Les employeurs canadiens doivent s’attendre à d’autres changements législatifs importants de la part, cette fois, du gouvernement fédéral sous la forme du projet de loi C-86. Le projet de loi C‑86 a maintenant fait l’objet d’une deuxième lecture au Parlement et s’il franchit l’étape de la troisième lecture et reçoit la sanction royale, il aura des répercussions importantes sur les employeurs des secteurs sous réglementation fédérale.
Au final
Dans la foulée du projet de loi 148 ontarien qui a apporté des changements importants à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE) et à la Loi de 1995 sur les relations de travail (LRT) – dont un bon nombre seront repris dans le projet de loi 47 du nouveau gouvernement (qui a reçu la sanction royale le 22 novembre 2018; – et des réformes législatives similaires sur les normes d’emploi dans d’autres provinces, le gouvernement fédéral a décidé de se joindre au mouvement. Aux termes du projet de loi C‑86, les changements proposés auraient une incidence importante sur de nombreux aspects de l’emploi sous réglementation fédérale. Nous décrivons ci‑dessous plusieurs de ces changements proposés.
Compte tenu de la vague de questions que le projet de loi 148 a soulevées chez les employeurs en Ontario, nous recommandons aux employeurs de s’assurer d’être en mesure de respecter toutes les nouvelles exigences proposées dans le projet de loi C-86 qui peuvent être adoptées bien avant la date d’entrée en vigueur des changements.
La mise en œuvre des changements apportés par le projet de loi 148 nous a appris qu’il y aura des répercussions inattendues sur les politiques et procédures existantes en matière d’emploi. Par exemple, il faudra certainement que les employeurs déterminent s’ils respectent déjà les nouvelles exigences aux termes de leurs politiques existantes, ce qui nécessitera une évaluation méticuleuse. L’adoption de nouvelles normes d’emploi aura également une incidence importante sur les coûts liés à l’emploi, et les sociétés devront tenir compte de ces répercussions.
Changements proposés au Code canadien du travail
Dans le cadre des réformes, les changements suivants au Code canadien du travail (Code) sont proposés :
- Licenciement individuel : Le régime d’avis de cessation d’emploi du Code sera modifié afin de le faire correspondre à plusieurs des régimes en vigueur aux termes de la législation provinciale sur les normes d’emploi de manière à ce que les obligations de préavis de l’employeur augmentent en fonction des années de service, commençant à deux semaines après trois mois de travail sans interruption jusqu’à un maximum de huit semaines à l’égard des employés comptant huit années de travail sans interruption.
- Licenciement collectif : Le régime de licenciement collectif aux termes du Code fait l’objet de modifications importantes. Au nombre des changements, mentionnons l’adoption de diverses options pour se conformer à la nouvellement désignée « période de préavis de licenciement collectif » de 16 semaines aux termes du régime de licenciement collectif. Par exemple, les modifications proposées permettraient expressément aux employeurs de fournir une indemnité de 16 semaines tenant lieu de préavis. Les modifications exigeraient également que les employeurs offrent aux « surnuméraires » aux termes du régime des « mesures de soutien à la transition » qui seront prescrites par règlement.
- Salaire égal à travail égal : Le projet de loi C-86 propose d’interdire aux employeurs de rémunérer leurs employés différemment selon la « situation d’emploi » (c.-à-d. à temps plein ou à temps partiel) lorsque ces employés partagent certaines caractéristiques de travail (entre autres, ils travaillent dans le même établissement et exécutent un travail qui est essentiellement le même et dont les exigences sont essentiellement les mêmes sur le plan des compétences, de l’effort et des responsabilités, dans des conditions comparables, et toute autre condition prévue par règlement).
Comme dans la LNE modifiée, des exceptions permettront d’accorder un salaire différent en fonction de certains critères prévus, comme l’ancienneté, le mérite, la quantité ou la qualité de la production ou tout autre critère prévu par règlement; toutefois, si l’employeur établit de telles distinctions, il doit s’assurer de pouvoir démontrer qu’il le fait de bonne foi, puisque l’employé aura le droit de présenter une demande écrite de révision de son taux de salaire. L’employeur qui reçoit une telle demande disposera de 90 jours pour augmenter le taux de salaire ou fournir une explication démontrant que le taux de salaire se conforme aux exigences. Il sera également interdit à l’employeur de réduire le taux de salaire d’un employé afin de respecter l’obligation de salaire égal. En outre, la législation proposée aura diverses répercussions sur les agences de placement temporaire et les sociétés qui recourent à leurs services, notamment en interdisant aux agences de placement temporaire de rémunérer leurs employés à un taux inférieur à celui auquel les employés de la société cliente sont payés pour le même travail. De même, certaines nouvelles obligations sont prévues à l’égard des employés temporaires (par exemple, ces employés ont droit au même traitement que les autres employés en matière de possibilités d’emploi).
