous réglementation fédérale au Canada.
Pendant la pandémie de COVID-19, chacune de ces autorités a adopté des règles plus souples pour les mises à pied liées à la pandémie. Certaines les ont depuis abrogées. Celles qui les ont maintenues figurent dans le tableau ci dessous.
Principales dispositions : mises à pied en C.-B., en Alberta, en Ontario et au fédéral
Autorité |
À quel moment une mise à pied est-elle en vigueur? L’employeur est-il tenu de fournir un préavis? |
Quelle est la période de mise à pied maximale? |
Ontario |
Il n’existe aucune exigence prévue par la loi à respecter relativement aux préavis de mise à pied temporaire. Les employés sont réputés être mis à pied toute semaine pendant laquelle ils gagnent moins que la moitié de leur salaire normal pendant une semaine de travail normale.
Si les employés n’ont pas de « semaine de travail normale », il convient de s’appuyer sur le salaire moyen gagné au cours des 12 semaines précédant la période de mise à pied.
Les employés ne sont pas considérés comme étant mis à pied les semaines où ils ne travaillent pas, où ils font l’objet d’une suspension disciplinaire ou encore où ils ne peuvent pas travailler en raison d’une grève ou d’un lock-out.
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Jusqu’à 13 semaines au cours d’une période de 20 semaines consécutives
ou
Jusqu’à 35 semaines au cours d’une période de 52 semaines consécutives si seulement l’une des conditions prévues est respectée. Ces conditions comprennent (sans s’y limiter) :
- L’employeur continue d’effectuer des paiements importants à l’employé;
- l’employeur continue de verser sa contribution aux avantages sociaux ou au régime de retraite de l’employé pendant la période de mise à pied;
- l’employé touche des prestations complémentaires d’assurance-emploi;
- pour les employés non syndiqués, l’employeur rappelle l’employé au travail dans les délais énoncés dans une entente conclue avec l’employé;
ou
Plus de 35 semaines au cours d’une période de 52 semaines pour les employés syndiqués, si l’employeur rappelle l’employé dans les délais énoncés dans une entente conclue avec le syndicat.
Entre le 1er mars 2020 et le 30 juillet 2022, toute diminution ou suppression des heures de travail d’un employé non syndiqué pour des raisons liées à la COVID-19 n’est pas considérée comme une mise à pied temporaire mais est traitée comme un « congé spécial pour situation d’urgence déclarée et situation d’urgence liée à une maladie infectieuse » d’une durée indéterminée.
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Autorité |
À quel moment une mise à pied est-elle en vigueur? L’employeur est-il tenu de fournir un préavis? |
Quelle est la période de mise à pied maximale? |
Colombie-Britannique |
Il n’existe aucune exigence prévue par la loi à respecter relativement aux préavis de mise à pied temporaire. Les employés sont réputés être mis à pied toute semaine pendant laquelle ils gagnent moins que la moitié de leur salaire normal pendant une semaine de travail normale (selon la moyenne des 8 semaines précédentes).
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Jusqu’à 13 semaines de mise à pied au cours d’une période de 20 semaines consécutives, ou, pour un employé qui a le droit d’être rappelé aux termes d’une convention collective, dans le délai prévu dans la convention collective aux termes de laquelle l’employé a le droit d’être rappelé.
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Autorité |
À quel moment une mise à pied est-elle en vigueur? L’employeur est-il tenu de fournir un préavis? |
Quelle est la période de mise à pied maximale? |
Alberta |
Pour éviter une cessation d’emploi, les employeurs doivent fournir à leurs employés un préavis de mise à pied écrit qui :
- stipule qu’il s’agit d’un préavis de mise à pied temporaire;
- indique la date de début de la mise à pied;
- comprend une copie des articles 62, 63 et 64 de l’Employment Standards Code de l’Alberta;
- comprend tout autre renseignement requis par la réglementation.
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De façon générale, 90 jours au cours d’une période de 120 jours.
Cependant, cette période peut être prolongée si :
- l’employeur, avec l’accord de l’employé, i) verse à ce dernier un salaire ou un montant à la place du salaire, ou ii) fait des paiements au profit de l’employé mis à pied en conformité avec un régime de retraite, un régime d’assurance pour les employés ou un régime semblable.
- une convention collective liant l’employeur et l’employé prévoit des droits de rappel pour les employés.
Si un employé est mis à pied pour des raisons liées à la COVID-19, la période de mise à pied maximale est de 90 jours au cours d’une période de 180 jours. Cette période de mise à pied prolongée s’appliquera jusqu’à son abrogation par le gouvernement albertain.
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Autorité |
À quel moment une mise à pied est-elle en vigueur? L’employeur est-il tenu de fournir un préavis? |
Quelle est la période de mise à pied maximale? |
Fédérale |
Aucun préavis de mise à pied temporaire n’est généralement exigé
Cependant, un préavis à l’employé est exigé pour les mises à pied temporaires dépassant 3 mois, si l’employeur rappelle l’employé dans les 6 mois suivant le premier jour de la mise à pied. Dans ce cas, la date de rappel doit être incluse dans l’avis envoyé aux employés.
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En règle générale, 3 mois ou moins.
Cependant, la durée de la mise à pied peut dépasser 3 mois si l’une des conditions suivantes est remplie :
a) elle découle d’une grève ou d’un lockout;
b) elle est d’une durée égale ou inférieure à 12 mois et est obligatoire à cause d’une garantie de durée de travail minimale prévue par la convention collective;
c) l’employeur fournit à l’employé un préavis de mise à pied, l’avertit qu’il sera rappelé au travail à une date déterminée ou dans un délai déterminé qui ne doit pas dépasser 6 mois à compter de la date de la mise à pied et rappelle effectivement l’employé à son travail dans ce délai;
d) la durée de la mise à pied est de plus de 3 mois et que :
- l’employé continue de recevoir des paiements dont le montant a fait l’objet d’un accord avec l’employeur;
- l’employeur continue de cotiser aux régimes de retraite, d’assurance pour les employés ou d’assurance collective;
- l’employé touche des prestations supplémentaires d’assurance-emploi;
- l’employé aurait droit à des prestations supplémentaires d’assurance-emploi mais il est exclu du bénéfice de ces prestations sous le régime de la Loi sur l’assurance-emploi;
e) elle est de plus de 3 mois mais moins de 12 mois et que l’employé maintient des droits de rappel en vertu d’une convention collective.
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La législation en matière de mise à pied est spécifique à chaque autorité au Canada. Il existe d’autres modalités liées aux mises à pied en plus de celles qui ont été abordées ci-dessus, comme les procédures de rappel au travail des employés. Pour s’assurer que les mises à pied sont correctement effectuées, les employeurs devraient consulter un conseiller juridique ou une conseillère juridique en droit de l’emploi et du travail au fait de la législation du territoire dans lequel les mises à pied sont effectuées.