Il est estimé que la pandémie a touché directement environ 2,2 millions d’employés en Ontario, dont environ 1,1 million d’employés qui ont perdu leurs emplois et 1,1 million d’autres qui ont été mis à pied temporairement ou ont vu leurs heures de travail réduites considérablement. Avec une augmentation fluctuante de cas de COVID-19 nouvellement confirmés en Ontario et des mesures d’urgence nécessitant la fermeture temporaire des entreprises non essentielles encore en vigueur, les employeurs ont examiné la façon de faire dans les mois à venir.

Le 29 mai 2020, l’Ontario a publié le Règlement de l’Ontario 228/20 : Congé spécial en raison d’une maladie infectieuse (Règlement), lequel apporte des changements majeurs qui touchent le congé spécial non payé avec protection de l’emploi (congé spécial en raison d’une maladie infectieuse), les mises à pied temporaires et les réclamations pour congédiement implicite en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE). D’entrée de jeu, notons que le Règlement ne s’applique pas aux employés qui sont représentés par un syndicat. Le Règlement énonce clairement qu’il s’applique aux employés ponctuels.

La présente Actualité juridique présente un aperçu aux employeurs de ce qu’ils doivent savoir à propos du Règlement et plus particulièrement de la façon dont il touche le droit à un congé spécial en vertu de la LNE, les mises à pied et les réclamations pour congédiement implicite en vertu de la LNE.

De quelle façon le Règlement touche-t-il le congé spécial prévu à la LNE (congé spécial en raison en raison de la maladie infectieuse COVID-19)?

Le Règlement prévoit un nouveau motif pour lequel les employés seront réputés en congé spécial non payé avec protection de l’emploi en vertu du sous-alinéa 50.1(1.1)(b)(vii) de la LNE. Plus particulièrement, le Règlement prévoit notamment que les employés non syndiqués sont désormais réputés être en congé spécial en raison d’une maladie infectieuse s’ils n’exerceront pas les fonctions de leur poste car leurs heures de travail sont temporairement réduites ou éliminées pour des motifs liés à la COVID-19 pendant la période de la COVID-19. 

Conditions d’admissibilité

Le texte suivant résume les conditions d’admissibilité qu’un employé doit remplir pour être considéré en congé spécial réputé (congé spécial en raison de la maladie infectieuse COVID-19). Pour que ce congé s’applique :

  • L’employé doit être non syndiqué : Lorsqu’un employé syndiqué fait face à la réduction ou à l’élimination d’heures de travail pour des raisons liées à la COVID-19, la convention collective demeure l’instrument applicable qui dicte les droits et les obligations entre l’employeur et les travailleurs syndiqués. 
  • Il doit y avoir une réduction ou une élimination temporaire des heures de travail : Le Règlement prévoit que pour qu’un employé soit réputé en congé, il doit y avoir une réduction ou une élimination des heures de travail et celle-ci doit être temporaire. Le Règlement prévoit des circonstances particulières dans lesquelles les heures peuvent être réputées « réduites » en vertu du Règlement. Pour déterminer si ces circonstances s’appliquent à une situation donnée, l’employeur prudent devrait obtenir l’avis d’un conseiller juridique.  
  • Les motifs doivent être liés à la COVID-19 : Le motif pour lequel l’employeur réduit ou élimine temporairement les heures de travail de l’employé doit découler de la COVID-19. 
  • L’employé ne doit pas exécuter les fonctions de son poste : Pour que ce congé s’applique, la réduction ou l’élimination temporaire par l’employeur des heures de travail de l’employé doit faire en sorte que l’employé n’exerce pas les fonctions de son poste à quelque moment que ce soit pendant la période de la COVID-19.
  • Uniquement pendant la période de la COVID-19 : Les employés admissibles sont réputés être en congé pour des raisons liées à la COVID-19 uniquement pendant la période de la COVID-19. En vertu du Règlement, la « période de la COVID-19 » désigne la période qui commence le 1er mars 2020 et se termine à la date qui tombe six semaines après le jour où la situation d’urgence déclarée le 17 mars 2020 conformément à l’article 7.0.1 de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence prend fin ou est rejetée

