Introduction au projet de loi 195

Le 21 juillet 2020, le projet de loi 195 (projet de loi) a reçu la sanction royale. Le projet de loi a pour objet de déléguer, sous réserve de certaines limites, de l’assemblée législative au cabinet du premier ministre, certains pouvoirs d’établissement et de révocation de règles de façon à soutenir le retour adéquat d’employés aux lieux de travail physiques en réponse à la menace actuelle que représente la COVID-19. 

Le projet de loi est entré en vigueur le 24 juillet 2020, édictant la Loi de 2020 sur la réouverture de l’Ontario (mesures adaptables en réponse à la COVID-19) (Loi sur la réouverture). La Loi sur la réouverture proroge les pouvoirs d’urgence et les décrets antérieurs pris en vertu des articles 7.0.2 et 7.1 (articles pertinents) de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence (Loi sur les situations d’urgence) en lien avec la COVID-19. Le projet de loi prévoit que les décrets maintenus qui ont été pris en vertu des articles pertinents cesseront de s’appliquer après 30 jours, à moins que le cabinet ne proroge les décrets pour des périodes additionnelles d’au plus 30 jours à la fois. 

Qu’est-ce que le projet de loi modifie?

Le projet de loi permet que des décrets non révoqués qui ont été précédemment pris en vertu des articles pertinents de la Loi sur les situations d’urgence puissent être maintenus comme décrets exécutoires en vertu de la Loi sur la réouverture une fois qu’ils sont révoqués en vertu de la Loi sur les situations d’urgence. Les décrets qui sont pris en vertu des articles pertinents de la Loi sur les situations d’urgence seront maintenus même s’ils ne s’appliquent à aucune région de la province le jour de l’entrée en vigueur du projet de loi.

Le projet de loi touchera chacun des articles pertinents de la Loi sur les situations d’urgence et les décrets qui sont maintenus en vertu de ceux-ci comme suit :

Article 7.0.2 

  • Que sont les décrets pris en vertu de l’article 7.0.2? Les décrets pris en vertu de l’article 7.0.2 de la Loi sur les situations d’urgence visent à favoriser l’intérêt public, en cas de déclaration de situation d’urgence, en protégeant la santé, la sécurité et le bien-être de la population de l’Ontario d’une manière qui soit conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. Ils ont pour objet d’offrir une protection contre le préjudice ou les dommages, ou de fournir une solution raisonnable et préférable à la prise d’autres mesures destinées à faire face à la situation d’urgence, tout en étant exercés d’une manière qui en limite l’effet perturbateur.
  • Comment le projet de loi touche-t-il les décrets pris en vertu de l’article 7.0.2? Le projet de loi permet que les dispositions suivantes contenues dans les paragraphes 7.0.2 (6) à (9) continuent de s’appliquer à l’égard des décrets maintenus :
    • les personnes qui fournissaient des services autorisés par le cabinet verront toujours leur emploi protégé; 
    • les renseignements qu’une personne est tenue de recueillir, d’utiliser ou de divulguer en vertu d’un décret doivent toujours être utilisés pour intervenir face à la situation d’urgence ou pour en atténuer les effets, à moins qu’ils ne soient utilisés en vue de recherches et que les renseignements qui pourraient identifier un particulier précis soient retirés ou que le particulier auquel se rapportent les renseignements donne son consentement à leur utilisation; 
    • les renseignements qu’une personne est tenue de recueillir, d’utiliser ou de divulguer en vertu d’un décret seront toujours assujettis aux lois en ce qui concerne la vie privée et la confidentialité des renseignements personnels dès que la situation d’urgence déclarée prend fin, à moins qu’ils ne soient utilisés en vue de recherches et que les renseignements qui pourraient identifier un particulier précis soient retirés des données ou que le particulier auquel se rapportent les renseignements donne son consentement à leur utilisation.

Article 7.1 

  • Que sont les décrets pris en vertu de l’article 7.1? L’article 7.1 de la Loi sur les situations d’urgence a pour objet d’autoriser le cabinet à prendre les décrets qui s’imposent lorsque les victimes d’une situation d’urgence ou d’autres personnes touchées par une telle situation ont besoin de services, d’avantages ou d’indemnités supérieurs à ce que prévoit la loi de l’Ontario ou risquent de subir un préjudice du fait de l’application de celle ci. L’article donne au cabinet le pouvoir de prendre des décrets afin de suspendre temporairement l’application d’une disposition d’une loi, d’un règlement, d’une règle, d’un règlement administratif ou d’un ordre, d’un décret ou d’une ordonnance du gouvernement de l’Ontario et, s’il convient de le faire, d’énoncer une disposition de remplacement pour la période de suspension temporaire.
  • Comment le projet de loi touche-t-il les décrets pris en vertu de l’article 7.1? Cet article demeure le même et l’ensemble des décrets non révoqués pris en vertu de cet article de la Loi sur les situations d’urgence seront maintenus.

