Qu’il s’agisse des modes de réalisation de projets « traditionnels » dans lesquels les risques du projet, l’exploitation et la propriété des actifs publics demeurent sous la gouverne de l’autorité publique, ou bien des modes de réalisation alternatifs en constante évolution, le développement d’infrastructures publiques continuera de nécessiter la participation d’intervenants à la fois du secteur privé et du secteur public.
PPP
Depuis l’invention du terme « PPP » aux États Unis dans les années 1960 en relation avec des projets de réaménagement urbain faisant appel à la participation d’investisseurs privés, ce modèle s’est imposé comme mode d’approvisionnement pour le secteur public partout dans le monde. Il a évolué en initiative de financement privé (Private Finance Initiative) au Royaume-Uni dans les années 1990, puis, en 2001, le PPP a été introduit en Ontario comme un mode alternatif d’approvisionnement (alternative financing procurement). Le PPP, ou P3, est une façon éprouvée d’obtenir des gains d’efficacité dans le cadre de la réalisation de projets d’infrastructures, objectif qui a été continuellement validé au moyen de l’évaluation de l’« optimisation des ressources » (value for money) par les autorités publiques et les autorités effectuant de telles évaluations.
Malgré les succès qu’il a connus, le modèle P3 peut être inadapté dans des situations propres à un projet comportant un degré élevé d’incertitudes, telles que les vices de construction dans les projets de réfection d’infrastructures existantes, les changements apportés aux cadres politiques et financiers, les risques liés à la demande, les besoins publics changeants ou l’évolution technologique. En raison de ces contraintes, une gamme plus large de modes de réalisation sont à l’étude pour améliorer les résultats tout en atténuant les risques liés aux incertitudes et autres complexités inhérentes à de tels projets.
Mode de réalisation de projet intégrée (RPI)
Provenant des États-Unis, la RPI a été utilisée pour la première fois au Canada en 2012, en Saskatchewan. En tant que mode de réalisation, la RPI se présente comme un accord multiphase et multipartite doté d’un mécanisme de risques-récompenses qui encourage l’optimisation des résultats.
La RPI favorise la collaboration et la communication au sein d’équipes multidisciplinaires ainsi que leur rapprochement dans le cadre de projets. De la phase de la validation (au cours de laquelle la viabilité des objectifs, la portée et le budget ciblé du projet sont confirmés), en passant par la phase de la conception et de l’approvisionnement (au cours de laquelle le coût cible final du projet est établi) jusqu’aux phases de la construction et de la garantie du projet, la RPI favorise une plus grande synergie au sein de l’équipe du projet dans le meilleur intérêt de celui-ci.
Alliance
L’alliance peut simplement être décrite comme un « contrat relationnel », aux termes duquel une autorité publique travaille de bonne foi en collaboration avec des parties du secteur privé, agissant avec intégrité et prenant les meilleures décisions pour le projet. L’alliance est dotée de caractéristiques clés, notamment : une structure de prix coûtant majoré, le partage des risques et des occasions, le principe de la responsabilité sans faute, l’exclusion de recours juridiques, la transparence par des communications ouvertes au sujet du projet et une structure de gestion conjointe.
Par opposition à d’autres modes, dont le P3 (où les risques sont généralement attribués aux parties chargées de gérer et d’assumer ces risques), l’alliance repose sur un partage collectif des risques et des bénéfices. Tous les risques et les résultats du projet sont partagés et gérés conjointement selon les modalités de l’accord. Grâce au mécanisme de risques récompenses entraînant un partage des gains et des pertes, l’alliance favorise une norme de conduite plus élevée de la part des parties dans le cadre de la réalisation de projets.
L’alliance peut être un mode bien adapté aux grands projets d’infrastructures indivisibles et complexes comportant un degré élevé d’incertitudes.