Autres exigences

L’ensemble des exigences et des interdictions en vertu de la LNE qui s’appliquent à des congés protégés par la LNE s’appliquent aussi ici, sous réserve des exceptions suivantes :

  • Aucun préavis requis. Par conséquent, les employeurs ne peuvent imposer des mesures disciplinaires si l’employé ne donne pas de préavis avant ou après le début du congé. 
  • Cotisations de l’employé aux régimes d’avantages sociaux : Les employés qui ne versaient pas de cotisations aux régime d’avantages sociaux en date du 29 mai 2020 ne sont pas tenus de continuer de participer à ces régimes pendant la période de la COVID-19.
  • Cotisations de l’employeur aux régimes d’avantages sociaux : Les employeurs qui, en date du 29 mai 2020, ne versaient pas de cotisations à un régime d’avantages sociaux ne sont pas tenus de le faire pendant la période de la COVID-19.
  • Les versements ou les avantages que l’employé a reçus de l’employeur entre le 1er mars 2020 et le 29 mai 2020 ne sont pas touchés.

Exceptions

Le Règlement prévoit que si l’une de ces exceptions s’applique, les employées ne seront pas considérés être en congé spécial en raison d’une maladie infectieuse (congé spécial en raison de la maladie infectieuse COVID-19) car l’employeur a réduit ou éliminé temporairement leurs heures de travail :

  • À compter du 1er mars 2020, l’employeur i) licencie l’employé ou met fin à son emploi ou autrement refuse ou est incapable de continuer à employer l’employé; ii) met fin à la relation d’emploi en mettant à pied l’employé en raison de l’interruption permanente de l’ensemble des activités de l’employeur à un établissement; iii) ou met fin à l’emploi de l’employé en donnant à l’employé le préavis de licenciement requis conformément à la LNE et l’employé donne à l’employeur un préavis de démission de deux semaines, qui entre en vigueur pendant le délai de préavis prévu par la loi; ou
  • Avant le 29 mai 2020, l’employeur i) a licencié l’employé ou a mis fin à son emploi en le licenciant implicitement; ii) a licencié l’employé en le mettant à pied pendant une période de temps plus longue que celle qui est permise en vertu de la LNE; ou iii) a mis fin à l’emploi de l’employé en mettant à pied l’employé pendant 35 semaines ou plus au cours de toute période de 52 semaines consécutives.

De plus, le Règlement indique que, pendant la période de la COVID-19, un employé admissible qui a reçu un préavis écrit de licenciement individuel (et, le cas échéant, collectif) conformément à la LNE ne sera pas ou ne sera plus considéré comme étant en congé spécial en raison d’une maladie infectieuse sauf si l’employeur et l’employé conviennent de retirer le préavis de licenciement. 

De quelle façon le Règlement touche-t-il les mises à pied temporaires en Ontario?

Normalement, en Ontario, les mises à pied temporaires sont permises pendant au plus 13 semaines au cours d’une période de 20 semaines consécutives ou pendant au plus 35 semaines au cours d’une période de 52 semaines consécutives, si certaines conditions sont remplies. Dans le cours normal des choses, lorsqu’une mise à pied dépasse la durée permise par la loi, les employés de l’employeur sont réputés licenciés, sans motif valable. 

En pareil cas, la LNE exige que l’employeur fournisse à ses employés des indemnités de cessation d’emploi, ce qui comprend, en vertu de la LNE, un préavis de licenciement (ou une indemnité compensatrice de préavis), une indemnité de départ prévue par la loi et le maintien des avantages sociaux pendant la période de préavis. Selon le libellé du contrat d’emploi, si le licenciement d’un employé est régi par la common law, l’employé pourrait avoir droit à une période de préavis plus généreuse, qui pourrait dépasser de beaucoup les exigences minimales de préavis en vertu de la LNE. De plus, un employeur pourrait être assujetti aux exigences relatives au licenciement collectif, notamment des obligations particulières en matière de préavis (distinctes de celles qui régissent les préavis de licenciement individuel), s’il est mis fin à l’emploi de 50 employés ou plus à son établissement1  pendant une période de quatre semaines. 

