Le 11 janvier 2016, dans une affaire qui illustre comment les tribunaux de l’Ontario peuvent traiter les infractions en matière de santé et sécurité, le superviseur Vadim Kazenelson de Metron Construction a été reconnu coupable de quatre chefs d’accusation de négligence criminelle causant la mort et d’un chef d’accusation de négligence criminelle causant des blessures corporelles pour son rôle dans l’effondrement d’un échafaudage sur un chantier à Toronto en 20091. Le juge Ian MacDonnell a condamné M. Kazenelson à trois années et demie de prison. Le juge MacDonnell a dit de la sentence qu’elle était proportionnelle à la gravité et aux conséquences des infractions commises par M. Kazenelson.
Faits
La veille de Noël 2009, six employés de Metron, dont le contremaître du chantier, sont montés sur un échafaudage qu’ils utilisaient pour grimper sur des balcons d’une tour d’habitation et les réparer. M. Kazenelson, qui était arrivé plus tard que les autres, passait les outils aux membres de son équipe alors que ceux-ci se dépêchaient de terminer le projet. L’équipe avait pris du retard et Metron allait recevoir une prime de 50 000 $ si le projet était terminé avant la fin de l’année.
Vers 16 h 30, l’échafaudage s’est effondré du 13e étage, tuant quatre des employés et en blessant grièvement un cinquième. Un sixième employé s’est retrouvé suspendu à un harnais de sécurité, ce qui l’a sauvé. Les quatre travailleurs qui sont morts dans l’effondrement étaient des immigrants récemment arrivés d’Europe de l’Est. Cet accident, le pire dans le domaine de la construction à survenir à Toronto depuis plus de 50 ans, a déclenché une révision et des modifications éventuelles de la Loi sur la santé et la sécurité au travail en vue d’augmenter les mesures de protection des travailleurs et réduire les accidents.
M. Kazenelson et Metron ont été accusés de négligence criminelle en vertu du Code criminel. Une amende de 200 000 $ a été imposée à Metron après que celle-ci ait plaidé coupable en 2012 à l’un des chefs d’accusation de négligence criminelle, devenant la première société à être condamnée en Ontario en vertu des nouveaux articles du Code criminel relatifs aux obligations en matière de santé et sécurité au travail. La Cour d’appel de l’Ontario a ensuite fait passer l’amende à 750 000 $, l’amende la plus élevée jamais imposée à l’égard de la responsabilité pénale d’une entreprise. Le propriétaire de la société a été condamné à payer une somme additionnelle de 112 500 $ après avoir plaidé coupable à quatre violations de la Loi sur la santé et la sécurité au travail.
Sentence
D’après la preuve présentée au tribunal, M. Kazenelson s’était enquis auprès du contremaître du caractère adéquat des harnais de sécurité. Bien que les travailleurs ne disposaient que de deux harnais, le contremaître a dit à M. Kazenelson de ne pas s’inquiéter, puis la question a été oubliée. Par la suite, il a été déterminé que le soudage défectueux de l’échafaudage était responsable de l’effondrement.
Il a été jugé que M. Kazenelson avait fait preuve « d’une insouciance déréglée ou téméraire » à l’égard de la vie ou de la sécurité des membres de son équipe lorsqu’il a été informé que les mesures de protection contre les chutes n’étaient pas en place et que, néanmoins, il a permis à son équipe de continuer à travailler. Le juge MacDonnell a reconnu qu’il était raisonnable que M. Kazenelson délègue l’inspection quotidienne de l’échafaudage et des harnais à son contremaître. Toutefois, à partir du moment où M. Kazenelson a constaté qu’il manquait des harnais, il avait l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour remédier à cette lacune. Il a été jugé que son manquement à cet égard a constitué un écart marqué par rapport à ce qu’un superviseur raisonnable aurait dû avoir fait.
En rendant sa sentence de trois et demi de prison, le juge MacDonnell a décrit la séquence des événements comme suit : M. Kazenelson reconnaît le risque, le soupèse par rapport à l’intérêt de Metron de poursuivre le travail et décide de prendre le risque. Jugeant que cette décision ne découlait pas que d’un manque de jugement momentané, le juge MacDonnell a fait ressortir son obligation de rendre une sentence capable de dissuader d’autres personnes de commettre les mêmes erreurs.
Ramifications
Cette décision établit un précédent important en Ontario, puisqu’elle est la première rendue en vertu du Code criminel qui impose une obligation légale positive aux superviseurs de prendre les mesures raisonnables pour protéger la sécurité de leurs travailleurs.
Note
1 R. v Vadim Kazenelson, 2016 ONSC 25 (Can LII).