Mode de réalisation « conception et construction par étape » (CCE)
Le mode CCE est une variante du mode classique de « conception-construction ». Dans le cadre du mode CCE, l’autorité publique réalise le projet en deux phases distinctes : la phase 1 et la phase 2. Au cours de la phase 1, le concepteur-constructeur fournit des services préalables à la construction, y compris l’établissement des barèmes de prix pour les services de conception, les services d’estimation et de préparation de budget, les conseils sur la constructibilité, l’ingénierie de la valeur, la réalisation de travaux préliminaires et, le cas échéant, le rachat de contrats. La phase 2 comprend la conception, la construction, les essais et la mise en service du projet.
Une caractéristique distinctive du mode CCE est la « porte de sortie » qui est intégrée dans l’arrangement contractuel. Lorsque les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les termes et conditions pour la réalisation des travaux de la phase 2, l’autorité publique a alors la faculté de mettre fin à sa relation contractuelle et de réaliser le projet de toute autre manière qu’elle juge appropriée.
L’utilisation de ce mode réduit généralement l’échéancier lié à la phase d’approvisionnement et, par conséquent, les coûts inhérents au processus d’approvisionnement. Grâce à la participation active du constructeur dès les débuts du projet, le mode CCE permet d’accroître la fiabilité de l’évaluation des coûts du projet, offre plus d’occasions d’innover et favorise l’intégration et la cohésion au sein de l’équipe ainsi qu’une meilleure répartition des risques. On a vanté les mérites de l’utilisation de ce mode dans le cadre de projets municipaux, tels que les projets d’assainissement d’eau potable / eaux usées. Le mode CCE gagne également du terrain dans le domaine des infrastructures liées au transport.
Des modes de réalisation progressifs similaires continuent de voir le jour dans le domaine des P3, où les promoteurs adoptent des modes d’approvisionnement de type PPP progressifs, tels que le « mode de conception-construction-financement provisoire ».
Pour plus d’information sur le mode CCE, il y a lieu de consulter l’une de nos récentes publications ici.
Mode de gérance de construction
Le mode de gérance de construction est populaire dans le secteur industriel, commercial et institutionnel et a été utilisé dans le cadre de l’approvisionnement de certaines catégories d’actifs d’infrastructures publiques. Nous référons ici au mode de gérance de construction où le gérant agit comme entrepreneur général, ayant la responsabilité des travaux réalisés par les entrepreneurs spécialisés à qui il octroie des contrats, et non seulement comme un prestataire de services.
Le mode de gérance de construction peut être utile lorsque les plans et devis sont trop peu avancés pour établir un prix forfaitaire et que le propriétaire souhaite cerner les coûts du projet et intégrer le plus tôt possible un gérant de construction dans l’équipe du projet.
À l’instar d’autres modes collaboratifs comme le mode CCE, le mode de gérance de construction comporte principalement deux phases : la phase de préconstruction et la phase de construction. Participant très tôt à la planification et au développement du projet, le gérant de construction effectue de manière continue un examen des plans de conception et de construction, une évaluation des coûts et l’exécution de travaux préparatoires en mode accéléré (fast-track) et propose une ingénierie de la valeur et d’autres stratégies d’atténuation des coûts. Ce mode a été utilisé sous diverses formes, notamment sous la formule de gérant de construction/entrepreneur général dans le cadre de projets d’infrastructures routières et de transport.
Résumé et conclusion
Les projets d’infrastructures ne peuvent être réalisés aux termes d’un modèle universel. Chaque mode de réalisation comporte ses avantages et ses inconvénients. Certains modes sont plus adaptés que d’autres en fonction de l’envergure ou du niveau de complexité d’un projet, des objectifs liés à l’approvisionnement et du type d’ouvrage à réaliser. On peut s’attendre à ce que les modes de réalisation soient continuellement remaniés dans le futur pour faire naître des modes hybrides ou des méthodes sur mesure pour la réalisation d’infrastructures indispensables, permettant d’obtenir les résultats souhaités tout en suscitant l’intérêt des intervenants du secteur privé.