Article 7.2 

  • Que vise l’article 7.2? L’article 7.2 de la Loi sur les situations d’urgence énonce les procédures générales qui entourent la prise d’un décret. 
  • Comment le projet de loi touche-t-il les considérations procédurales en vertu de l’article 7.2? Le projet de loi permettra que les paragraphes suivants continuent de s’appliquer à l’égard des décrets maintenus pris en vertu des articles pertinents, y compris toute modification apportée à ces décrets. Ceci comprend plus particulièrement ce qui suit :
    • un décret peut être d’application générale ou spécifique;
    • advenant une incompatibilité entre un décret pris en vertu des paragraphes 7.0.2 (4) ou 7.1 (2) et une loi, un règlement, une règle, un règlement administratif ou un autre texte de nature législative, le décret l’emporte, à moins que l’autre texte de nature législative ne prévoie expressément qu’il s’appliquera malgré la Loi sur les situations d’urgence;
    • aucune disposition des articles maintenus de la Loi sur les situations d’urgence n’abolit les pouvoirs du médecin-hygiéniste en chef.

Pendant combien de temps les décrets pris en vertu des articles pertinents seront-ils exécutoires?

Le projet de loi fera en sorte que les décrets qui sont maintenus par le cabinet en vertu des articles pertinents prennent fin au plus 30 jours après qu’ils ont été maintenus, à moins que le cabinet ne proroge la période de validité du décret avant qu’il prenne fin. 

De façon générale, quels pouvoirs de modification le cabinet a-t-il?

Outre le pouvoir de proroger la période de validité d’un décret, le cabinet aura le pouvoir d’apporter les modifications suivantes :

  • Modifier un décret maintenu pris en vertu de l’article 7.0.2 de la même façon que ce qui aurait été autorisé en vertu de l’article 7.0.2 de la Loi sur les situations d’urgence pendant la situation d’urgence déclarée liée à la COVID-19;
  • Modifier un décret maintenu afin de traiter des questions transitoires se rapportant à la fin de la situation d’urgence déclarée en raison de la COVID-19 et le maintien général des décrets;
  • Définir, par règlement, le terme « fonctionnaires de la santé publique » afin d’exiger que des personnes agissent conformément aux conseils, recommandations ou instructions d’un fonctionnaire de la santé publique en vertu de l’alinéa 4(2)(b) de la Loi sur la réouverture;
  • Révoquer un décret maintenu; et
  • Déléguer à un ministre de la Couronne les pouvoirs de modification et de révocation en vertu de la Loi sur la réouverture.

De façon générale, quels décrets peuvent être modifiés?

Le cabinet dispose de vastes pouvoirs pour apporter des modifications exigeant que l’on agisse conformément aux conseils, recommandations ou instructions d’un fonctionnaire de la santé publique, ainsi que des modifications à un décret en lien avec l’une des questions suivantes :

  • Fermer ou réglementer des lieux, qu’ils soient publics ou privés, notamment des entreprises, bureaux, écoles, hôpitaux et autres établissements ou institutions; 
  • Prévoir des règles ou des pratiques qui se rapportent aux lieux de travail ou à leur gestion, ou autoriser la personne responsable du lieu de travail soit à établir des priorités en matière de dotation soit à élaborer, à modifier ou à mettre en œuvre des plans de réaffectation ou des règles ou des pratiques qui se rapportent au lieu de travail ou à sa gestion, y compris des processus d’accréditation dans le cas d’un établissement de soins de santé; ces processus s’entendent des activités, processus, procédures et instances de nomination et de renouvellement de nomination des membres du personnel de soins de santé et de définition de la nature et de l’étendue des droits qui leur sont accordés; ou
  • Interdire ou réglementer les rassemblements ou les événements publics organisés.

De façon générale, quels décrets ne peuvent pas être modifiés?

Le cabinet ne dispose pas de pouvoirs pour modifier certains décrets pris en vertu de Règlements de l’Ontario (RO), y compris, mais sans s’y limiter, les Règlements suivants :

  • Établissements de santé ou d’hébergement temporaires (141/20)
  • Gestion des foyers de soins de longue durée touchés par une éclosion (210/20)
  • Gestion des maisons de retraite touchées par une éclosion (240/20) 
  • Règles spéciales concernant la prime temporaire liée à la pandémie (241/20)  

Qu’est-ce qu’une modification peut inclure?

