La présente actualité juridique fait état des dernières tendances en matière de gouvernance et de divulgation et de nos recommandations en vue de la prochaine saison des procurations. En 2025, les administrateurs devront composer avec un contexte complexe marqué par des incertitudes géopolitiques et macroéconomiques. Il sera donc crucial de parvenir à trouver le juste équilibre entre des tendances, des attentes des parties prenantes et des exigences réglementaires contradictoires.


Où le revirement en matière d’ESG s’arrêtera-t-il?

Déclarations environnementales : Respecter les attentes en matière de communication de l’information tout en évitant une éventuelle responsabilité

Le 24 juin 2024, de nouvelles dispositions de la Loi sur la concurrence1 concernant l’écoblanchiment sont entrées en vigueur avec l’adoption du projet de loi C-59, confirmant ainsi que les possibilités d’écoblanchiment restent une priorité en matière d’application de la loi. Plus précisément, ces dispositions interdisent ce qui suit :

  • pour les indications environnementales propres à un produit, « sous la forme d’une déclaration ou d’une garantie visant les avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques, [les] indications qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée » (sous-alinéa 74.01(1)b.1) de la Loi sur la concurrence);
  • pour les indications environnementales pour l’ensemble de l’entreprise, les « indications sur les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques si les indications ne se fondent pas sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale » (sous-alinéa 74.01(1)b.2) de la Loi sur la concurrence).

Ces dispositions ont été source de beaucoup d’incertitudes, notamment en ce qui concerne la signification et la portée des expressions « épreuve suffisante et appropriée » et « méthode reconnue à l’échelle internationale », étant donné qu’elles ne sont pas actuellement définies dans la Loi sur la concurrence. Le Bureau de la concurrence mène actuellement une consultation publique sur les propositions de lignes directrices relatives à ces nouvelles dispositions; une rétroaction est prévue le 28 février 2025 au plus tard2. Les propositions de lignes directrices ne prévoient pas où et quand les entreprises peuvent faire des déclarations environnementales, mais clarifient les principaux concepts et termes utilisés dans les nouvelles dispositions et fournissent six principes pour aider les entreprises à déterminer si leurs déclarations environnementales sont conformes aux exigences de la Loi sur la concurrence.

Il convient de noter que, selon les propositions de lignes directrices, le Bureau de la concurrence considérera probablement qu’une méthode est « reconnue à l’échelle internationale » si elle est reconnue par au moins deux pays. Il reste à confirmer si les normes de communication de l’information obligatoires (qui pourraient être publiées par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières [ACVM] et adoptées à l’échelle provinciale et territoriale) ou des normes de communication de l’information sur une base volontaire publiées par des organismes comme le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID) (voir ci-après) seront reconnues comme des « méthodes reconnues à l’échelle internationale » auxquelles les entreprises pourront se fier lorsqu’elles formuleront des déclarations environnementales pour l’ensemble de leurs activités.

Par ailleurs, les propositions de lignes directrices indiquent que le Bureau de la concurrence se concentre sur les indications données au public dans du matériel de marketing et de promotion plutôt que sur les indications données exclusivement à une fin différente, par exemple celles données aux investisseurs et actionnaires dans le cadre de dépôts de documents relatifs aux valeurs mobilières. Il sera intéressant de voir si cette ligne directrice sapera le phénomène d’« écosilence » qu’on observe depuis l’entrée en vigueur des dispositions sur l’écoblanchiment, comme nous l’avons rapporté dans notre récente actualité juridique (en anglais).

Dans tous les cas, comme il est mentionné dans les propositions de lignes directrices, il convient de garder à l’esprit que ces dernières sont représentatives de l’opinion du Bureau de la concurrence et ne sont pas contraignantes pour le Tribunal de la concurrence ou les parties privées qui peuvent porter une affaire devant lui.

