À compter du 1er janvier 2025, les titulaires de brevets au Canada auront accès à un cadre général d’ajustement de la durée des brevets (ADB). L’ADB prévoit une période supplémentaire pour dédommager les titulaires de brevets en cas de « retards déraisonnables » dans la délivrance des brevets par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). Les détails du cadre d’ADB ont été finalisés récemment avec l’enregistrement des modifications aux Règles sur les brevets par le gouvernement fédéral. Malheureusement pour les titulaires de brevets, il semble que peu de brevets seront susceptibles d’être admissibles à une période supplémentaire sous l’ADB.


Contexte

Nouveau au Canada, le cadre d’ADB découle directement de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Depuis 1989, les brevets canadiens ont une durée de 20 ans à compter de leur date de dépôt. En 2017, certains brevets pharmaceutiques sont devenus admissibles à une période de validité prolongée aux termes d’un certificat de protection supplémentaire (voir ici). En vertu de l’ACEUM, entré en vigueur le 1er juillet 2020, le Canada avait l’obligation d’adopter un cadre général d’ADB au plus tard le 1er janvier 2025. 

À cette fin, la Loi sur les brevets a été modifiée en 2023 afin de créer un cadre législatif pour le nouveau cadre d’ADB (voir ici)1. Pour établir le nouveau cadre d’ADB, le 18 mai 2024, le gouvernement fédéral a proposé des modifications aux Règles sur les brevets (voir ici), qui ont reçues de nombreux commentaires par les agents de brevets canadiens2. Le 29 novembre 2024, le gouvernement a enregistré les modifications définitives aux Règles sur les brevets qui, bien qu’elles soient dans l’ensemble identiques à celles qui avaient été proposées en mai 2024, incluent certains changements qui tiennent compte des commentaires reçus. 

La Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets modifiées entreront en vigueur le 1er janvier 2025. Vous trouverez ci après un résumé du nouveau cadre d’ADB ainsi que les raisons pour lesquelles peu de brevets seront admissibles à une période supplémentaire. Enfin, pour les inconditionnels de l’ADB, nous mettrons en lumière certains changements apportés aux Règles en matière d’ADB entre leur version proposée en mai 2024 et leur version finale.

Aperçu du nouveau cadre d’ADB au Canada

Brevets admissibles à une période supplémentaire

Les brevetés doivent faire une demande d’ADB dans les trois mois suivant la délivrance d’un brevet. Pour être admissible à l’ADB, la demande de brevet doit avoir été déposée à partir du 1er décembre 2020 et le brevet doit avoir été délivré après la plus tardive des dates suivantes : 

  • le cinquième anniversaire du « jour applicable » 
  • le troisième anniversaire de la date où la requête d’examen a été faite.

Le « jour applicable » dépend du type de demande de brevet : pour les demandes PCT, le « jour applicable » est la date d’entrée en phase nationale; pour les demandes divisionnaires, la date de présentation (soit la date à laquelle la demande divisionnaire est soumise à l’OPIC); et dans tout autre cas (soit les demandes déposées régulièrement au Canada), la date de dépôt.  

Calcul de la durée de la période supplémentaire

La durée de la période supplémentaire est calculée comme étant le nombre de jours entre la plus tardive des dates d’anniversaire susmentionnées et la date de délivrance du brevet, moins le « nombre de jours déterminé dans la réglementation ». Si la différence correspond à zéro ou moins, le brevet n’est pas admissible à l’ADB. 

Les Règles sur les brevets modifiées établissent 38 périodes pour la soustraction dans le calcul de la période supplémentaire. Comme il est énoncé dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR), les périodes soustraites comprennent « les jours des périodes qui ne se produisent pas pendant le traitement ou l’examen de la demande de brevet par l’OPIC, les périodes qui ne sont pas directement attribuables à l’OPIC ainsi que les périodes qui sont attribuables au demandeur de brevet ». Certains exemples de la liste des périodes soustraites comprennent le nombre de jours : 

  • pris pour faire une demande d’examen (lorsque la durée supplémentaire est calculée à partir du cinquième anniversaire du « jour applicable »;
  • pris pour répondre aux avis du commissaire aux brevets (commissaire), comme des rapports d’examinateur, incluant le nombre de jours compris dans l’échéance prévue par la loi pour répondre;
  • requis pour compléter un examen jusqu’à l’attribution suivant une demande d’examen continu (ou suivant un troisième rapport d’examinateur si un examen a été demandé avant le 3 octobre 2022);
  • pendant lesquels la demande est réputée être abandonnée;
  • pris pour répondre à un avis d’attribution;
  • pendant un appel du refus du commissaire d’attribuer un brevet (même si l’appel est accueilli);
  • indépendants de la volonté de l’OPIC, comme dans les cas de force majeure.

Pour les périodes de chevauchement, chaque jour ne sera soustrait qu’une seule fois dans le calcul de la durée de la période supplémentaire. 

