Le 1er juin 2023, les parlementaires du Québec ont adopté à l’unanimité le projet de loi no 19 visant notamment à interdire, sous réserve d’exceptions, le travail effectué par des enfants de moins de 14 ans et à encadrer le travail des enfants de 16 ans et moins assujettis à l’obligation de fréquentation scolaire.
Tel que nous l’écrivions dans une actualité juridique à la suite de la présentation du projet de loi no 19 à l’Assemblée nationale en mars dernier, l’objectif de ce projet de loi est de mieux encadrer le recours aux jeunes travailleurs, à la suite d’une hausse marquée des lésions professionnelles chez les jeunes et des répercussions sur leur réussite scolaire. Le projet de loi no 19 a été adopté presque intégralement, n’ayant subi qu’un amendement à la suite des consultations spéciales tenues par la Commission de l’économie et du travail en avril dernier.
Le présent billet a donc pour objet d’éclairer les employeurs sur les obligations qui leur incombent à la suite de la sanction de la Loi sur l’encadrement du travail des enfants.
L’interdiction du travail des jeunes de 14 ans et moins
L'âge minimal légal requis pour travailler au Québec est désormais fixé à 14 ans, sous réserve des exceptions prévues au Règlement sur les normes du travail (« Règlement »), soit :
- l’enfant qui travaille à titre de créateur ou d’interprète dans certains domaines artistiques;
- le gardien d’enfant et le livreur de journaux;
- l’enfant qui effectue de l’aide aux devoirs ou du tutorat;
- l’enfant qui travaille dans une entreprise familiale qui compte moins de 10 salariés lorsqu’il est l’enfant de l’employeur, du conjoint de l’employeur, ou d’un administrateur ou d’un associé lorsque l’employeur est une personne morale ou une société;
- l’enfant qui travaille dans un organisme à but non lucratif sportif ou à vocation sociale ou communautaire, tel qu’une colonie de vacances, un organisme de loisirs, un aide-moniteur, un assistant-entraîneur ou un marqueur;
- l’enfant qui est âgé de 12 ans et plus qui travaille dans une entreprise agricole qui compte moins de 10 salariés, lorsqu’il exécute des travaux manuels légers pour récolter des fruits ou des légumes, prendre soin des animaux ou préparer ou entretenir le sol.
Dans les trois derniers cas, les enfants doivent travailler, en tout temps, sous la supervision d’un adulte.
Le seul amendement apporté au projet de loi no 19 correspond à l’ajout de l’exception pour l’enfant de 12 ans et plus travaillant dans une entreprise agricole. Cet ajout est intervenu à la suite des représentations qui ont été effectuées par de nombreux producteurs agricoles lors des consultations spéciales tenues par la Commission de l’économie et du travail.
L’embauche de travailleurs de 14 ans et moins visés par une exception
Dans l’une ou l’autre des situations exceptionnelles prévues au Règlement, l’employeur doit obtenir une autorisation du titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur de l’enfant au moyen du formulaire établi par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST »).
L’employeur doit notamment inclure au formulaire une description des principales tâches effectuées par l’enfant, le nombre maximal d’heures de travail par semaine ainsi que ses périodes de disponibilité. Toute modification ultérieure apportée à ces éléments devra faire l’objet d’un nouveau consentement écrit du titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur de l’enfant. L’employeur a également l’obligation de conserver le formulaire à ses dossiers pendant une durée de 3 ans.
Les dates importantes à retenir
Le projet de loi no 19 a été adopté le 1er juin 2023. Ainsi, l’interdiction de faire travailler un enfant de moins de 14 ans s’applique à compter de cette date, sous réserve des exceptions décrites précédemment.
À partir du 1er juin 2023 :
- L’employeur d’un établissement qui a l’obligation d’identifier et d’analyser les risques pouvant toucher la santé et la sécurité des travailleurs doit, avec la participation du comité de santé et de sécurité, inclure ceux pouvant viser particulièrement la santé et la sécurité des travailleurs de 16 ans et moins.
- Le représentant et l’agent de liaison en santé et en sécurité faisant des recommandations au comité de santé et sécurité ou à l’employeur doivent y inclure celles concernant les risques pouvant viser particulièrement la santé et la sécurité des travailleurs de moins de 16 ans et celles concernant les tâches qu’ils ne devraient pas effectuer vu leurs conséquences potentielles sur leur développement physique et psychologique.
Au plus tard 30 jours suivant l’adoption de la loi :
- L’employeur qui emploie un enfant de moins de 14 ans visé par l’une des exceptions doit obtenir, du titulaire de l’autorité parentale, le formulaire de consentement de la CNESST.
- L’employeur qui a à son emploi un enfant de moins de 14 ans visé par l’interdiction de travailler et qui ne bénéficie pas d’une exception prévue par la loi doit mettre fin à son emploi et lui transmettre un avis écrit de :
- Une semaine, si l’enfant justifie de trois mois à moins d’un an de service continu;
- Deux semaines, s’il justifie d’un an à deux ans de service continu;
- Trois semaines, s’il justifie de deux ans ou plus de service continu.
L’employeur peut faire travailler l’enfant pendant la durée de cet avis ou lui verser une indemnité compensatrice équivalente à cette durée.
À compter du 1er septembre 2023 :
- Un employeur ne pourra plus faire travailler un enfant assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire1 plus de 17 heures par semaine et plus de 10 heures du lundi au vendredi.
Cette interdiction ne s’appliquera toutefois pas à toute période de plus de 7 jours consécutifs où aucun service éducatif n’est offert à l’enfant.
Des amendes pour les employeurs non conformes
À la lumière de ce qui précède, l’entrée en vigueur de la Loi sur l’encadrement du travail des enfants impose de nouvelles obligations aux employeurs dont certaines nécessitent l’action des employeurs d’ici le 1er juillet 2023. Ainsi, il est important pour les employeurs d’analyser leur situation afin de déterminer s’ils ont de jeunes travailleurs à l’emploi ou s’ils comptent en embaucher dans l’avenir.
À défaut de se conformer à ces nouvelles obligations, les employeurs sont passibles de sanctions financières importantes. En cas de première infraction, une amende de 600 $ à 6 000 $ est prévue, tandis qu'en cas de récidive, elle peut atteindre jusqu’à 12 000 $.
L’autrice désire remercier Emilie Murakami, étudiante en droit, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.