Les entreprises reconnues coupables d’enfreindre les dispositions sur les pratiques commerciales trompeuses s’exposent à d’importantes sanctions. Il peut s’agir d’ordonnances les obligeant à mettre fin au comportement en question, d’avis correctifs et/ou de sanctions pécuniaires administratives qui peuvent représenter jusqu’à 3 % des recettes globales de l’entreprise. Actuellement, le Tribunal de la concurrence peut ordonner des dommages-intérêts restitutoires, mais ce recours s’applique seulement à la disposition générale sur les indications fausses ou trompeuses sur un point important (sous-alinéa 74.01(1)a) de la Loi sur la concurrence). Toutefois, les parties privées s’appuieront vraisemblablement à la fois sur les nouvelles dispositions anti-écoblanchiment et cette disposition générale lorsqu’elles présenteront des réclamations.

Communication de l’information liée au changement climatique : à quoi faut-il s’attendre?

Les normes relatives aux rapports volontaires sur l’information liée au changement climatique arrivant à échéance et les organismes de réglementation harmonisant leurs approches, les conditions sont réunies pour que des modifications réglementaires majeures soient mises en œuvre en 2025.

Émetteurs assujettis canadiens

En juin 2023, le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB) a publié ses deux premières normes d’information sur la durabilité, IFRS 1 et IFRS 2, lesquelles portent respectivement sur les obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité et aux changements climatiques. Si leur adoption reste entièrement volontaire au Canada, ces deux normes ont pris effet pour les périodes de déclaration annuelles à compter du 1er janvier 2024, leur application anticipée étant permise. Tout au long de 2024, l’ISSB a tenu plusieurs réunions sur la mise en œuvre de ces normes et travaille actuellement sur du contenu de formation et de renforcement des capacités3.

Le 18 décembre 2024, le CCNID a publié une version « canadienne » des normes de l’ISSB, les Normes canadiennes d’information sur la durabilité (NCID). La NCID 1 (obligations générales) et la NCID 2 (informations à fournir en lien avec les changements climatiques) qui en découlent concordent avec IFRS 1 et IFRS 2, à l’exception des allégements transitoires concernant l’échéancier des obligations d’information qui sont prévus dans la NCID 1 et la NCID 2 pour certaines des exigences plus lourdes4. À l’instar d’IFRS 1 et d’IFRS 2, les NCID sont des normes volontaires au Canada, bien qu’elles aient été intégrées au Manuel de durabilité de CPA Canada.

Les NCID ayant été finalisées, les ACVM prévoient une nouvelle ronde de consultations publiques portant sur une version révisée d’un règlement sur l’information à fournir en matière de changement climatique5. Il convient de noter que les ACVM ont également mentionné qu’elles observeraient et évalueraient l’évolution de la question à l’international, y compris l a règle relative à l’information sur le changement climatique de la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis approuvée le 6 mars 2024 et actuellement suspendue dans l’attente du règlement d’un litige6. Les ACVM ont fait savoir que tout règlement émanant d’elles viserait les obligations d’information liées au changement climatique et non les obligations d’information plus vastes liées à la durabilité. La NCID 2, qui porte sur l’information à fournir en lien avec les changements climatiques, devra être correctement intégrée à un règlement des ACVM adopté par les organismes de réglementation en valeurs mobilières avant qu’il ne devienne obligatoire pour les sociétés ouvertes canadiennes.

Plusieurs sociétés composant l’indice TSX 60 se préparent aux modifications imminentes : 36,6 % des grands émetteurs canadiens ont indiqué suivre l’évolution des normes de l’ISSB, voire prendre activement des mesures pour commencer à s’y conformer, dans leurs derniers rapports sur la durabilité (ou rapports similaires). Dans l’intervalle, la proportion d’émetteurs qui respectent les autres cadres de communication volontaire d’information reconnus à l’échelle mondiale a enregistré une croissance soutenue au cours de la dernière année :

 

Cadre de communication volontaire d’information

 

