Le 20 février 2025, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publié le Régime au regard des normes de fonds propres et de liquidité visant les expositions sur crypto actifs (banques) – Ligne directrice1 (la ligne directrice applicable aux banques) ainsi que le Régime au regard des normes de capital visant les expositions sur crypto actifs (assurance) – Ligne directrice2 (la ligne directrice applicable aux assureurs, et avec la ligne directrice applicable aux banques, les lignes directrices). Les lignes directrices énoncent la façon dont certaines institutions financières fédérales (IFF) doivent traiter les expositions sur crypto actifs lorsqu’elles évaluent leur conformité aux exigences en matière de fonds propres réglementaires et de liquidité et prévoient des limites d’exposition et des obligations relatives aux avis.
Les lignes directrices tiennent ainsi compte du haut degré de volatilité de la valeur des crypto actifs et des répercussions de cette volatilité sur les fonds propres réglementaires. Les lignes directrices ont pour effet d’exclure l’exposition directe de la plupart des crypto actifs du calcul des fonds propres réglementaires
Cette actualité juridique donne un aperçu des principaux éléments des lignes directrices portant sur les expositions sur crypto actifs. Elle traite également des considérations sur les mesures et les systèmes de conformité appropriés dont les IFF doivent se doter afin de pouvoir continuer à respecter leurs obligations de fonds propres et de liquidité.
Portée des lignes directrices
Dans les lignes directrices, un « crypto actif » est défini comme étant un actif numérique privé – la représentation numérique d’une valeur qui peut servir à effectuer un paiement ou un investissement, ou à obtenir des biens ou des services – qui repose sur la cryptographie et une technologie de registre distribué ou une technologie similaire.
Le terme « exposition » comprend les éléments de bilan et hors bilan qui engendrent un risque de crédit, un risque de marché, un risque opérationnel et/ou un risque de liquidité. À la journée d’information sur la Publication trimestrielle du BSIF tenue le 6 mars 2025, le BSIF a souligné qu’il se pourrait que des IFF, qui détiennent des crypto actifs, n’aient pas d’exposition visée aux termes des lignes directrices si elles ne sont pas exposées à ces risques. Cela pourrait être le cas, par exemple, des IFF agissant en qualité de dépositaires de crypto actifs, sans être exposées à ces risques. De plus, le BSIF a précisé que, dans le cas d’absence d’exposition, les IFF déclareraient « zéro » dans le relevé pertinent que le BSIF rendra disponible en 2025.
Deux approches possibles pour le traitement des crypto actifs
Aux termes des lignes directrices, deux approches peuvent s’appliquer au traitement par les IFF des expositions sur crypto actifs. Selon l’approche simplifiée offerte aux IFF dont les expositions sur crypto actifs sont limitées, ces dernières doivent déduire toutes leurs expositions sur crypto actifs des fonds propres de catégorie 1 sous forme d’actions ordinaires. Par opposition, les IFF dont les expositions sur crypto actifs sont plus importantes doivent appliquer une approche globale davantage axée sur les risques et moins punitive qui classe les crypto actifs en quatre catégories selon leurs caractéristiques et profils de risque, comme il est expliqué plus en détail ci après. Il convient de noter que peu importe l’approche retenue, toutes les IFF doivent tenir compte du risque lié au rajustement de la valeur du crédit, du risque de crédit de contrepartie, du risque opérationnel, de l’effet de levier et du risque que présentent les expositions importantes.
Le tableau suivant décrit les quatre catégories de crypto-actifs présentées dans les lignes directrices et résume la façon dont chaque catégorie doit être traitée pour évaluer la conformité aux exigences réglementaires aux termes de l’approche globale :
Groupe |
Description |
Admissibilité |
Groupe 1a – Actifs traditionnels convertis en jetons |
Les crypto-actifs du groupe 1a sont des actifs traditionnels convertis en jetons répondant aux conditions de l’Annexe 1 des lignes directrices, par exemple une obligation sur la chaîne de blocs. |
Crypto‑actifs, selon l’approche générale prise par le BSIF, dont le traitement concorde avec celui des actifs traditionnels puisqu’ils présentent le même niveau de risque de crédit et de risque lié au marché. Ainsi, les actifs traditionnels convertis en jetons doivent essentiellement jouir des mêmes droits reconnus par la loi qu’un actif traditionnel, sans d’abord devoir être rachetés ou convertis.
