Le 28 octobre 2022, le gouvernement du Canada a publié une nouvelle politique (politique) sur la façon dont la Loi sur Investissement Canada (LIC) sera appliquée aux investissements faits par des entreprises d’État étrangères dans les secteurs des minéraux critiques au Canada et les chaînes d’approvisionnement connexes1. La politique vise aussi les investisseurs privés qui sont étroitement liés à des gouvernements étrangers. Aux termes de la nouvelle politique, les demandes d’examen relatives aux acquisitions de contrôle d’une entreprise canadienne mettant en jeu des minéraux critiques par des entreprises d’État étrangères ne seront approuvées qu’à titre exceptionnel. Par ailleurs, la politique prévoit que la prise de participation par une entreprise d’État étrangère dans une entreprise canadienne exerçant ses activités dans un secteur de minéraux critiques ou une chaîne d’approvisionnement connexe sera automatiquement soumise à un examen approfondi pour des motifs de sécurité nationale.
Dans une déclaration conjointe, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (ministre de l’ISDE) et le ministre des Ressources naturelles annoncent que la politique a pour but de protéger les secteurs des minéraux critiques contre les entreprises d’État étrangères.
Une déclaration ultérieure confirme que la politique a déjà été appliquée et que des investisseurs étrangers ont reçu l’ordre de se départir de leurs investissements dans des entreprises canadiennes actives dans les secteurs des minéraux critiques.
Aperçu de la Loi sur Investissement Canada
En général, toute acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne par un non-Canadien doit faire l’objet d’un avis ou d’un examen en vertu de la LIC, en fonction de la structure de l’opération et de la valeur et de la nature de l’entreprise canadienne acquise. Sous réserve de certaines exceptions, le gouvernement fédéral doit être d’avis qu’une opération assujettie à l’examen « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada » avant que la clôture ne puisse avoir lieu. Les opérations devant faire l’objet d’un avis (qui ne sont pas soumises à l’examen de l’avantage net) doivent être signalées au gouvernement fédéral dans un délai d’au plus 30 jours suivant leur clôture.
L’établissement d’une nouvelle entreprise canadienne par un non-Canadien doit également faire l’objet d’un avis en vertu de la LIC.
Outre l’examen relatif à l’avantage net ou le processus de remise d’un avis, la LIC prévoit que tout investissement dans une entreprise canadienne par un non-Canadien pourrait devoir faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale, quelle que soit la structure ou la valeur de cet investissement, si le ministre de l’ISDE a des motifs raisonnables de croire que l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale.
Les investissements qui ne nécessitent pas d’avis en vertu de la LIC, mais qui pourraient soulever des préoccupations sur le plan de la sécurité nationale peuvent aussi faire l’objet d’un dépôt d’avis volontaire auprès du gouvernement, y compris en ce qui concerne l’acquisition d’une participation non majoritaire dans une entreprise canadienne2.
Principaux points à retenir concernant la nouvelle politique sur les minéraux critiques
Les opérations devant faire l’objet d’un examen ne seront approuvées qu’à titre exceptionnel
Le gouvernement du Canada avait déjà reconnu que les minéraux critiques sont essentiels à la prospérité économique future et à la sécurité nationale du Canada. En mars 2021, le gouvernement a mis à jour ses Lignes directrices sur l'examen relatif à la sécurité nationale des investissements, lesquelles ajoutaient le secteur des minéraux critiques aux secteurs pouvant être soumis à un examen approfondi selon les processus d’examen relatif à la sécurité nationale prévus par la LIC3.
Aux termes de la politique, les opérations devant faire l’objet d’un examen qui mettent en jeu l’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne du secteur des minéraux critiques par une entreprise d’État étrangère ne seront approuvées en vertu de la LIC qu’à titre exceptionnel4. La liste qui suit présente certains des facteurs qui seront examinés pour déterminer si un tel investissement étranger serait à l’avantage net du Canada :
- la mesure dans laquelle un État étranger peut exercer un contrôle opérationnel et stratégique sur l’entreprise canadienne;
- le niveau de concurrence actuel et le risque d’une concentration importante de la propriété étrangère dans le secteur;
- la question de savoir si l’entreprise d’État étrangère respecte les normes et les principes canadiens en matière de gouvernance d’entreprise de même que les lois pertinentes et les principes d’affaires;
- la question de savoir si l’entreprise acquise poursuivra ses activités à des fins commerciales (par exemple : dans le cas des produits exportés ou transformés, la participation de Canadiens à ses activités et l’effet de l’investissement sur la productivité et le rendement industriel au Canada).