En vertu du Règlement, les employés dont les heures de travail sont réduites ou éliminées ou dont le salaire est réduit, ne sont désormais plus considérés comme étant mis à pied temporairement aux termes des articles 56 (détermine ce qui constitue un licenciement) et 63 (détermine ce qui constitue une cessation d’emploi) de la LNE. Ainsi, certains des employés touchés pourraient ne plus avoir la possibilité d’être mis à pied temporairement pendant la période de la COVID-19. D’un point de vue pratique, pour les employés dont les heures de travail ont été réduites ou éliminées, le Règlement prévoira plutôt la protection de l’emploi de ces employés en les considérant en congé spécial (congé spécial en raison de la maladie infectieuse COVID-19) au cours de toute période de temps pendant la période de la COVID-19 s’ils remplissent les critères d’admissibilité au congé. Les employés dont le salaire a été réduit, mais dont les heures de travail n’ont pas été réduites ou éliminées, ne sont pas, en vertu du Règlement, réputés être en congé spécial en raison de la maladie infectieuse COVID-19. Sur le terrain, les employés dont le salaire a été réduit pourraient, par conséquent, continuer à travailler ou, dans la mesure du possible, envisager d’autres options pouvant s’offrir à eux.

De quelle façon le Règlement touche-t-il les questions de congédiement implicite aux termes de la LNE?

En vertu de la LNE, lorsqu’un employé est congédié implicitement et que, par conséquent, il démissionne de son emploi dans un délai raisonnable, l’employé peut être réputé licencié ou son emploi peut être réputé avoir pris fin sans motif valable. Par conséquent, les employeurs dans une telle situation peuvent être tenus responsables de fournir à l’employé une indemnité de cessation d’emploi. 

En outre, les cas de congédiement implicite non résolus pourraient mener à une plainte déposée auprès du ministère du Travail ou à des procédures judiciaires intentées devant la Cour supérieure. De nombreux employeurs ne savent que trop bien que les paiements et les litiges liés aux cessations d’emploi peuvent se révéler des exercices très coûteux. Pour cette raison, les employeurs forcés à envisager l’élimination ou la réduction des heures de travail des employés ou la réduction de leurs salaires l’ont fait avec une grande prudence, malgré l’incidence extrêmement négative de la pandémie sur les entreprises et l’industrie. 

Normalement, la réduction ou l’élimination significative des heures de travail ou la réduction significative des salaires pourrait être considérée un congédiement implicite aux fins de la LNE, même si les mesures de l’employeur à cet égard sont temporaires. De façon générale, le principe directeur en Ontario, par conséquent, limite la capacité de l’employeur de réduire le salaire d’un employé de plus de 10 % ou de réduire considérablement ou simplement éliminer les heures de travail d’un employé. 

Dans le contexte de la COVID-19, les employeurs qui affrontent la pandémie ont été forcés d’examiner la façon dont ces principes s’appliquent aujourd’hui. Le Règlement apporte maintenant aux employeurs une idée plus claire de ces questions. Plus particulièrement, en vertu du Règlement, la décision d’un employeur i) de réduire ou d’éliminer temporairement les heures de travail d’un employé pour des motifs liés à la COVID-19, ou ii) de réduire temporairement le salaire d’un employé pour des motifs liés à la COVID-19 ne sera pas considérée un congédiement implicite en vertu de la LNE si l’employé est congédié ou s’il est mis fin à son emploi à compter du 29 mai 2020. Bien que le Règlement n’en fasse pas mention, il est à noter que le ministère du Travail a indiqué que le Règlement ne vise pas à produire un effet sur les plaintes en common law pour congédiement implicite (ou congédiement injustifié) déposées en Cour supérieure ni ne s’applique à elles. 

Comme il est susmentionné, le Règlement définit les circonstances dans lesquelles les heures et les salaires sont « réduits ». 