Proportion d’émetteurs composant l’indice TSX 60 indiquant respecter le cadre de communication volontaire d’information

 2022       2023       2024iii

Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques (GTIFCC) ou normes S1/S2 du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB)

Sustainability Accounting Standards Board (SASB)

Global Reporting Initiative (GRI)

75.0%i

80.0%

75.0%

75.0%ii

88.3%

81.7%

78.6%

92.9%

83.9%

i Y compris quatre émetteurs en cours d’adoption du cadre GTIFCC.
ii Y compris un émetteur en cours d’adoption du cadre GTIFCC.
iii Les données pour 2024 ont été recueillies auprès de 56 émetteurs, quatre ayant décidé de ne pas publier de rapports sur la durabilité (ou rapports similaires) en réaction aux récentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence.

Institutions financières

Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), chargé de surveiller les institutions financières fédérales et les régimes de retraite fédéraux, a publié la Ligne directrice B-15 en mars 2023. Ce règlement énonce les attentes du BSIF à l’égard des institutions financières fédérales concernant la gestion des risques climatiques. La Ligne directrice B-15 comprend des exigences en matière de communication de l’information liée au changement climatique qui concordent avec le modèle de communication de l’information du GTIFCC/des IFRS et qui visent la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques et les indicateurs et objectifs. Selon les institutions, certaines exigences ont pris effet pour l’exercice clos en 2024, tandis que d’autres entreront en vigueur pour les exercices 2025 et 2026.

Comme nous l’avons indiqué dans notre récente actualité juridique, les organismes de réglementation provinciaux et territoriaux peuvent imposer aux institutions financières relevant de leur compétence des obligations de communication de l’information liée au changement climatique. Au Québec, l’Autorité des marchés financiers (AMF), organisme de réglementation du secteur financier au Québec, a publié le 4 juillet 2024 la version définitive de sa Ligne directrice sur la gestion des risques liés aux changements climatiques, qui établit un calendrier des attentes pour l’exercice 2024 ou 2025 envers les institutions financières selon le regroupement dans lequel elles ont été classées par l’AMF.

Sociétés privées fédérales

Comme nous l’avons indiqué dans notre récente actualité juridique, le gouvernement fédéral canadien a annoncé en octobre 2024 son intention de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions7 (LCSA) afin de rendre obligatoire la présentation d’informations financières liées au climat pour les grandes sociétés privées constituées sous le régime fédéral. Cette intention a été confirmée dans l’Énoncé économique de l’automne de 2024. Aucun détail quant au moment où ces modifications seront adoptées, à la façon dont elles le seront, aux critères de taille des sociétés visées ou aux conditions de fond n’a encore été publié. 

Préparation à la deuxième année de l’obligation en matière de rapport sur l’esclavage moderne

La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement du Canada8 (communément appelée « loi sur l’esclavage moderne ») est entrée en vigueur l’année dernière. Pour un aperçu détaillé de cette loi et des obligations de faire rapport connexes, veuillez consulter notre précédente actualité.

En novembre 2024, dans la foulée de son examen de la première année de l’obligation de faire rapport au cours de laquelle plus de 5 650 entités ont publié leur rapport sur l’esclavage moderne, Sécurité publique Canada a modifié ses lignes directrices afin de clarifier certaines questions d’interprétation clés. Comme nous l’avons abordé plus en détail dans notre récente actualité juridique, les modifications précisent les organisations qui sont tenues de faire rapport en vertu de la loi sur l’esclavage moderne ainsi que la portée de cette obligation. Alors qu’elles se préparent à la deuxième année d’application de la loi, les organisations devraient déterminer si elles sont tenues de préparer leur rapport aux termes des lignes directrices modifiées et quelles mesures elles devraient prendre pour atténuer les risques d’un recours au travail forcé ou au travail des enfants dans leurs chaines ou activités d’approvisionnement. Les entités déclarantes pourraient également trouver utile de consulter les principales conclusions découlant de notre examen des rapports soumis lors de la première année d’application de l’obligation de déclaration. Enfin, les organisations qui étaient juste en deçà ou légèrement au-dessus des seuils financiers pertinents en 2024 devraient réexaminer leur obligation de publier un rapport sur l’esclavage moderne, surtout après une acquisition ou une cession importante.