Taxe pour la demande d’ADB et taxe de maintien 

Pour faire une demande d’ADB, le breveté doit payer une taxe de 2 500 $ (standard) ou de 1 000 $ (petite entité). Si une période supplémentaire est accordée, une taxe de maintien en état de la demande de 1 000 $ (standard) ou de 400 $ (petite entité) devra être payée au 20e anniversaire de la date de dépôt du brevet et à chaque anniversaire suivant jusqu’à l’expiration de la période supplémentaire. 

Processus de demande

Après avoir reçu une demande d’ADB et la taxe y afférente, le commissaire évaluera l’admissibilité initiale du brevet à l’ADB. S’il n’est pas admissible, la demande sera rejetée. Sinon, le commissaire présentera au breveté une décision préliminaire de la durée de la période supplémentaire. Le breveté aura alors deux mois pour faire des observations sur la décision préliminaire. 

Enfin, le commissaire délivrera un certificat de période supplémentaire ou rejettera la demande (p. ex. parce que la durée de la période supplémentaire équivaut à zéro ou moins). Le commissaire doit justifier sa décision sur la durée de la période supplémentaire ou son rejet de la demande, selon le cas. 

Contester une période supplémentaire

En vertu de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets modifiées, « toute personne » peut faire une demande pour que le commissaire révise la durée de la période supplémentaire i) en fournissant les raisons pour lesquelles la période supplémentaire est trop longue et ii) en payant une taxe de demande de 2 500 $ (standard) ou de 1 000 $ (petite entité). En revanche, une personne peut intenter une poursuite à la Cour fédérale afin d’obtenir une ordonnance visant à réduire la durée de la période supplémentaire. Il est à noter que dans le cadre de ces procédures, le commissaire et la Cour fédérale peuvent seulement réduire la durée de la période supplémentaire. Il semble que les brevetés insatisfaits de la décision du commissaire quant à une période supplémentaire devront faire une demande de contrôle judiciaire pour qu’elle soit prolongée. 

Peu de demandes d’ADB prévues

Selon les estimations de l’OPIC, environ 140 demandes d’ADB seront déposées chaque année de 2026 à 20343. Si tel est le cas, leur nombre n’atteindrait pas 1 % du total des brevets octroyés chaque année au Canada4

Les prévisions de l’OPIC correspondent aux attentes des auteurs et autrices de la présente selon lesquelles le nombre de demandes d’ADB déposées au Canada sera relativement faible. Tout d’abord, peu de brevets sont susceptibles d’être admissibles à une période supplémentaire, même si la demande de brevet a fait l’objet d’une poursuite diligente. Cette situation s’explique principalement par le grand nombre de jours qui doivent être soustraits dans le calcul de la durée de la période supplémentaire, y compris toute période prise pour répondre à un avis du commissaire. Ensuite, la taxe pour la demande d’ADB et la taxe de maintien annuelle sont beaucoup plus élevées que la plupart des autres taxes payées au moment de la poursuite d’une demande de brevet, ce qui pourrait décourager les brevetés de présenter des demandes d’ADB, même s’ils ont droit à une période supplémentaire. 

Pour les inconditionnels de l’ADB : les modifications apportées par le gouvernement aux Règles sur l’ADB proposées en mai 2024 

En réponse aux commentaires, le gouvernement a apporté quelques changements notables aux modifications relatives à l’ADB dans les Règles sur les brevets proposées en mai 2024. Voici ces changements : 

  • Supprimer de l’alinéa 117.01(7) la capacité d’un tiers de faire des observations concernant la décision préliminaire du commissaire sur la durée de la période supplémentaire. Maintenant, seul le breveté peut faire des observations;
  • Réviser l’alinéa 117.03(8) de sorte que si la durée d’une période supplémentaire est calculée à partir du troisième anniversaire de la demande d’examen, alors les périodes précédant le jour où l’examen a été demandé ne sont pas soustraites de la période supplémentaire; 
  • Ajouter l’alinéa 117.03(12), qui prévoit une façon pour les demandeurs de brevet d’éviter que la période supplémentaire soit soustraite aux termes de l’alinéa 117.03(1)(z.08) lorsque l’OPIC omet d’envoyer un avis.

Les auteur·trices tiennent à remercier Daniel Wang, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette PI dans la mire.


Notes

1   Projet de loi C-47 (sanction royale), partie 4, section 26, 487 Loi sur les brevets (lien).

2   Les commentaires ont été publiés dans la section « Commentaire général » du REIR (lien).

 

3   REIR, « Scénario réglementaire » (lien). 

4    25 711 brevets ont été octroyés en 2023-2024 : OPIC, Statistiques sur les brevets : 2023 à 2024 (lien).



Personnes-ressources

Avocat senior
Associée, avocate, agente de marques de commerce
Associée, Avocate, Agente de brevets, Agente de marques de commerce
Agent de brevets

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