À l’approche de l’entrée en vigueur de la nouvelle législation canadienne sur l’esclavage moderne, les entreprises et les organisations non constituées en personne morale devraient chercher à établir si elles répondent à la définition d’une entité visée et si elles devront, de ce fait, se conformer à la législation. Le cas échéant, elles devraient tenir compte des dates de dépôt et de publication des rapports et songer aux mesures à prendre en 2023 en prévision du dépôt en 2024 du rapport exigé.


L’entrée en vigueur de la loi canadienne intitulée Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (Loi) est attendue le 1er janvier 2024. De façon générale, la Loi impose aux entités visées l’obligation de faire rapport sur, entre autres, les mesures qu’elles ont prises au cours du dernier exercice écoulé pour prévenir et atténuer le risque qu’elles aient recours au travail des enfants ou au travail forcé ou qu’il y soit fait recours dans leurs chaînes d’approvisionnement. Pour un survol plus détaillé de la Loi et des exigences en matière de rapport, veuillez consulter notre bulletin publié antérieurement ici.

Les premiers rapports qui devront être déposés conformément à la Loi devront l’être au plus tard le 31 mai 2024, mais certaines entités de régime fédéral seront tenues de publier leur rapport aux actionnaires avant cette date. Vu la proximité de ces dates butoirs, les entités qui n’ont pas encore cerné leurs obligations en matière de conformité ont intérêt à examiner la pertinence de ce qui suit :

  • si la Loi s’applique à elles et/ou aux membres de leurs groupes respectifs (y compris les sociétés étrangères affiliées faisant des affaires au Canada ou détenant une participation dans des filiales canadiennes);
  • les dates de dépôt et de publication applicables;
  • les mesures qu’elles doivent prendre en 2023 en prévision de la préparation et du dépôt d’un rapport en 2024 (notamment une évaluation des risques liés à leurs chaînes d’approvisionnement).

Mon organisation est-elle visée par cette législation?

En plus de viser certaines entités gouvernementales, la Loi s’applique aux personnes morales, aux fiducies, aux sociétés de personnes et aux autres organisations non constituées en personne morale qui 1) sont inscrites à une bourse de valeurs canadienne ou remplissent certaines conditions du fait qu’elles ont un lien avec le Canada ou respectent certains critères financiers et 2) participent à la fabrication, à la production, à la culture, à l’extraction, au traitement, à la vente ou à la distribution de marchandises, au Canada ou ailleurs, ou importent des marchandises au Canada.

Si l’entité n’est pas inscrite à une bourse de valeurs canadienne, la Loi ne s’appliquera que si l’entité 1) exerce des activités, possède des actifs ou compte un établissement au Canada et 2) remplit au moins deux des conditions financières suivantes pour au moins un de ses deux derniers exercices : elle possède des actifs d’une valeur d’au moins 20 M$, elle a généré des revenus d’au moins 40 M$ et/ou elle emploie en moyenne au moins 250 employés.

Les entités exerçant un contrôle sur une entité visée sont également assujetties à la Loi, ce qui pourrait avoir des conséquences extraterritoriales. À titre illustratif, une entité américaine dont la filiale canadienne est une entité visée pourrait elle-même tomber sous le coup de la Loi.

Il convient de souligner que le libellé de la Loi a une portée très large, que plusieurs termes qui y figurent (comme « marchandises », « importation » et « distribution ») n’y sont pas définis et que le gouvernement tarde toujours à publier un règlement d’application ou des lignes directrices.

Points à retenir : compte tenu de la large portée de la Loi, les organisations (y compris les fournisseurs de services) ont intérêt à examiner attentivement les critères afin d’établir si elles sont, au bout du compte, visées par la législation.

Quelle est la date limite pour se conformer?

Les entités visées ont jusqu’au 31 mai chaque année pour déposer un rapport auprès du gouvernement fédéral, le premier rapport devant être déposé le 31 mai 2024. Elles doivent par ailleurs publier parallèlement leur rapport à un « endroit bien en vue » de leur site Web.

Les sociétés constituées sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) et d’autres entités de régime fédéral comme les banques ont, quant à elles, des obligations supplémentaires en matière de rapport. En plus de devoir soumettre le rapport au gouvernement, ces dernières sont également tenues de remettre une copie du rapport à leurs actionnaires, conjointement avec leurs états financiers annuels. Comme les sociétés ouvertes régies par la LCSA dont la fin d’exercice est le 31 décembre et les banques dont la fin d’exercice est le 31 octobre envoient habituellement leurs états financiers annuels avant le 31 mai, la date butoir pour soumettre leur rapport sera en réalité devancée en ce qui les concerne. 