Gestion des questions de DEI dans le contexte d’un mouvement « anti-woke »

Ces dernières années, dans la foulée de la mort de George Floyd et des manifestations subséquentes de 2020 liées au mouvement Black Lives Matter contre les iniquités raciales, nombreuses sont les entreprises qui ont accentué leurs engagements envers la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI). Cette période a également été le théâtre d’un déferlement de propositions d’actionnaires en matière de DEI aux sociétés.

Au Canada, ce mouvement social a coïncidé avec une accentuation des obligations d’information en matière de diversité pour les sociétés ayant fait appel au public régies par la LCSA. Depuis le 1er janvier 2020, ces sociétés sont tenues de fournir aux actionnaires des renseignements sur le niveau de représentation, au sein de leur conseil d’administration et de leur haute direction, de quatre groupes désignés : les femmes, les Autochtones (Premières Nations, Inuits et Métis), les membres de minorités visibles et les personnes handicapées.

Depuis, une amélioration progressive du niveau de représentation des membres des groupes désignés a été observée au sein des conseils d’administration et des équipes de la haute direction, et les sociétés ayant fait appel au public ont de plus en plus tendance à adopter des politiques écrites portant sur la recherche et la sélection des membres des groupes désignés pour les postes d'administrateurs9.

Plus récemment toutefois, selon le rapport annuel 2023 de Corporations Canada sur la diversité au sein des conseils d’administration et de la haute direction des sociétés visées par de telles obligations de divulgation, un léger recul a été observé comparativement à 2022, y compris en ce qui a trait au nombre de sièges au conseil d’administration occupés par des membres de minorités visibles (de 6 % à 5 %), le nombre de sociétés ayant fait appel au public qui fixent des cibles pour les femmes (de 23 % à 22 %) et pour les minorités visibles (de 5 % à 4 %) et le nombre de sociétés ayant fait appel au public qui ont tenu compte du niveau de représentation des femmes au sein de leur conseil d’administration (de 70 % à 69 %) et de leur équipe de la haute direction (de 66 % à 64 %) lors de la recherche de candidatures. Les tendances récentes laissent également entrevoir un déclin dans l’appui moyen des actionnaires à l’égard des propositions en matière de DEI au Canada10.

De telles diminutions surviennent dans le contexte d’un mouvement « anti-woke » croissant au sud de la frontière, marqué par le retrait par certaines grandes entreprises de leurs programmes en matière de DEI face à des critiques virulentes selon lesquelles les initiatives en matière de DEI feraient partie d’un « programme woke ». Les obligations de communication de l’information sur la diversité aux États-Unis font face à de plus en plus d’hostilités sur le plan juridique. En effet, le 11 décembre 2024, la Cour d’appel des États-Unis pour le cinquième circuit a invalidé l’obligation de communication instaurée par le NASDAQ quant à la diversité au sein des conseils d’administration, estimant que la SEC n’était pas habilitée, en vertu de l’Exchange Act, à approuver cette réglementation. Ainsi, les sociétés inscrites à la cote du NASDAQ ne seront plus tenues de se conformer à cette obligation. Le NASDAQ a indiqué qu’il ne ferait pas appel de la décision

Bien que le plein effet du mouvement « anti-woke » sur les conseils d’administration et les équipes de la haute direction reste à évaluer, il importe de noter que les obligations de divulgation restent à l’ordre du jour pour les ACVM; d’éventuelles modifications aux obligations d’information en matière de diversité sont d’ailleurs examinées dans le but de produire un nouveau cadre national harmonisé11. En outre, les attentes des agences de conseil en vote à l’égard des niveaux de diversité minimums au sein des conseils n’ont pas disparu. N’hésitez pas à consulter notre précédente actualité à ce sujet.

