Obligations d’information liées au climat pour les sociétés privées constituées sous le régime fédéral
Le 9 octobre dernier, le gouvernement fédéral canadien a publié un communiqué de presse annonçant son intention de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) afin de rendre obligatoire la présentation d’informations financières liées au climat pour les grandes sociétés privées constituées sous le régime fédéral et d’élaborer des « lignes directrices sur l’investissement durable fait au Canada ». Ces mesures font suite aux engagements pris dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023 et dans le budget de 2024 portant, entre autres, sur l’élaboration d’une taxonomie de la finance durable définissant les investissements « verts » et « de transition ».
Des modifications à la LCSA en vue de rendre obligatoire la présentation d’informations financières liées au climat pour les grandes sociétés privées constituées sous le régime fédéral seront proposées et le gouvernement fédéral lancera un processus réglementaire pour déterminer la substance de ces exigences en matière de divulgation et la taille des sociétés fédérales qui y seraient assujetties. Bien que les petites et moyennes entreprises ne soient pas visées par ces exigences, le gouvernement fédéral envisage différentes manières de les encourager à divulguer volontairement de telles informations.
Le communiqué de presse contient une déclaration selon laquelle le gouvernement fédéral est prêt à collaborer avec ses partenaires provinciaux et territoriaux pour « assurer la couverture d’une divulgation généralisée dans l’ensemble de l’économie canadienne » et indique, de plus, que des efforts seront faits pour harmoniser les exigences prévues par la LCSA avec les règles de présentation d’informations liées au climat des organismes de réglementation des valeurs mobilières canadiens.
Aucun détail quant au moment où ces modifications seront adoptées, à la façon dont elles le seront, aux critères de taille des sociétés visées ou aux conditions de fond n’a encore été publié.
Cette annonce survient au moment où les entreprises s’efforcent de gérer les incidences pouvant découler des modifications apportées à la Loi sur la concurrence par le récent projet de loi C 59 sur l’écoblanchiment et de répondre aux questions qu’elles soulèvent. Il importe de bien comprendre l’interaction entre les modifications projetées visant la LCSA et les règles en matière d’écoblanchiment.
Lignes directrices fédérales sur l’investissement durable
Le gouvernement fédéral s’est également engagé à élaborer des « lignes directrices sur l’investissement durable fait au Canada » (la taxonomie) qui, contrairement aux exigences en matière de divulgation liées au climat proposées, ne seront pas obligatoires et ne s’appliqueront pas seulement aux grandes sociétés privées constituées sous le régime fédéral, mais vraisemblablement à un ensemble plus vaste d’entreprises. De manière générale, la taxonomie établira des catégories et des définitions afin d’aider les investisseurs à déterminer si l’activité économique est « verte » ou « de transition » dans le but « d’accélérer le déploiement d’investissements en appui à la transition carboneutre canadienne en permettant aux investisseurs de mieux comprendre et de communiquer quels investissements et activités clés favorisent l’atteinte d’une économie canadienne carboneutre ».
La taxonomie sera établie et régie par une ou plusieurs organisations tierces externes et se concentrera initialement sur les secteurs suivants : électricité, transports, immobilier, agriculture et foresterie, fabrication et industries extractives, y compris l’extraction et le traitement des ressources minières et le gaz naturel. Selon le communiqué de presse, une taxonomie pour deux ou trois secteurs prioritaires sera publiée dans les douze mois suivant le début des travaux sur la taxonomie. Le gouvernement fédéral a publié également un document d’information au sujet de la taxonomie en complément du communiqué de presse.
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario – Aperçu de l’approche du personnel de la CVMO en matière de finance durable
Le 7 octobre, soit deux jours avant la publication du communiqué de presse du gouvernement fédéral, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a publié le document Insights on the OSC Staff’s Approach to Sustainable Finance. Ce document contient un avant-propos du chef de la direction de la CVMO et n’a été publié avec le concours d’aucune autre autorité canadienne en valeurs mobilières. Ce document présente le rôle que la CVMO joue au sein de l’écosystème de la finance durable sans donner, en raison de la nature de ce document, de détail sur des mesures réglementaires actuelles ou projetées. Néanmoins, il est possible d’en dégager les priorités suivantes pour la CVMO à court et à moyen terme :
- tendre vers l’établissement d’exigences en matière de divulgation liées au climat pour les sociétés ouvertes adaptées à leur taille;
- encadrer le travail de diverses organisations afin de concevoir des normes éthiques pouvant être utilisées pour la présentation d’informations relatives aux missions de certification en matière de durabilité;
- étudier les commentaires reçus en réponse aux propositions d’obligation d’information en matière de diversité publiées en avril 2023 et tenter d’harmoniser l’approche à cet égard;
- évaluer les possibilités d’étoffer le rôle du comité d’audit et la portée de la divulgation entourant les questions de gouvernance, comme les procédures de dénonciation et le recours à des audits internes;
- suivre l’évolution des pratiques entourant la tenue d’assemblées d’actionnaires virtuelles, y compris revoir l’information communiquée dans les documents relatifs à la sollicitation de procurations;
- poursuivre le dialogue avec les communautés autochtones sur les questions relatives à leur participation aux marchés financiers;
- continuer d’analyser les produits de finance durable;
- veiller à ce que la CVMO exerce une surveillance adéquate des entités d’infrastructure financière émergentes, comme les bourses du carbone.
Conclusion
En fonction du moment où les modifications à la LCSA seront adoptées et de la réponse des autorités en valeurs mobilières, il se pourrait que les grandes sociétés privées constituées sous le régime de la LCSA soient non seulement assujetties à des obligations d’information plus importantes que les grandes sociétés privées constituées sous le régime d’une loi provinciale, mais aussi à des obligations d’information plus importantes que les sociétés ouvertes. Il est permis de croire que cette dernière conséquence, plutôt inusitée, serait involontaire. Nous surveillerons de près l’évolution de ce dossier.