Examen plus approfondi sous l’angle de la sécurité nationale
La politique prévoit également que la participation d’une entreprise d’État étrangère dans tout investissement qui touche une entreprise canadienne exerçant ses activités dans le secteur des minéraux critiques aura pour effet d’étayer la conclusion selon laquelle il existe des motifs raisonnables de croire que l’investissement est susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada, déclenchant du coup le processus d’examen relatif à la sécurité nationale de la LIC. La politique s’applique à tous les investissements, qu’ils soient directs ou indirects, qu’ils soient avec ou sans contrôle, et ce, à toutes les étapes de la chaîne de valeur (p. ex. exploration, développement et production, transformation et raffinage des ressources, etc.).
La politique, qui s’ajoute au mécanisme d’examen plus poussé annoncé en mars 2021, comprend les facteurs suivants dont le gouvernement tiendrait compte, entre autres éléments, pour évaluer si une opération mettant en jeu des minéraux critiques porterait atteinte à la sécurité nationale :
- la taille, la portée et l’emplacement de l’entreprise canadienne;
- la nature et la valeur stratégique pour le Canada des actifs miniers ou de la chaîne d’approvisionnement en jeu;
- le degré de contrôle ou d’influence qu’une entreprise d’État étrangère serait susceptible d’exercer sur l’entreprise canadienne, la chaîne d’approvisionnement et l’industrie;
- l’effet que l’opération pourrait avoir sur la capacité des chaînes d’approvisionnement canadiennes d’exploiter l’actif ou d’accéder à d’autres sources;
- les circonstances géopolitiques actuelles et l’effet potentiel sur les relations entre pays alliés.
Le facteur lié aux circonstances géopolitiques est de vaste portée et procurera vraisemblablement au gouvernement du Canada une marge de manœuvre importante pour s’assurer que seuls des pays partageant des valeurs similaires peuvent investir dans les minéraux critiques du Canada.
Le 2 novembre 2022, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il avait ordonné par décret à trois investisseurs étrangers de se départir de leurs investissements dans des entreprises canadiennes du secteur des minéraux critiques spécialisées dans le lithium. Ces décrets sont le résultat d’un examen des investissements en vertu des dispositions en matière d’examen relatif à la sécurité nationale de la LIC. Au moins deux investissements dont doivent se départir les investisseurs visés par les décrets sont dans des sociétés minières spécialisées dans le lithium ayant leur siège social au Canada mais dont les activités sont principalement exercées à l’étranger. Bien que les conclusions de tout examen relatif à la sécurité nationale reposent largement sur des questions factuelles, il appert clairement que les investissements étrangers dans des entreprises canadiennes du secteur des minéraux critiques dont les actifs se trouvent à l’extérieur du Canada pourraient être bloqués pour des motifs de sécurité nationale. Dans la déclaration connexe, le ministre de l’ISDE a souligné que le gouvernement demeurait résolu à attirer les investissements étrangers directs de partenaires partageant des intérêts et des valeurs semblables à ceux du Canada.
Le gouvernement du Canada a également publié le Rapport annuel 2021-22 se rapportant à l’application de la Loi sur Investissement Canada qui fait état d’un nombre record de dossiers d’investissements déposés au cours de la dernière année. De façon plus particulière, les avis d’investissement qui doivent être déposés lorsque des non-Canadiens constituent une nouvelle entreprise canadienne ou acquièrent le contrôle d’une entreprise canadienne ont connu un bond de 50 % au cours de l’exercice 2021-22 comparativement à l’exercice précédent5. Les opérations font également l’objet d'examens de plus en plus approfondis sur le plan de la sécurité nationale et depuis l’entrée en vigueur des dispositions en matière de sécurité nationale en 2009, le gouverneur en conseil a ordonné que soient réalisés 52 examens relatifs à la sécurité nationale, près de la moitié de ceux-ci ayant été ordonnés au cours des deux dernières années.
Conclusion
La politique et les décrets de dessaisissement délivrés par le gouvernement envoient un message clair : le Canada n’hésitera pas à protéger son précieux secteur des minéraux critiques contre les investissements étrangers qui portent atteinte à la sécurité nationale ou qui ne sont pas à l’avantage du Canada. Les entités qui envisagent de prendre part à des investissements étrangers dans des entreprises canadiennes actives dans les secteurs des minéraux critiques et les chaînes d’approvisionnement connexes auraient intérêt à examiner l’incidence de cette politique avec des conseillers rompus aux subtilités de la LIC bien avant d’entreprendre un investissement proposé.
Les auteurs souhaitent remercier Carl Farah, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.