Recommandation : Envisagez de communiquer avec les parties prenantes de votre entreprise afin de prendre une décision éclairée quant à son positionnement en matière d’objectifs et de communication de l’information sur les enjeux ESG. Ce faisant, gardez à l’esprit que des modifications réglementaires sont prévues et que votre entreprise pourrait potentiellement engager sa responsabilité aux termes d’une nouvelle réglementation concernant les déclarations environnementales

Cybersécurité et IA : tendances émergentes et attentes en matière de surveillance par le conseil d’administration

Cybersécurité

Les menaces de cybersécurité demeurent au cœur des priorités des entreprises, alors que la fréquence et les coûts des attaques continuent d’augmenter : la moyenne mondiale des coûts liés à une atteinte à la sécurité des données a ainsi atteint la somme vertigineuse de 4,88 M$ US en 202412. Dans ce contexte, les conseils sont de plus en plus appelés à assurer une vaste surveillance des risques en matière de cybersécurité et des stratégies d’atténuation connexes, y compris en se tenant au courant des risques importants en matière de cybersécurité et en allouant les ressources appropriées à leur prévention. Depuis 2023, Glass Lewis attend de toutes les sociétés qu’elles divulguent le rôle de leur conseil en ce qui touche la surveillance des enjeux liés à la cybersécurité et les mesures prises pour perfectionner les connaissances des administrateurs à ce sujet. Dans le même esprit, The Globe and Mail a ajouté à la méthodologie utilisée dans le cadre de l’édition 2024 de ses Board Games un nouveau critère consistant à évaluer la façon dont les sociétés décrivent l’attention que leur conseil accorde à la cybersécurité et aux risques technologiques, les meilleures notes étant attribuées aux sociétés qui sont en mesure d’indiquer les comités de leur conseil chargés de la supervision de ces risques, particulièrement s’ils se penchent régulièrement sur les questions de stratégie, de gestion des risques et de rendement de l’exploitation13.

IA

Alors que le développement et le déploiement de l’intelligence artificielle (IA) progressent au sein des sociétés du TSX 60, une tendance émergente se manifeste à l’égard de la surveillance de l’IA par les conseils. Près de la moitié des sociétés du TSX 60 (32/60 ou 53 %) mentionnent l’IA dans leurs circulaires de sollicitation de procurations par la direction de 2024. L’information la plus courante concernant l’IA porte sur la formation des membres des conseils, 24 des 60 sociétés du TSX 60 (soit 40 %) indiquant que leurs administrateurs ont eu la possibilité d’assister à des présentations ou de prendre part à des ateliers sur le sujet. 

Quoi qu’il en soit, de nombreux émetteurs ont dépassé le stade de la simple formation dans ce domaine. Environ un tiers (19/60 ou 32 %) des sociétés du TSX 60 ont intégré la surveillance de l’IA par le conseil dans leurs mandats. Un plus petit nombre (6/60 ou 10 %) ont délégué la responsabilité de la surveillance de l’IA à un seul comité du conseil (soit le comité de gestion du risque, le comité d’audit ou le comité de gouvernance, par exemple), tandis qu’une société a déclaré que plusieurs comités du conseil assurent la surveillance de l’IA.

Il est à noter que Glass Lewis a consacré une nouvelle section de ses lignes directrices sur les politiques de référence 2025  à la surveillance de l’IA par les conseils d’administration, dans la même mesure qu’elle l’avait fait en 2023 au sujet de la cybersécurité14. Glass Lewis estime que les émetteurs qui utilisent ou développent des technologies liées à l’IA devraient adopter de solides structures internes qui incluent des considérations éthiques et assurent une surveillance efficace de l’IA, et s’attend à ce que de l’information précise soit transmise sur la façon dont les conseils d’administration effectuent leur surveillance de l’IA et améliorent leur expertise et leur compréhension collectives dans ce domaine. S’il appert qu’une gestion insuffisante de la technologie liée à l’IA a eu des « effets négatifs importants » sur les actionnaires, Glass Lewis pourrait recommander aux actionnaires de voter contre la réélection des administrateurs en cause.