Les sociétés ouvertes régies par la LCSA et d’autres entités de régime fédéral devraient également examiner les incidences de la réglementation en valeurs mobilières en lien avec leurs obligations de conformité à la Loi. Par exemple, comme ces dernières envoient le rapport sur l’esclavage moderne à leurs actionnaires, elles devront en déposer une copie sur SEDAR+.

Les rapports déposés en vertu de la Loi doivent être approuvés par le corps dirigeant de l’entité. Pour la plupart des entreprises, c’est donc au conseil d’administration qu’il appartient de les approuver. Il faudra tenir compte des normes de gouvernance à l’interne et des exigences relatives aux délais pour s’assurer que les administrateurs disposent du temps voulu pour examiner et approuver le rapport.

Points à retenir : Les sociétés régies par la LCSA, les banques et d’autres entités de régime fédéral qui sont visées par la législation devraient faire le nécessaire pour faire parvenir leur rapport sur l’esclavage moderne aux actionnaires et déposer celui-ci sur SEDAR+ en même temps que leurs états financiers annuels. Toutes les autres entités visées ont jusqu’au 31 mai 2024 pour préparer et déposer leur premier rapport, mais ne devraient pas négliger l’importance des délais vu les exigences relatives à l’approbation du conseil.

Quelles mesures les entités visées doivent-elles prendre dès maintenant?

Le rapport sur l’esclavage moderne doit inclure, entre autres, une description des mesures prises au cours du dernier exercice écoulé pour prévenir et atténuer le risque d’esclavage moderne dans les activités de l’entité ou dans sa chaîne d’approvisionnement. Par conséquent, les entités visées devraient déjà avoir entrepris des mesures en 2023 de manière à être en bonne position pour soumettre leur premier rapport sur l’esclavage moderne en 2024. La prochaine série de mesures détaillées dépendra de divers facteurs, dont les territoires dans lesquels les entités ont leurs chaînes d’approvisionnement, les produits ou les marchandises en cause et les structures de gouvernance, politiques et procédures déjà en place. Parmi les enjeux et les questions que devraient envisager les entités visées figurent les suivants : 

  • Structure et politiques en matière de gouvernance : Y a-t-il un comité du conseil d’administration et/ou un groupe de travail chargés de superviser l’atténuation des risques liés à l’esclavage moderne? L’entité a-t-elle mis en place des politiques appropriées et à jour comme une politique sur les droits de la personne, un code de conduite de l’entreprise, un code de conduite des fournisseurs, une politique d’embauche et/ou une politique de dénonciation? Des structures de gouvernance appropriées sont-elles en place pour établir et maintenir des contrôles et procédures adéquats de communication de l’information?
  • Évaluation des risques : Quels secteurs de l’entreprise et des chaînes d’approvisionnement comportent un risque d’esclavage moderne? 
  • Politiques et procédures d’approvisionnement : Y a-t-il une liste détaillée faisant état de tous les fournisseurs et des territoires dans lesquels ils exercent leurs activités? Des procédures appropriées de contrôle des fournisseurs et de vérification diligente en continu sont-elles en place? Y a-t-il lieu de faire appel à des tiers pour aider l’entité à évaluer les risques liés à la chaîne d’approvisionnement? Les contrats conclus avec les fournisseurs sont-ils assortis de dispositions appropriées en matière d’atténuation des risques?
  • Formation : Quelles mesures ont été mises en place pour sensibiliser le conseil d’administration, l’équipe de la haute direction, l’équipe responsable de l’approvisionnement et le personnel en général aux questions du travail forcé et du travail des enfants?
  • Structure organisationnelle : Y a-t-il des filiales et/ou d’autres entités dans la structure organisationnelle qui doivent également se conformer à la Loi? D’autres entités dans la structure organisationnelle peuvent remplir quant à elles les conditions à deux volets décrites ci-dessus en matière de conformité et ainsi être tenues de déposer un rapport sur l’esclavage moderne. Il convient de souligner que la Loi permet aux entités de déposer un rapport conjoint.

Points à retenir : D’après ce que nous avons observé dans d’autres territoires ayant adopté des lois semblables sur l’esclavage moderne, l’évaluation du risque lié à l’esclavage moderne au sein d’une organisation et dans sa chaîne d’approvisionnement ainsi que les mesures prises pour atténuer ce risque constituent un processus itératif qui saura évoluer et s’améliorer avec le temps. Les entités auraient tout intérêt à analyser les mesures qu’elles ont déjà prises, le cas échéant, et à réfléchir aux mesures pouvant s’ajouter en 2023 pour être mieux préparées en vue du dépôt de leur premier rapport en 2024.



Personnes-ressources

Associée, directrice principale, gestion du savoir et développement de la pratique
Associé principal, chef canadien, Gouvernance
Associée, cocheffe canadienne, Entreprises responsables et durabilité
Avocat-conseil en savoir
Associée

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