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Groupe 1b – Crypto-actifs arrimés à une valeur |
Les crypto-actifs du groupe 1b sont arrimés à une valeur établie en fonction d’un mécanisme de stabilisation et de rachat, assortis d’un actif de référence et répondant aux conditions de l’Annexe 1 des lignes directrices, par exemple une cryptomonnaie stable.
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Crypto‑actifs, selon l’approche générale prise par le BSIF, dont le traitement concorde avec celui de l’actif de référence, à la condition que les exigences relatives au mécanisme de stabilisation et de rachat énoncées dans les lignes directrices soient remplies. Le BSIF a indiqué qu’en date du 6 mars 2025, la seule cryptomonnaie stable répondant à ces conditions était l’USDC. Pour plus d’information sur l’USDC, veuillez consulter notre bulletin précédent3 . |
Groupe 2a – Crypto-actifs admissibles à une couverture |
Les crypto-actifs du groupe 2a ne répondent pas aux conditions de l’Annexe 1 des lignes directrices, mais répondent aux critères de prise en compte de la couverture de l’Annexe 3 des lignes directrices. Le Bitcoin pourrait en être un exemple.
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Si les critères de prise en compte de la couverture sont remplis, certaines positions peuvent être compensées, y compris certaines détentions directes d’un crypto‑actif du groupe 2 au comptant et dérivés, fonds négociés en bourse (FNB) et billets négociés en bourse (BNB), sous réserve des conditions relatives aux bourses réglementées, aux contreparties centrales admissibles, à la capitalisation de marché et au volume de transactions quotidiennes de même qu’aux données suffisantes. Ainsi, les crypto‑actifs dotés d’une capitalisation de marché importante seraient visés.
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Groupe 2b – Autres crypto‑actifs |
Les crypto-actifs du groupe 2b regroupent tous les autres crypto‑actifs ainsi que les dérivés non couverts, les FNB et les BNB.
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Ces crypto-actifs doivent être déduits des fonds propres de catégorie 1. À noter que selon l’approche simplifiée, toutes les expositions sur crypto‑actifs sont réputées faire partie du groupe 2b. |
En plus de ce qui précède, pour pouvoir être classé dans le groupe 1a ou 1b aux termes de l’Annexe 1 de la ligne directrice, un crypto actif doit satisfaire à d’autres conditions relatives notamment aux droits et obligations juridiquement exécutoires, au caractère définitif du règlement, aux fonctions qui sous tendent le crypto actif et au réseau sur lequel il repose. Pour s’assurer que ces conditions sont remplies, l’IFF doit procéder à un examen juridique du dispositif et communiquer les résultats de cet examen au BSIF à la demande de ce dernier.
Le BSIF s’attend à ce que, aux termes de la ligne directrice applicable aux banques, l’approche adoptée pour le traitement des crypto actifs pour ce qui est des exigences de liquidité rende compte de l’absence relative de données historiques comparativement aux actifs traditionnels. Dans certains cas, les crypto actifs du groupe 1a pourraient être traités comme des actifs liquides de haute qualité comme aux termes des Normes de liquidité – Ligne directrice du BSIF4. De plus, les créances sur une banque converties en jetons du groupe 1a peuvent être traitées à titre d’instruments de financement non garantis dans certaines circonstances, tandis que les crypto actifs arrimés à une valeur du groupe 1b et autres cryptomonnaies stables (même sous le groupe 2) doivent être traités d’une manière semblable aux valeurs mobilières sous réserve du respect de certaines conditions.
Exigences en matière d’évaluation et d’avis
Les IFF qui décident de recourir à l’approche globale, ou qui changent ultérieurement d’approche, doivent en informer le BSIF. Les IFF qui décident de recourir à l’approche globale doivent vérifier régulièrement la classification de leurs expositions sur crypto actifs. L’information sous-jacente doit être consignée et communiquée au BSIF à la demande de ce dernier. Certains crypto actifs doivent faire l’objet de vérifications supplémentaires, par exemple les crypto actifs classés dans le groupe 1b qui doivent être soumis chaque trimestre à un examen de leur mécanisme de stabilisation, y compris des tests statistiques et autres.
