Le 7 juin 2023, le ministre des Finances du Québec, M. Eric Girard, a présenté à l’Assemblée nationale du Québec le projet de loi no 30 intitulé Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier1 (le « Projet de loi 30 »). Ce projet de loi fait suite à l’engagement de M. Girard, annoncé lors du dernier rendez-vous annuel de l’Autorité des marchés financiers (l’« AMF »), d’adopter une série de projets de loi omnibus qui moderniseraient le cadre réglementaire applicable au secteur financier québécois.
Le Projet de loi 30 s’inscrit dans cette lignée et propose notamment un resserrement important des dispositions encadrant le régime de distribution de produits d’assurance sans représentant. Nul doute que, si le projet de loi est adopté tel quel, ce resserrement aura une incidence importante sur la distribution de produits d’assurance par les concessionnaires automobiles ou les marchands de véhicules récréatifs au Québec.
En guise de rappel, en vertu du régime actuel de distribution sans représentant, un assureur peut offrir certains types de produits d’assurance par l’entremise d’un distributeur2 plutôt que par l’intermédiaire d’un représentant détenteur d’un certificat délivré par l’AMF. Parmi les produits d’assurance visés par ce régime réglementaire de distribution allégée, nous retrouvons notamment l’assurance de remplacement3, en matière d’assurance de dommages, et l’assurance sur la vie, la santé et la perte d’emploi d’un débiteur, en matière d’assurance de personnes. Par conséquent, le régime de distribution sans représentant permet notamment aux concessionnaires automobiles et aux marchands de véhicules récréatifs de distribuer ces deux types de produit d’assurance sans impliquer activement un représentant autorisé auprès de l’AMF.
Or, le Projet de loi 30 introduit deux modifications importantes à cet égard :
- Il propose d’exclure du régime de distribution sans représentant les produits d’assurance de remplacement, c’est-à-dire l’assurance de biens en vertu de laquelle l’assureur garantit le remplacement du véhicule assuré ou des pièces assurées4; et
- Il propose d’assujettir les contrats d’assurance sur la vie, la santé ou la perte d’emploi d’un débiteur au paiement d’une prime annuelle pour chaque année que dure le contrat.
À notre avis, il est clair que les modifications législatives proposées cadrent avec les signaux lancés par l’AMF dans les dernières années, celle-ci ayant déployé de nombreux avis, directives et règlements dans le but de rehausser les pratiques commerciales de ce créneau de marché. En effet, un rapport de l’AMF paru en juin 20205 illustre que malgré les interventions sous forme de travaux de surveillance, de sanctions, et de poursuites auprès des concessionnaires, les lacunes s’accroissent et les insatisfactions des consommateurs face à ce dérapage subsistent toujours. Le Projet de loi 30 semble donc s’inscrire comme une reconnaissance législative du fait que les difficultés cernées par l’AMF au sein de ce créneau de distribution subsistent toujours, et ce, malgré ses récentes tentatives visant à y remédier.
Il demeure à confirmer si les modifications proposées traverseront les différentes étapes du processus législatif ou si une solution législative plus nuancée à ces enjeux importants pourrait être retenue en collaboration avec les principaux assureurs actifs dans ce créneau et les associations de concessionnaires. À cet égard, nous pouvons espérer une réponse à la reprise des travaux parlementaires à l’automne prochain.
L’auteur souhaite remercier Ariadne Florez et Emile Letellier-Limoges, étudiants en droit, pour leur aide dans la préparation de ce bulletin.