En outre, toutes les plaintes déposées auprès du ministère du Travail alléguant que la décision d’un employeur de réduire ou d’éliminer temporairement les heures de travail d’un employé ou de réduire temporairement le salaire d’un employé constitue un congédiement ou une cessation d’emploi au motif que l’employé a été congédié implicitement seront réputées ne pas avoir été déposées si certaines conditions sont remplies. En ce qui concerne l’élimination ou la réduction des heures de travail, ces conditions sont les suivantes :

  • La réduction ou l’élimination temporaire des heures de travail ou la réduction temporaire du salaire doit avoir eu lieu pendant la période de la COVID-19;
  • La réduction ou l’élimination temporaire des heures de travail ou la réduction temporaire du salaire doit découler de motifs liés à la COVID-19; et
  • La plainte doit alléguer que l’employé a été congédié et, le cas échéant, l’emploi a pris fin en raison d’un congédiement implicite en vertu de la LNE à compter du 29 mai 2020. 

Les congédiements ou les cessations d’emploi découlant d’un congédiement implicite tels qu’’ils sont compris aux termes de la LNE qui surviennent avant le 29 mai 2020 demeurent assujettis aux règles par ailleurs normales de la LNE relatives aux indemnités de congédiement et de cessation d’emploi en cas de congédiements implicites. En d’autres termes, les employés qui font valoir qu’ils ont été congédiés implicitement avant le 29 mai 2020, au motif d’heures de travail réduites ou éliminées ou de salaires réduits et que, par conséquent, ont démissionné de leur emploi dans un délai raisonnable, pourraient avoir doit à des indemnités de congédiement et de cessation d’emploi auxquelles ils auraient droit normalement en vertu de la LNE. De même, les employés qui font valoir qu’ils ont fait l’objet d’un congédiement implicite pour un motif autre qu’une réduction ou une élimination temporaire des heures de travail ou une réduction temporaire du salaire liée à la COVID-19, pourraient avoir droit à des indemnités de congédiement et de cessation d’emploi, sans égard à la date de congédiement.

À retenir

Pour bon nombre d’employeurs, l’entrée en vigueur du Règlement est une bonne nouvelle. Plus particulièrement, les employeurs forcés à éliminer ou à réduire temporairement les heures de travail de leurs employés pourraient maintenant être en mesure de continuer à verser le salaire d’une grande partie de leur main-d’œuvre par le truchement du congé avec protection d’emploi pendant la période de la COVID-19. De même, les employés qui perdent leur emploi en raison de l’élimination ou de la réduction temporaire des heures de travail en raison de la COVID-19 pourraient maintenant être en mesure de conserver leur emploi en vertu d’un congé spécial prévu par la LNE (congé spécial en raison de la maladie infectieuse COVID-19).

Bien que le Règlement constitue une autorisation à accorder une dispense à un grand nombre d’employeurs à l’échelle de la province, à partir de maintenant, il y a des questions clés dont les employeurs pourraient ou devraient tenir compte. Plus particulièrement, les points suivants sont à examiner :

  • Bien que le Règlement accorde une dispense aux employeurs, il faudrait souligner que ces mesures sont temporaires et uniquement applicables jusqu’à la fin de la période de la COVID-19. 
  • Étant donné que le Règlement exclut les employés syndiqués, les employeurs seraient avisés d’envisager une approche face aux agents négociateurs pour assurer une entente significative pendant la période de la COVID-19.
  • Le Règlement ne vise pas à minimiser les expositions aux réclamations pour congédiement implicite en common law, y compris les cas où les heures de travail sont réduites ou éliminées ou les salaires, réduits, ce qui comprend toute réclamation pour congédiement implicite au motif d’une réduction ou d’une élimination des heures de travail ou d’une réduction de salaire. On peut s’attendre à ce que les litiges à cet égard continuent. 
  • À l’instar de l’ensemble des mesures temporaires liées à la COVID-19 mises en place par le gouvernement, ces mesures sont assujetties à de futures modifications. Nous vous tiendrons au courant des faits nouveaux à ce chapitre au fur et à mesure qu’ils sont rendus publics.

Notes

1   En vertu de la LNE, « établissement », relativement à un employeur, s’entend d’un emplacement où il exploite une entreprise, mais, s’il en exploite une à plus d’un emplacement, des emplacements distincts constituent un seul établissement si, selon le cas : a) ils sont situés dans la même municipalité; ou b) un ou plusieurs employés d’un emplacement ont des droits d’ancienneté qui s’étendent à l’autre emplacement en vertu d’un contrat de travail écrit selon lequel le ou les employés peuvent supplanter un autre employé du même employeur.



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