En outre, les IFF doivent être dotées de politiques, de procédures et de ressources adéquates pour effectuer ces évaluations. L’Annexe 4 des lignes directrices, qui énonce des lignes directrices additionnelles en matière de gestion du risque, exige des IFF qu’elles établissent des politiques et procédures permettant d’évaluer et d’atténuer les risques. Le BSIF demande aux IFF d’effectuer au préalable une évaluation de toute exposition sur crypto actifs qu’elles envisagent et à l’informer, dans les meilleurs délais, de leurs politiques et procédures, des résultats de leurs évaluations ainsi que de leurs expositions. Dans le cadre de l’évaluation, les IFF doivent tenir compte des risques liés aux technologies, dont le risque lié au réseau et le risque lié au mécanisme de validation de même que l’accessibilité aux services, la fiabilité et la diversité des opérateurs et le cyberrisque général.
Les risques juridiques attribuables au caractère relativement nouveau des activités sur crypto actifs doivent également être envisagés, comme l’absence de normes comptables adéquates, le défi de prendre le contrôle des actifs détenus en garantie, les obligations d’information et les exigences en matière de protection des consommateurs ainsi que les règles sur la lutte contre le blanchiment d’argent.
Limites d’exposition applicables aux crypto actifs
Les lignes directrices fixent deux limites d’exposition applicables aux crypto actifs qui visent la détention directe et indirecte de crypto actifs. En règle générale, l’exposition brute totale d’une IFF sur des crypto actifs du groupe 2a et du groupe 2b ne doit pas dépasser 1 % – et ne peut être supérieure à 2 % – de ses fonds propres nets de catégorie 1.
Le BSIF souhaite que les IFF prennent des dispositions pour garantir le respect des limites d’exposition énoncées dans les lignes directrices. Tout dépassement de ces limites doit être signalé immédiatement au BSIF. Les IFF doivent aussi aviser le BSIF si leurs positions courtes nettes sur ces crypto actifs s’approchent de la barre de 1 % des fonds propres nets de catégorie 1.
Tant que la conformité à la limite de 1 % n’a pas été rétablie, toutes les expositions du groupe 2a et du groupe 2b qui dépassent le seuil de 1 % seront traitées comme des expositions sur crypto actifs du groupe 2b. En cas de dépassement de la limite d’exposition de 2 %, toutes les expositions du groupe 2a et du groupe 2b seront traitées comme des expositions sur crypto actifs du groupe 2b.
Il convient de noter que les limites d’exposition précitées doivent être respectées même si l’IFF utilise l’approche simplifiée puisque, aux termes de cette approche, toutes les expositions sur crypto actifs sont traitées comme des expositions du groupe 2b.
Échéancier
Le BSIF a publié ces lignes directrices afin que le cadre réglementaire canadien corresponde au régime prudentiel du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB), dont la dernière révision remonte à 2024. Les lignes directrices entreront en vigueur au premier trimestre de 2026 et remplacera les Dispositions provisoires du régime au regard des normes de fonds propres et de liquidité visant les expositions sur cryptoactifs5 du BSIF de 2022.
Conclusion
Les lignes directrices offrent un cadre complet aux IFF tenant compte des différences entre les divers types de crypto actifs en vue de l’exercice d’activités sur crypto actifs.
À l’inverse, l’organisme de réglementation du secteur bancaire fédéral américain, l’Office of the Comptroller of the Currency, a adopté récemment une position de neutralité technologique quant aux activités sur crypto actifs qu’il traite de la même manière que toute autre activité bancaire, indépendamment de la technologie utilisée6. Par conséquent, tandis que les activités sur crypto actifs deviennent plus courantes dans le monde financier, les règles du jeu ne sont pas les mêmes partout dans le monde. Les IFF qui voudraient diversifier leurs actifs et offrir des services dans de nouveaux marchés devront faire preuve de prudence et suivre les exigences réglementaires en constante évolution dans les territoires où elles exercent des activités.
Les IFF devront évaluer leurs activités sur crypto actifs et leurs cadres de gouvernance afin de s’assurer qu’elles respectent les nouvelles exigences relatives aux expositions sur crypto actifs, ce qui pourrait supposer aussi d’ajuster leurs stratégies de gestion du risque, leurs politiques et procédures de conformité de même que leurs ressources humaines et TI.
Pour obtenir de plus amples renseignements ou des explications sur les nouvelles lignes directrices, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe d’avocats chevronnés.