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Canada | Publication | 15 septembre 2021
La décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R v Barra1 est un appel des déclarations de culpabilité en 2019 de deux anciens employés impliqués dans l’affaire Cryptometrics sur des pots-de-vin étrangers. En appel, la cour a renversé les condamnations, a ordonné la tenue d’un nouveau procès et a précisé la mens rea pour corruption en vertu de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE).
En 2019, Robert Barra et Shailesh Govindia ont été accusés de corruption en infraction au paragraphe 3(1)(b) de la LCAPE. M. Barra était le cochef de la direction de Cryptometrics US, société de biométrie américaine tentant de fournir un logiciel de reconnaissance faciale à Air India par l’intermédiaire de sa filiale canadienne. M. Govindia était le chef de la direction d’Emerging Markets Group Holdings Ltd., société de services-conseils tierce qui a aidé Cryptometrics dans la vente. Il est présumé que M. Barra et plusieurs de ses associés ont soudoyé des fonctionnaires d’Air India et le ministre de l’Aviation civile indien, dans le but d’obtenir le contrat. Il est allégué que M. Govindia a participé à l’un des pots-de-vin.
Nous avons précédemment abordé la décision de la Cour d’appel de l’Ontario de confirmer la conviction de M. Karigar, dans le cadre du même stratagème de corruption allégué.
La décision de la Cour d’appel de l’Ontario est importante pour deux raisons principales :
À quel moment est-il approprié d’annuler un procès après une présentation tardive ou une non-présentation d’éléments de preuve?
M. Barra et M. Govindia ont porté leurs déclarations de culpabilité en appel pour de nombreux motifs, notamment celui que le juge de première instance avait fait une erreur en ne déclarant pas d’annulation de procès dans la foulée de la présentation tardive d’éléments de preuve par la Couronne. Après le dépôt de la preuve par la défense, la Couronne a donné avis de son intention de demander à l’ancien haut dirigeant de Cryptometrics, Dario Berini, de produire une contre-preuve. À ce moment-là, la Couronne a présenté, en quatre séries distinctes, les communications entre cette dernière et M. Berini qui ont eu lieu avant que M. Barra et M. Govindia soient tenus de choisir s’ils devaient présenter des preuves en défense. Cette preuve « a été étalée » et est devenue disponible à la défense uniquement à la suite de demandes précises. La Couronne n’a pas contesté le fait que le droit des appelants à une présentation de la preuve rapide avait été violé, mais a nié que la violation nuisait à leur capacité de présenter une défense pleine et entière.
La cour a jugé qu’un accusé doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le droit à une défense pleine et entière a été violé. De plus, pour qu’une annulation de procès soit reconnue comme un recours approprié, l’accusé doit démontrer une « possibilité raisonnable » que la non-présentation d’éléments de preuve ait influé sur l’issue ou l’équité globale du procès. Par exemple, l’accusé pourrait faire valoir que la présentation tardive ou la non-présentation de preuves par la Couronne l’a privé de stratégies de défense ou de pistes d’enquête « raisonnablement possibles ».
La cour a conclu que le retard dans la présentation de la preuve a révélé une relation « extraordinaire » existant entre M. Berini et le procureur principal de la Couronne, ce qui faisait en sorte que M. Berini n’était pas un « témoin ordinaire dans le cadre de la poursuite », mais plutôt un « joueur d’équipe ». L’omission, par la Couronne, de présenter rapidement l’information sur la participation de M. Berini dans cette affaire a convaincu la cour de l’existence d’une possibilité raisonnable que la présentation tardive d’information ait influé sur les décisions stratégiques des appelants au procès, notamment quant à la production d’une contre-preuve, et a donc compromis l’équité du procès. La cour a ainsi accueilli l’appel sur ce motif et ordonné la tenue d’un nouveau procès.
Quelle est la mens rea pour corruption en vertu de la LCAPE?
Au procès, le juge de première instance a conclu que M. Barra ne savait pas qu’Air India avait été constituée dans l’objectif de remplir une fonction au nom de l’État indien et que, par conséquent, il n’avait pas la mens rea nécessaire pour soudoyer certains fonctionnaires d’Air India.
La Couronne a demandé à la Cour d’appel de préciser cette affirmation parce que, à son avis, l’accusé n’a pas besoin de savoir que le récipiendaire d’un pot-de-vin était un « agent public étranger » selon la définition de la LCAPE; la Couronne a soutenu qu’une telle affirmation permettrait aux contrevenants de se servir d’une interprétation erronée de la loi comme moyen de défense.
La cour n’a pas retenu l’argument de la Couronne et a précisé qu’un accusé devait avoir connaissance de la fonction « officielle » de la personne à qui le pot-de-vin a été offert. De ce fait, pour former la mens rea nécessaire pour corruption en vertu de la LCAPE, l’accusé devait savoir que la personne à qui le pot-de-vin avait été offert satisfaisait aux caractéristiques décrites dans la définition d’« agent public étranger » prévue dans la LCAPE, soit :
Si la personne à qui le pot-de-vin est offert est employée par une société, il faut donc que l’accusé, pour avoir la mens rea nécessaire, sache non seulement que cette personne est employée par la société, mais également que la société a été constituée pour remplir une responsabilité ou une fonction au nom d’un État étranger. L’accusé n’a pas besoin de connaître la définition d’agent public étranger prévue dans la LCAPE, ni de savoir que le versement d’un pot-de-vin à une telle personne est illégal.
Bien qu’elle ne soit pas déterminante pour l’appel, la précision par la cour de l’aspect mental de la corruption est une nouveauté importante. À ce jour, très peu de poursuites ont été intentées en vertu de la LCAPE et cette précision de la mens rea donne certaines indications aux personnes qui seront impliquées dans de futures poursuites. Pour obtenir une déclaration de culpabilité pour corruption, les procureurs devront prouver, hors de tout doute raisonnable, qu’un accusé avait connaissance de la fonction « officielle » de la personne à qui le pot-de-vin a été offert.
Les auteurs désirent remercier Alexander Carden, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.
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