Nous notons en outre que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) surveillent étroitement l’IA. Le 5 décembre 2024, les ACVM ont publié un Avis de consultation du personnel des ACVM 11-348 Applicabilité du droit canadien des valeurs mobilières à l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle dans les marchés des capitaux (en anglais)15. Cet avis fournit les orientations relatives à l’applicabilité des lois sur les valeurs mobilières eu égard à l’utilisation de l’IA et les éléments que les participants au marché (y compris les émetteurs) devraient prendre en considération au moment d’utiliser l’IA. Bien que l’avis ne crée pas ni ne modifie les exigences juridiques actuelles pour les participants au marché, les ACVM cherchent à savoir si les lois devraient régir l’utilisation de l’IA sur les marchés financiers. Les parties prenantes intéressées ont jusqu’au 31 mars 2025 pour soumettre leurs réponses et leurs rétroactions. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez vous reporter à notre plus récent article (en anglais). 

Recommandation : Songez à élaborer des procédures et des politiques sur la façon dont les conseils d’administration ou leurs comités devraient surveiller la cybersécurité et l’IA et fournir suffisamment d’information pertinente à ce sujet. 

Prendre le pouls de la rémunération des membres de la haute direction

Continuez à prêter attention à la rémunération basée sur la performance 

Les résolutions en matière de vote consultatif sur la rémunération ont obtenu un fort appui au Canada en 2024, environ 93 % des émetteurs du TSX 60 ayant dépassé le seuil symbolique de 80 % d’approbation, comme il est présenté dans le graphique ci-dessous. 

fr chart

Toutefois, les émetteurs devraient garder le cap sur la rémunération basée sur la performance, puisque celle-ci demeurera une priorité pour les principales entreprises de consultation en matière de procurations. À cet égard, ISS a indiqué dans ses plus récentes lignes directrices sur les politiques de référence qu’elle utilisera, sauf dans des circonstances exceptionnelles, la rémunération d’un membre de la haute direction visé autre que le chef de la direction dans son évaluation de la rémunération basée sur la performance s’il s’agit d’une base plus appropriée pour l’harmonisation de celle-ci.

De même, Glass Lewis a indiqué dans ses lignes directrices de 2025 qu’au lieu d’utiliser une approche fondée sur une carte de pointage, elle examinera tous les facteurs liés à la rémunération d’un membre de la haute direction visé, y compris les motifs invoqués par l’émetteur pour justifier des décisions particulières en matière de rémunération ainsi que la capacité de l’émetteur d’harmoniser la rémunération des membres de la haute direction avec le rendement et le résultat pour les actionnaires. Glass Lewis a également allongé sa liste de pratiques de rémunération problématiques pour y inclure des avantages indirects excessifs et des ajustements aux résultats en matière de rendement qui entraînent des résultats problématiques en matière de rémunération.

Rémunération liée aux paramètres ESG : permanente ou temporaire?

Malgré le mouvement anti-ESG susmentionné, nous prévoyons que les considérations en matière d’ESG touchant la rémunération des membres de la haute direction demeureront un point central en 2025. L’an dernier, la méthodologie utilisée dans le cadre des Board Games a été modifiée pour inclure un critère de marquage lié à la prise en compte de paramètres ESG et de climat dans la rémunération des membres de la haute direction16; les meilleures notes sont attribuées aux émetteurs qui présentent des paramètres ESG mesurables dans leurs régimes incitatifs à court ou à long terme (RICT, RILT), au moins un paramètre étant lié au climat. Plusieurs propositions d’actionnaires ont également été déposées afin que des paramètres ESG soient également inclus dans la rémunération de l’ensemble des effectifs. 

