En décembre 2023, nous vous informions dans une publication des changements proposés par le gouvernement dans le cadre du projet de loi no 42, soit la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail (Loi). Après une période de consultation et une étude détaillée en commission lors de laquelle quelques amendements ont été apportés, le projet de loi a été sanctionné le 27 mars dernier. Le présent article fait état des principales dispositions en vigueur dès maintenant ainsi que de celles qui sont à venir. 


Dispositions en vigueur dès le 27 mars 2024

Nouvelle formation obligatoire pour les arbitres de grief : Pour pouvoir entendre un grief portant sur une situation de harcèlement psychologique, l’arbitre devra avoir suivi une formation sur la violence à caractère sexuel, aux conditions déterminées par le ministre du Travail après consultation du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre. 

Définition de la violence à caractère sexuel : La Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) inclut dorénavant à son article 1 la définition suivante :

« violence à caractère sexuel » : toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre.

Prévention du harcèlement provenant de « toute personne » : Depuis le 27 mars, les employeurs ont l’obligation explicite de prévenir et de faire cesser le harcèlement provenant de « toute personne », ce qui peut inclure un client ou un fournisseur. 

Par ailleurs, le défaut d’un employeur de se conformer à ses obligations légales en matière de prévention et de gestion du harcèlement psychologique, y compris le manquement à l’obligation d’adopter une politique, constitue maintenant une infraction pénale passible d’une amende de 600 $ à 6 000 $ pour une première infraction et de 1 200 $ à 12 000 $ pour toute récidive.

Application limitée des clauses d’amnistie : Une nouvelle disposition limitant les effets des clauses d’amnistie en cas de violence en milieu de travail a été adoptée. Il est maintenant expressément prévu qu’un employeur peut tenir compte de mesures disciplinaires antérieures imposées à un·e salarié·e en raison d’un comportement de violence physique ou psychologique, incluant la violence à caractère sexuel, au moment d’imposer une nouvelle mesure pour un tel comportement, et ce, malgré la présence d’une clause d’amnistie qui prévoirait le retrait de la mesure antérieure après une certaine période de temps.

Imputation des coûts d’une lésion professionnelle : Le coût des prestations dues en raison d’une lésion professionnelle résultant de la violence à caractère sexuel est imputé aux employeurs de toutes les unités. Notons que le projet de loi ne prévoit plus d’exception pour la violence à caractère sexuel qui serait commise par l’employeur, un·e de ses représentant·es dans ses relations avec les travailleur·euses ou un·e dirigeant·e de la personne morale. Cet amendement a été adopté afin d’éviter une trop grande judiciarisation des dossiers.

Dispositions en vigueur à compter du 27 septembre 2024

Contenu des politiques de prévention et de prise en charge du harcèlement psychologique : Parmi les nouveautés les plus significatives de la Loi figure une liste détaillée des éléments qui devront dorénavant être inclus de façon obligatoire dans les politiques de prévention et de prise en charge du harcèlement psychologique tels que la prévision de mesures en lien avec l’offre de formation, le processus d’enquête mis en place et la confidentialité du traitement des plaintes ou des signalements. Les employeurs ont donc intérêt à réviser, dès à présent, leurs politiques afin de s’assurer de leur conformité à cette nouvelle disposition d’ici à son entrée en vigueur. En cas de défaut d’adopter une politique conforme, les employeurs pourraient s’exposer à des amendes. 

Prolongation du délai pour déposer une réclamation en cas de lésion ou de maladie professionnelle : Tel que nous vous en informions précédemment, le délai pour produire une réclamation à la CNESST pour une lésion ou une maladie professionnelle résultant de la violence à caractère sexuel sera prolongé de six (6) mois à deux (2) ans. 

Nouvelles présomptions en matière d’accidents de travail et de maladies professionnelles : De nouvelles présomptions entreront en vigueur afin d’alléger le fardeau de preuve des travailleur·euses :

  • Lorsqu’un·e travailleur·euse est victime de violence à caractère sexuel de la part de son employeur, d’un·e de ses dirigeant·es s’agissant d’une personne morale, ou d’un·e collègue de travail, toute blessure ou maladie résultant de cette violence sera présumée être survenue « par le fait » ou « à l’occasion du travail ». 

Notez que la Loi ne prévoit plus d’exigence que la violence soit commise par un·e collègue d’un même établissement ni d’exception pour la violence survenue en contexte « strictement privé ».

  • Toute maladie qui survient dans les trois (3) mois suivant la violence à caractère sexuel subie par le·la travailleur·euse sur les lieux du travail sera présumée être une « lésion professionnelle ». 

Infractions en cas d’accès au dossier médical : En ce qui a trait au dossier médical détenu par la CNESST relativement à la lésion professionnelle d’un·e travailleur·euse, les nouvelles dispositions limitent les informations qu’un·e professionnel·le de la santé désigné·e par l’employeur peut transmettre à ce dernier. En effet, ces informations devront être limitées à celles qui sont nécessaires pour que l’employeur ait un résumé du dossier et un avis lui permettant d’exercer ses droits. 

La divulgation illégale d’informations par un·e professionnel·le de la santé ainsi que l’obtention ou la tentative d’obtention d’un dossier médical par un employeur constitueront des infractions passibles d’une amende de 1 000 $ à 5 000 $, dans le cas d’une personne physique, et de 2 000 $ à 10 000 $ dans le cas d’une personne morale.

Dispositions en vigueur à compter du 1er octobre 2025

Programme de prévention et plan d’action en matière de santé et de sécurité au travail : Lors de l’élaboration d’un programme de prévention ou d’un plan d’action en vertu de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST), les employeurs devront inclure la politique de prévention et de prise en charge du harcèlement psychologique élaborée conformément à la Loi sur les normes du travail

L’identification des risques psychosociaux devra considérer les risques liés à la violence à caractère sexuel.

Règlement entrant en vigueur à une date ultérieure

Mesures de prévention de la violence à caractère sexuel : Bien que l’obligation de prévenir et de faire cesser la violence à caractère sexuel soit déjà intégrée dans la LSST, le projet de loi prévoit qu’un règlement pourra venir préciser les mesures à prendre pour s’acquitter de cette obligation. Nous surveillerons donc tout projet de règlement qui pourrait être déposé en application de cette disposition. 

Conclusion

L’entrée en vigueur de la Loi nécessite pour les employeurs de revoir leurs pratiques et politiques en place en matière de prévention et de protection à l’encontre du harcèlement psychologique et de la violence à caractère sexuel en milieu de travail afin de s’assurer de se conformer aux nouvelles exigences. En effet, le non-respect des nouvelles obligations prévues par la Loi est susceptible d’engendrer d’importantes sanctions pour les employeurs. 

Par ailleurs, en sus de la Loi, le ministre du Travail du Québec a annoncé la création d’une équipe spécialisée en matière de violence à caractère sexuel au sein du Tribunal administratif du travail, composée de juges et de conciliateur·rices, afin de faciliter le processus pour les victimes. Il s’agit là d’une autre mesure significative témoignant du désir du gouvernement d’assurer des milieux de travail sains et sécuritaires, tout en facilitant l’exercice des recours dont disposent les personnes qui sont victimes de tels comportements. Nous encourageons donc les employeurs à faire preuve de diligence et de prudence accrue en la matière.



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