Un autre projet de loi est en voie d’être déposé au Parlement en vue d’imposer aux sociétés canadiennes des obligations à l’égard de leurs chaînes d’approvisionnement. Le 4 avril, le Groupe parlementaire multipartite pour combattre l’esclavage moderne et la traite des personnes a annoncé un nouveau projet de loi sur la transparence dans les chaînes d’approvisionnement (la LTCA ou le projet de loi), lequel sera déposé sous peu au Sénat.
Bien que le texte de la LTCA ne soit pas encore disponible, les entreprises canadiennes auraient intérêt à être sensibilisées à l’existence de leurs obligations potentielles de déclaration et de conformité en ce qui concerne l’esclavage moderne et la traite des personnes dans les chaînes d’approvisionnement et à s’y préparer dans l’hypothèse où le projet de loi recevait la sanction royale. La définition d’esclavage moderne au sens de la LTCA n’a pas encore été communiquée, mais elle viserait probablement le recours au travail forcé, au travail des enfants et à la traite des personnes dans les activités commerciales à l’étranger.
La LTCA proposée met de l’avant quatre mécanismes pour combattre l’esclavage moderne : 1) une exigence de déclaration à laquelle doivent se conformer les entités admissibles; 2) une obligation de diligence imposée à toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel atteint un seuil donné; 3) la création d’un poste d’ombudsman et d’un comité de conformité; et 4) des mécanismes permettant de recueillir les allégations d’esclavage moderne de la part de dénonciateurs et de faire enquête sur celles-ci.
Principales dispositions
De façon globale, la LTCA obligera les entreprises canadiennes à prendre des mesures concrètes pour prévenir l’esclavage moderne dans leurs chaînes d’approvisionnement à l’étranger. Le projet de loi créera des obligations de déclaration pour les entités admissibles, notamment l’obligation de remplir un questionnaire relatif à la chaîne d’approvisionnement qui s’attarde aux politiques et procédures de l’entreprise en matière de travail forcé, de travail des enfants et de traite des personnes.
La LTCA proposée vise également à établir une obligation de diligence pour toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel atteint le seuil stipulé par la réglementation. Les dispositions relatives à l’obligation de diligence entraîneront une responsabilité juridique quant à la prise de mesures raisonnables pour prévenir le recours à l’esclavage moderne dans le cadre des activités que l’entreprise exerce à l’étranger.
Le projet de loi prévoit la création d’un poste d’ombudsman et d’un comité de conformité et laisse ainsi entrevoir la possibilité que le mandat de l’ombudsman canadien pour la responsabilité sociale des entreprises, poste dont la création a été annoncée au début de 2018, puisse être étendu de façon à inclure les responsabilités dévolues à l’ombudsman en vertu de la LTCA.
La LTCA créera par ailleurs des mécanismes permettant de faire enquête sur tout rapport faisant état d’esclavage moderne, y compris les cas signalés par des dénonciateurs, et de faire exécuter les obligations de déclaration et de diligence prévues par la loi dont il est question ci-dessus.
Quelles sont les conséquences pour les entreprises canadiennes?
Même si elle n’a pas encore été déposée au Sénat et que le détail de son contenu se fait toujours attendre, la LTCA s’inscrit dans la foulée du dépôt d’un projet de loi semblable émanant d’un député, qui vise à lutter contre l’esclavage moderne, et de l’annonce faite par le gouvernement du Canada en février 2019 selon laquelle ce dernier entamerait un processus de consultation sur une éventuelle législation sur les chaînes d’approvisionnement. La divulgation d’information sur l’esclavage moderne, notamment dans les chaînes d’approvisionnement, figure actuellement en tête des priorités du programme législatif et apparaît avoir obtenu un certain soutien multipartite.
Peu importe les mesures législatives qui verront le jour, les entreprises canadiennes devraient être au fait des conséquences potentielles que celles-ci pourraient avoir sur leur exploitation, particulièrement dans le cas où leurs activités ou leurs chaînes d’approvisionnement s’étendent à des pays en développement. Il pourrait être avisé pour les entreprises franchissant le seuil prévu par le projet de loi d’évaluer leurs risques et de revoir leurs politiques et procédures ainsi que la formation des fournisseurs et les ententes contractuelles conclues avec eux compte tenu de la LTCA et de ses mécanismes de large portée en matière d’obligation de diligence, de déclaration, d’enquêtes et d’application.
Norton Rose Fulbright suivra avec intérêt l’évolution de ces initiatives législatives et fournira une mise à jour ainsi qu’un aperçu de la LTCA lorsque ce projet de loi sera accessible à des fins de consultation.
Les auteurs désirent remercier Meaghan Farrell, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.