Selon notre examen de l’analyse par la direction de la rémunération des émetteurs du TSX 60 en 2024, 44 (73 %) d’entre eux songent, dans une certaine mesure, à ajouter des mesures ESG dans la rémunération des membres de la haute direction, soit le même nombre d’émetteurs qu’en 2023. Sur ces émetteurs, 41 (93 %) y songent en ce qui a trait à leur RICT (39 en 2023) et 20 (45 %) à leur RILT (16 en 2023). Nous notons également que 17 émetteurs tiennent maintenant compte des paramètres ESG dans leurs RICT et RILT, alors que ce nombre s’élevait à 14 en 2023. 

L’évaluation des mesures ESG est incluse dans la rémunération des membres de la haute direction au moyen d’indicateurs de rendement clés (IRC). Comme nous l’avions indiqué dans notre actualité de l’an dernier, les IRC liés aux questions d’ESG peuvent être considérés comme indépendants, comme faisant partie d’une carte de pointage, comme modificateurs du rendement ou comme prérequis pour le paiement de certains montants17. Les IRC les plus fréquents liés aux questions d’ESG utilisés pour la rémunération comprennent ce qui suit : 

FR TABLE 1

Recommandation : Sélectionner et analyser avec soin les objectifs de rendement qui conviennent. Veiller à bien décrire la façon dont la rémunération s’harmonise avec le rendement, y compris en ce qui concerne les facteurs ESG. 

Assemblées virtuelles, hybrides ou en personne : le débat se poursuit

Le débat quant à savoir si les sociétés devraient tenir leur assemblée annuelle des actionnaires en format virtuel, en personne ou en format hybride se poursuit. 

En 2024, la majorité des émetteurs du TSX 60 ont choisi le format virtuel pour leur assemblée annuelle des actionnaires. Si nous tenons compte des formats hybrides, plus de 84 % de ces émetteurs ont permis aux personnes intéressées de participer en ligne :

Format de l’assemblée

Proportion des émetteurs du TSX 60 qui ont adopté ce format

Virtuel seulement

53.44%

Hybride

31.03%

En personne

15.51%

Il est possible que certains émetteurs songent à délaisser les assemblées présentées uniquement en format virtuel en 2025 devant les pressions à la hausse contre ce format. En effet, en février 2024, les ACVM ont souligné que certaines parties prenantes avaient soulevé des préoccupations au sujet de leur expérience à des assemblées des actionnaires présentées en format virtuel seulement, tandis que Glass Lewis a indiqué dans ses lignes directrices de 2025 que « les assemblées tenues en format virtuel seulement […] sont susceptibles de nuire à la capacité des actionnaires d’une société de bien communiquer avec la direction de la société ». Ces deux organismes ont indiqué que les sociétés qui permettent la participation à leur assemblée des actionnaires en ligne seulement doivent veiller à ce que le niveau et la qualité de la participation des actionnaires soient comparables à ce qui devrait raisonnablement se produire s’ils y assistaient en personne.

Glass Lewis n’a pas encore fait de recommandation sur sa politique de référence sur le vote en fonction uniquement du format de l’assemblée et s’attend à ce que l’information quant à la façon dont l’émetteur s’assure que les actionnaires sont en position de participer en bonne et due forme à une assemblée présentée en format virtuel seulement soit clairement communiquée. Elle s’attend également à ce que les émetteurs interagissent activement avec les actionnaires à ce sujet et qu’ils leur fournissent une raison valable pour justifier le fait qu’il n’y aura pas d’assemblée « en personne ». Pour 2025, Glass Lewis a clairement indiqué dans ses lignes directrices sur la politique de référence qu’elle pourrait recommander aux actionnaires de voter contre le président du comité de gouvernance dans les cas flagrants où le conseil n’aurait pas bien répondu aux préoccupations légitimes des actionnaires concernant le format de l’assemblée. 