Une modification peut imposer des exigences différentes ou plus contraignantes, notamment dans différentes régions de la province et dans l’avenir, et elle peut s’appliquer rétroactivement à quelque date que ce soit qui tombe le 24 juillet 2020 ou par la suite. Une modification peut aussi étendre la portée d’un décret modifié, notamment sa portée géographique et les personnes auxquelles il s’applique.

Combien de temps les pouvoirs du cabinet de modifier et de proroger les décrets durent ils?

Le cabinet est autorisé à proroger et à modifier des décrets pris en vertu des articles pertinents pendant un an, à compter du 24 juillet 2020. Cette expiration peut être prorogée pour des périodes additionnelles d’un an, sur recommandation du premier ministre, par voie de résolution adoptée par l’assemblée législative. En attendant qu’une résolution fasse l’objet d’un vote, les pouvoirs du cabinet de proroger et de modifier des décrets seront maintenus. Les décrets précédemment prorogés et non révoqués seront maintenus jusqu’à la fin de la prorogation sans égard au moment où les pouvoirs du cabinet prennent fin.

Quelles sont les conséquences d’une non-conformité?

Des mesures d’exécution sont incluses dans le projet de loi afin de prévoir que des ordonnances puissent être rendues afin d’empêcher les contraventions et de prévoir des infractions. 

La Cour supérieure de justice peut rendre une ordonnance afin d’empêcher quiconque contrevient à un décret maintenu pris en vertu de l’article 7.0.2 de la Loi sur la réouverture et cette ordonnance peut être exécutée de la même façon qu’une autre ordonnance ou un autre jugement de la Cour supérieure de justice.

Quiconque ne se conforme pas à un décret maintenu pris en vertu de l’article 7.0.2 de la Loi sur la réouverture ou gêne ou entrave une personne qui exerce un pouvoir ou une fonction que lui attribue un tel décret est coupable d’une infraction. La personne est coupable d’une infraction distincte pour chaque journée pendant laquelle elle ne se conforme pas à ce décret ou elle gêne ou entrave l’exécution de cette ordonnance. Une personne ne peut pas être accusée d’une infraction à l’égard d’une ordonnance qui a été modifiée avec effet rétroactif si la conduite a eu lieu avant que la modification rétroactive n’ait été apportée, mais après la date rétroactive qui a été précisée dans la modification.

Les amendes et peines d’emprisonnement possibles à l’égard de l’infraction sont les suivantes :

  • Les particuliers qui ne sont pas des administrateurs ou des dirigeants d’une personne morale sont passibles d’une amende maximale de 100 000 $ et d’un emprisonnement maximal d’un an;
  • Les particuliers qui sont des administrateurs ou des dirigeants d’une personne morale sont passibles d’une amende maximale de 500 000 $ et d’un emprisonnement maximal d’un an;
  • Les personnes morales sont passibles d’une amende maximale de 10 000 000 $; et
  • Le tribunal peut augmenter ces amendes maximales d’un montant équivalant à celui de l’avantage financier qui a été obtenu par la personne ou qui lui est revenu par suite de la commission de l’infraction.

Quelles sont les obligations du premier ministre en termes de rapports?

Le premier ministre, ou le ministre auquel celui-ci en délègue la responsabilité, fait régulièrement rapport au public en ce qui concerne les décrets qui ont été prorogés et les raisons de la prorogation devant un comité permanent ou spécial de l’assemblée législative au moins une fois tous les 30 jours. Le premier ministre dispose de 120 jours pour déposer à l’assemblée législative un rapport indiquant les raisons pour lesquelles tous les décrets ont été modifiés ou prorogés, après un an ou après chaque prorogation du pouvoir de prorogation ou de modification des décrets.

À retenir

Le projet de loi 195 octroie au cabinet de vastes pouvoirs en vue d’imposer des exigences et de proroger les décrets en lien avec lieux publics et privés en Ontario, dont les lieux de travail, et la conformité aux directives des fonctionnaires de la santé publique. Tous les Ontariens sont susceptibles d’être touchés par ce projet de loi. Étant donné que les conséquences d’une non-conformité aux décrets applicables peuvent être graves, les employeurs seraient avisés de s’assurer que tout décret maintenu est respecté et suivi cet été et après la période estivale.

Les auteurs désirent remercier Breanne Matheson, étudiante, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique. 



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