Les détails concernant les modifications proposées au Code canadien du travail (Code) annoncées dans le budget fédéral 2024 sont maintenant connus. Le 2 mai, la Loi d’exécution du budget de 2024, no 1 (LEB 2024) a passé l’étape de la première lecture. La LEB 2024 renferme plusieurs modifications proposées au Code.

Parmi celles-ci, les modifications proposées au Code suivantes présentent un intérêt particulier.


Présomption d’emploi

La LEB 2024 ajoute une nouvelle présomption de statut d’employé pour une « personne qui reçoit une rémunération de l’employeur ». Dans le cadre de toute procédure en vertu du Code autre qu’une poursuite, les employeurs auront dorénavant le fardeau de prouver que des personnes qui reçoivent une rémunération ne sont pas des employés. À l’heure actuelle, l’inverse s’applique normalement : une personne revendiquant le statut d’employé doit le prouver.

Cette nouvelle présomption s’applique à la partie I (Relations du travail), à la partie II (Santé et sécurité au travail) et à la partie III (Durée normale du travail, salaire, congés et jours fériés) du Code.

Le Code sera également modifié afin d’interdire aux employeurs de traiter un employé comme s’il n’en était pas un. Le faire peut entraîner l’émission d’une ordonnance, une obligation de verser une rémunération, la constatation d’une pratique déloyale ou une plainte assortie d’une enquête.

Ces modifications ne s’appliqueraient pas à une procédure intentée avant que le projet de loi ne reçoive la sanction royale. Les modifications relatives à la partie III ne s’appliqueraient qu’à une procédure visant une contravention survenue à compter du jour où le projet de loi reçoit la sanction royale.

À retenir

Le cadre juridique applicable pour évaluer si un travailleur est un entrepreneur indépendant ou un employé ne changera pas en fonction de ces modifications, mais cette nouvelle présomption et l’imposition à l’employeur du fardeau de réfuter le statut d’employé pourraient donner lieu à davantage de situations où le statut d’un entrepreneur est remis en question. Les employeurs seraient bien avisés de passer en revue leurs approches en matière de classification des travailleurs à la lumière de ces modifications au Code et de confirmer que les personnes engagées en tant qu’entrepreneurs indépendants présentent des indices confirmant le véritable statut d’entrepreneur indépendant. 

Politique sur la déconnexion du travail

La LEB 2024 ajoutera de nouvelles dispositions à la partie III du Code obligeant les employeurs à mettre en œuvre une « politique sur la déconnexion ». Cette politique doit comprendre :

  • une règle générale concernant les communications liées au travail en dehors des heures de travail prévues à l’horaire, notamment concernant les attentes de l’employeur et toute possibilité pour les employés de se déconnecter des moyens de communication;
  • toute exception à la règle générale et sa raison d’être;
  • la date de prise d’effet de la politique;
  • tout autre élément prévu par règlement.

Un employeur sera autorisé à exclure de l’application de la politique certains employés (p. ex. des gestionnaires, certains professionnels). Un employeur et un syndicat peuvent s’entendre pour traiter de ces exigences dans une convention collective plutôt que dans une politique distincte.

Pour élaborer cette politique, l’employeur doit consulter les employés touchés (ou le syndicat concerné) et, dans le cas d’employés non syndiqués, offrir un délai de 90 jours pour la rétroaction. Il doit conserver un registre des consultations. 

Au plus tard à la date où elle entre en vigueur, la politique doit être affichée visiblement dans le lieu de travail, et l’employeur doit fournir un exemplaire papier ou électronique à chaque employé touché dans les 30 jours à compter de la date à laquelle la politique s’applique à chaque employé. L’employeur doit fournir un exemplaire dans un format accessible sur demande.

Cette exigence d’adopter une politique entrera en vigueur à une date que fixera le gouvernement, et les employeurs auront un an pour élaborer leur politique. Cette politique devra être mise à jour tous les trois ans.

À retenir

Cette nouvelle exigence de politique ne crée pas un droit positif pour les employés de se déconnecter du travail, mais seulement une obligation pour les employeurs d’expliquer les procédures entourant la limitation des communications en dehors des heures de travail. Cette exigence est semblable à la « politique sur la déconnexion du travail » exigée par la Loi de 2000 sur les normes du travail de l’Ontario.

Toutefois, à la différence de l’Ontario, les employeurs assujettis au Code doivent consulter les employés dans le cadre de l’élaboration de la politique. Cette tendance commence à s’installer en ce qui a trait aux nouvelles exigences de politique en milieu de travail sous compétence fédérale. Une obligation de consultation similaire avait été incluse dans l’obligation d’élaborer un plan d’accessibilité en vertu de la Loi canadienne sur l’accessibilité.

Admissibilité au préavis et à l’indemnité de départ

La LEB 2024 modifiera la partie III du Code afin de préciser qu’un employé a droit à un préavis de licenciement ou à une indemnité tenant lieu de préavis et à une indemnité de départ en vertu du Code, et ce, peu importe si l’employé répond ou non aux critères pour déposer une plainte pour congédiement injuste en vertu du Code. En outre, le fait que l’employeur verse ces sommes n’influera pas sur le droit de l’employé d’exercer un recours pour congédiement injuste. Cette modification entrera en vigueur à une date que fixera le gouvernement. Une fois qu’elle sera entrée en vigueur, elle s’appliquera à toute plainte ou réclamation en cours.

À retenir

Il y a eu de la confusion parmi les décideurs sur ce point depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans Wilson c. Énergie Atomique du Canada Ltée. Ces modifications mettraient fin à cette confusion.

Les employeurs devraient également prendre note qu’en date du 1er février 2024, le Code a été modifié afin d’augmenter le préavis de licenciement ou l’indemnité tenant lieu de préavis à l’intention des employés, jusqu’à une nouvelle durée maximale de huit semaines. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter notre bulletin intitulé Droits accrus à venir en cas de licenciement pour les employés du secteur privé sous réglementation fédérale.



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