Dans ses lignes directrices sur la politique de référence de 2025, ISS a clarifié sa position consistant à voter contre les propositions visant à modifier les statuts ou les règlements administratifs de la société afin d’inclure une disposition accordant aux administrateurs le pouvoir discrétionnaire d’organiser des assemblées uniquement virtuelles en l’absence de raisons impérieuses. Pour obtenir d’autres renseignements, consultez notre récente actualité juridique portant sur les récents changements aux lignes directrices sur la politique de référence d’ISS et de Glass Lewis.

Au cours de l’année, de nombreuses organisations se sont prononcées contre les assemblées tenues en format virtuel seulement ou ont exprimé une préférence sans équivoque pour les assemblées hybrides et en personne. De même, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires a présenté des propositions d’actionnaires en 2024 exigeant que les sociétés tiennent des assemblées annuelles en personne, le format virtuel étant alors un complément. De telles propositions ont fait l’objet d’un vote à l’assemblée annuelle de 13 sociétés et ont obtenu une majorité de voix dans sept cas. Enfin, l’an dernier, la méthodologie utilisée dans le cadre des Board Games a été modifiée pour y ajouter un nouveau critère de marquage où les émetteurs ne peuvent obtenir de points que s’ils tiennent leur assemblée annuelle en format hybride18

Consultez notre actualité juridique de mars 2024 pour obtenir de plus amples renseignements sur les recommandations en matière de formats d’assemblée.  

Recommandation : Pensez aux avantages et aux inconvénients des divers formats d’assemblée compte tenu de l’évolution de la perception sur le marché et des attentes des parties prenantes. 

Les auteurs tiennent à remercier Eden Bélanger, Lambert Girardin, Simon Létourneau et Véronique Parent, étudiant·es, pour leur aide dans la préparation de la présente actualité juridique.


Notes

1  

Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34.

3   Voir toutes les publications de l’ISSB sur IFRS 1 et IFRS 2 : https://www.ifrs.org/news-and-events/updates/issb/ (en anglais).

5  

Voir le point des ACVM sur les informations à fournir en lien avec les changements climatiques datant de décembre 2024 : https://www.autorites-valeurs-mobilieres.ca/nouvelles/projet-concernant-linformation-fournie-sur-le-changement-climatique-le-point-des-acvm/.

6  

Voir le sommaire des règles adoptées par la SEC en mars 2024 : https://www.sec.gov/newsroom/press-releases/2024-31. Notons que le 4 avril 2024, la SEC a volontairement suspendu la mise en œuvre de ces règles le temps qu’un contrôle judiciaire soit mené à bien.

12  

Voir le Cost of a Data Breach Report 2024 d’IBM et du Ponemon Institute.

13  

Voir la méthodologie utilisée dans le cadre de l’édition 2024 des Board Games de The Globe and Mail : https://www.theglobeandmail.com/business/article-the-globe-and-mail-releases-2024-board-games-marking-criteria/ (en anglais), critère no 11.

14  

Voir les lignes directrices sur la politique de référence 2025 de Glass Lewis pour le Canada : 2025 Canada Benchmark Policy Guidelines.pdf (en anglais).

16  

Voir la méthodologie utilisée dans le cadre de l’édition 2024 des Board Games de The Globe and Mail : https://www.theglobeandmail.com/business/article-the-globe-and-mail-releases-2024-board-games-marking-criteria/ (en anglais), critère no 32.

18  

Voir la méthodologie utilisée dans le cadre de l’édition 2024 des Board Games de The Globe and Mail : https://www.theglobeandmail.com/business/article-the-globe-and-mail-releases-2024-board-games-marking-criteria/ (en anglais), critère no 38.



Personnes-ressources

Associée, directrice principale, gestion du savoir et développement de la pratique
Associé principal, chef canadien, Gouvernance
Associée, cocheffe canadienne, Entreprises responsables et durabilité
Associée
Associée

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