Dans la cause Latifi v The TDL Group Corp. (Latifi)1, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a annulé des parties d’une action collective proposée alléguant qu’une clause de non-embauche dans les conventions de franchise standard de Tim Hortons violait l’article 45 de la Loi sur la concurrence en limitant illégalement les salaires.
Cette décision est fondée sur le fait que les accords entre employeurs concernant des employés sont traités comme des accords entre acheteurs. Dans de tels accords (comme la clause de non-embauche en cause), les acheteurs d’un produit (dans ce cas, les employeurs) conviennent de fixer le prix des produits qu’ils achètent. La décision dans la cause Latifi est également conforme à la déclaration du Bureau de la concurrence de novembre 2020 précisant que, contrairement aux États-Unis, les accords entre acheteurs ne sont pas visés par les dispositions criminelles de la Loi sur la concurrence en raison des modifications de 2009 qui ont supprimé le mot « achat » de la définition d’« accord » en vertu de l’article 452.
La cause Latifi fait suite aux récentes décisions de la Cour fédérale dans la cause Mohr (rejet d’une action) et la cause Jensen (rejet d’une certification)3.
Contexte
En 2019, le demandeur, représentant des employés de franchises Tim Hortons, a intenté une action collective proposée alléguant que la clause de non-embauche dans les conventions de franchise standard de Tim Hortons empêchait les franchisés de solliciter des employés dans d’autres établissements Tim Hortons sans consentement. Le demandeur a allégué que la clause de non-embauche violait l’article 45 en limitant illégalement les salaires, augmentant ainsi les bénéfices de Tim Hortons. Le demandeur a également allégué que Tim Hortons avait commis un complot et un délit d’atteinte par un moyen illégal en appliquant la clause de non-embauche. Tim Hortons a présenté une demande de rejet de la réclamation, laquelle a fait l’objet d’une audience en mai 2021.
La décision
Dans sa décision motivée, la juge Sharma a rejeté les parties de la réclamation fondées sur la Loi sur la concurrence, estimant qu'il était clair et évident que la réclamation du demandeur selon laquelle la clause de non-embauche violait l’article 45 était vouée à l’échec. Conformément à l’orientation du Bureau de la concurrence, le tribunal a conclu que l’article 45 de la Loi sur la concurrence ne s’appliquait pas en l’occurrence, parce qu’il ne limitait pas la production « pour la fourniture d’un produit ». Pour en arriver à sa décision, le tribunal a déclaré ce qui suit :
- En interprétant le libellé de l’article 45 dans son « sens grammatical et ordinaire », la juge Sharma a conclu que l’article 45 visait à interdire les accords entre concurrents « en ce qui concerne un produit ». Sur cette base, le tribunal a déclaré qu’il était « absurde » d'interpréter l’article 45 d’une manière supposant que les personnes visées pourraient être simultanément un concurrent et un client à l’égard d’un produit, comme le prétendait le demandeur.
- Se fondant sur l’historique législatif de l’article 45 discuté dans la cause Mohr, la juge Sharma a déclaré que, puisque le mot « achat » avait été retiré de la définition d’« accord » en 2009, l’article 45 ne s’appliquait pas aux accords entre acheteurs.
Points à retenir
La cause Latifi est la plus récente d’une série cohérente de décisions concernant le traitement des accords entre acheteurs, y compris les accords de non-débauchage, de non-embauche et de fixation des salaires, qui confirment toutes que les accords entre acheteurs ne sont pas visés par les dispositions criminelles du droit de la concurrence canadien. Il est important de noter qu’il s’agit d’une différence importante entre le droit canadien et le droit américain dans ce domaine et que les entreprises ayant des activités transfrontalières où le débauchage des employés pose problème (en particulier au sein d’un système de franchises ou de concessions) devraient envisager d’adopter une approche différente au Canada de celle qu’elles appliquent aux États-Unis ou dans d’autres territoires.
Les auteurs désirent remercier Katarina Wasielewski, étudiante en droit, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.