Bien que le gouvernement fédéral ait légalisé le cannabis le 17 octobre 2018, toutes les activités qui y sont reliées ne sont pas nécessairement devenues légales. Or, des actes illégaux peuvent souvent entraîner l’annulation d’une police d’assurance ou la déchéance au droit à l’assurance, comme l’a rappelé le 15 avril dernier la Cour supérieure du Québec dans la décision Vo c. Compagnie d’assurances Desjardins (Desjardins, Groupe d’assurances générales).
Dans cette affaire, la Cour supérieure a rejeté la demande des assurés qui cherchaient l’application d’une police d’assurance d’habitation à la suite d’un incendie dans leur immeuble. Le tribunal a estimé que l’assureur s’est déchargé de son fardeau de démontrer que l’exclusion générale contre les activités illégales ou criminelles s’appliquait. En effet, en raison de leur possession de plantes de cannabis, une activité illégale, les demandeurs n’ont pas pu bénéficier de l’indemnité payable aux termes de la police d’assurance.
Les faits
Les demandeurs étaient propriétaires d’un quadruplex assuré en vertu d’une police d’assurance habitation. Le 1er mai 2013, une lampe à décharge à haute intensité utilisée dans le cadre de l’exploitation d’une culture de marijuana a déclenché un incendie.
L’assureur a refusé de couvrir la perte parce que la police excluait de la couverture toute perte découlant d’activités illégales ou criminelles, ce qui incluait (et inclut toujours) la culture et la fabrication de la marijuana. Les demandeurs ont alors poursuivi l’assureur pour le montant de la perte sous la police.
La décision de la Cour supérieure
Il incombait à l’assureur de démontrer que les demandeurs s’adonnaient à des activités illégales ou criminelles et que, de ce fait, l’exclusion était déclenchée. Il n’était pas nécessaire de prouver ensuite que l’activité illégale ou criminelle avait causé le sinistre puisque les demandeurs admettaient que l’incendie avait été causé par la plantation de cannabis de l’appartement #4. Les demandeurs habitaient dans l’appartement #3 de l’immeuble, tandis que les logements #1, #2 et #4 étaient inhabités, inhabitables et servaient exclusivement à la culture de la marijuana.
Selon les demandeurs, les logements #1, #2 et #4 étaient occupés par trois locataires différents. Cependant, la preuve démontrait qu’il ne s’y trouvait aucun effet personnel pouvant appartenir à des locataires, et que l’état des logements les rendait inhabitables4. De plus, plusieurs éléments de preuves démontraient que l’existence de locataires au moment de l’incendie était fort douteuse puisqu’aucun des locataires qui avaient prétendument habité dans l’immeuble n’a pu être retracé. De plus, les demandeurs payaient les factures d’électricité élevées pour les trois autres appartements et, à tout le moins, connaissaient l’existence des plants de cannabis dans l’immeuble.
Selon la Cour, l’assureur a réussi à se décharger de son fardeau de preuve et a établi que l’exclusion relative aux activités illégales ou criminelles s’appliquait dans les circonstances. En plus des éléments de preuve apportés par l’assureur, le juge a également pris en considération les lacunes importantes dans la preuve des demandeurs et leurs témoignages peu crédibles. Le recours des demandeurs a donc été rejeté par le tribunal.
Conclusions
La légalisation du cannabis a certainement un impact sur certaines des exclusions concernant les activités illégales ou criminelles, particulièrement en matière d’assurance de personnes. Cependant, certaines activités reliées au cannabis demeurent illégales telles que la possession de plantes de cannabis au Québec. Des activités prohibées pourront donc entraîner une déchéance du droit de l’assurance pour les assurés qui s’y adonnent.