- Qui est un « employé »? : Les changements proposés imposent aux employeurs le fardeau de démontrer qu’ils n’ont pas attribué erronément à un « employé » le statut d’entrepreneur indépendant dans une procédure dans le cadre de laquelle l’employeur allègue qu’un plaignant n’est pas un employé.
- Paie de vacances/congé : Le droit à des vacances sera augmenté comme suit : i) trois semaines après cinq années de service et ii) quatre semaines après dix années de service. Les pourcentages correspondants d’indemnité de congé annuel seront également augmentés à au moins 6 % après cinq années de service et 8 % après dix années de service, respectivement. L’exigence relative à la durée de service continu minimale aux fins de l’indemnité de congé est également supprimée.
- Nouveaux congés : L’exigence de service continu donnant droit à divers congés (c.-à-d. le congé pour raisons médicales, le congé de maternité, le congé parental ou le congé en cas de maladie grave, de décès ou de disparition d’un enfant) sera supprimée. Les autres changements comprennent ce qui suit :
- Un congé personnel d’au plus cinq jours au cours d’une année civile pour maladie ou blessure, pour s’acquitter d’obligations relatives à la santé ou aux soins d’un membre de la famille, pour s’acquitter d’obligations relatives à l’éducation d’un membre de la famille âgé de moins de 18 ans, pour gérer toute situation urgente touchant l’employé ou un membre de sa famille, pour assister à une cérémonie de la citoyenneté et pour gérer toute autre situation prévue par règlement. Trois de ces jours de congé sont rémunérés après trois mois de service continu. Les employeurs disposeront d’un droit limité de demander des documents justificatifs concernant les raisons du congé.
- Un congé non rémunéré pour femme enceinte ou qui allaite s’il est déterminé par un professionnel de la santé que l’employée ne peut s’acquitter de ses tâches (y compris ses tâches modifiées) sans risque.
- Un congé non rémunéré pour fonctions judiciaires à l’égard des employés qui sont membres d’un jury, appelés comme témoins ou tenus de participer à la sélection d’un jury.
- Les employés qui sont victimes de violence familiale comptant trois mois de service auront droit au paiement des cinq premiers jours du congé.
- Fixation des horaires de travail : Les employeurs devront fournir à un employé son horaire de travail par écrit au moins 96 heures avant le début de sa première période ou de son premier quart de travail prévu à l’horaire. Si un employeur ne respecte pas cette exigence, les employés auront le droit de refuser de travailler. À l’instar des modifications prévues par le projet de loi 148 en Ontario, des exceptions seront prévues pour les urgences. Certains secteurs seront également dispensés et la priorité sera accordée aux conventions collectives lorsque celles-ci prévoient d’autres délais ou l’inapplicabilité de l’article.
- Pauses au cours d’un quart de travail : Les employeurs devront accorder une pause non rémunérée de 30 minutes après cinq heures de travail consécutives entre deux quarts. En outre, après huit heures de travail consécutives, l’employeur doit accorder une période de repos payée entre deux quarts. Des exceptions sont prévues pour les urgences et certains secteurs. Dans le cas des employées qui allaitent ou des employés ayant un problème médical, des pauses non rémunérées sont également prévues.
- Dépenses liées au travail : Les employés auront le droit d’être indemnisés pour les dépenses raisonnables liées à l’emploi, sous réserve de certaines conditions.
La nouvelle Loi sur l’équité salariale
En plus de changements ci-dessus au Code, le projet de loi C-86 propose l’adoption d’une nouvelle Loi sur l’équité salariale, qui prévoirait plusieurs mesures en matière d’équité salariale, notamment :
- une exigence prévoyant que les employeurs établissent un plan en matière d’équité salariale;
- une exigence prévoyant que certains employeurs créent un comité chargé des questions d’équité salariale;
- la désignation d’un commissaire chargé de l’administration et de l’application de la Loi sur l’équité salariale; et
- l’application de sanctions pécuniaires afin d’assurer la conformité.
Il est à noter que les exigences particulières varieront selon la taille de l’employeur. Pour une description plus détaillée de la législation proposée en matière d’équité salariale, visitez notre article de blogue sur le sujet (en anglais seulement).