Le 31 mars 2023 marque la date de l’entrée en vigueur du projet de loi no 78, Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises, adopté par l’Assemblée nationale du Québec le 3 juin 2021. Ce projet de loi modifie la Loi sur la publicité légale des entreprises (la LPLE) pour établir de nouvelles obligations pour les entreprises faisant affaire au Québec. Le gouvernement du Québec a mis en ligne, à l’automne 2022, un site web explicatif fournissant quelques détails sur les nouvelles obligations pour la transparence des entreprises et certaines de ces informations sont citées dans ce bulletin.
L’entrée en vigueur des nouvelles modifications à la LPLE s’accompagne d’une activité législative et réglementaire, notamment par la présentation le 1er février 2023 du projet de loi no 7, Loi concernant la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 22 mars 2022 et modifiant d’autres dispositions législatives, lequel n’a pas encore été adopté, ainsi que par la publication de deux projets de règlement les 21 décembre 2022 et 18 janvier 2023, qui entreront tous deux en vigueur le 31 mars 2023.
En plus des obligations qui entrent en vigueur cette année, à compter du 31 mars 2024, il sera possible pour le public de faire des recherches dans le registre des entreprises à l’aide du nom et du prénom d’une personne physique afin de connaître les entreprises liées à cette personne.
Entités visées
La LPLE et ses nouvelles modifications s’appliquent à tous les « assujettis », ce qui vise un large éventail d’entités comprenant les entités régies par des lois autres que celles du Québec.
Les « assujettis » sont les personnes physiques, les fiducies qui exploitent une entreprise, les sociétés par actions, les sociétés de personnes, les personnes morales ainsi que les groupements de personnes immatriculés volontairement au registre des entreprises ou qui sont tenus de l’être.
En règle générale, sont soumises à l’obligation d’immatriculation auprès du Registraire des entreprises du Québec (le REQ) les entités qui exercent une activité, exploitent une entreprise au Québec ou y possèdent un bien immeuble. Il existe toutefois quelques exceptions qui sont décrites ci-dessous.
Déclaration des bénéficiaires ultimes
Le changement le plus important à la LPLE est l’obligation pour certains assujettis de déclarer au REQ les informations relatives à leurs « bénéficiaires ultimes ». En effet, ces assujettis sont tenus de remonter la chaîne de sociétés jusqu’à ce qu’ils puissent identifier toute personne physique ou, dans certains cas, toute personne morale, qui remplit les critères énumérés ci-dessous.
Identification des bénéficiaires ultimes
Un bénéficiaire ultime est une personne physique ou, dans certains cas, une personne morale qui, à l’égard d’un assujetti:
- est détentrice, directement ou indirectement, ou bénéficiaire de 25 % ou plus des droits de vote de ses titres;
- est détentrice, directement ou indirectement, ou bénéficiaire de 25 % ou plus de la juste valeur marchande de ses titres;
- contrôle, directement ou indirectement, un nombre de titres qui représentent 25 % ou plus des droits de vote ou de la juste valeur marchande de ses titres;
- a une influence qui pourrait se traduire par un contrôle de fait (au sens des articles 21.25 et 21.25.1 de la Loi sur les impôts);
- est le commandité (dans le cas d’un assujetti qui est une société en commandite);
- est le fiduciaire (dans le cas d’un assujetti qui est une fiducie); et/ou
- est partie à une entente lui conférant la faculté d’exercer conjointement avec d’autres personnes physiques 25 % ou plus des droits de vote de ses titres.
Les assujettis doivent prendre les « moyens nécessaires » pour retracer et pour s’assurer de l’identité de leurs bénéficiaires ultimes. Il s’agit, selon le gouvernement du Québec, de « […] tous moyens qui s’imposent pour retracer et identifier ses bénéficiaires ultimes. Les moyens nécessaires sont supérieurs à des moyens raisonnables ».
Déclaration des informations concernant les bénéficiaires ultimes
Les assujettis doivent fournir les informations suivantes au REQ concernant leurs bénéficiaires ultimes:
- les nom et prénom (ou nom si le bénéficiaire ultime est une personne morale) et autres noms utilisés au Québec;
- l’adresse du domicile personnel (la déclaration de l’adresse professionnelle est facultative);
- la date de naissance;
- le type de contrôle exercé (comprenant le pourcentage de détention, le cas échéant); et
- la date à laquelle la personne est devenue un bénéficiaire ultime et la date, le cas échéant, à laquelle elle a cessé de l’être.
L’ensemble des informations mentionnées ci-dessus seront accessibles au public par l’intermédiaire du registre des entreprises, à l’exception des informations concernant les personnes mineures, les dates de naissance et l’adresse du domicile personnel si l’adresse professionnelle est aussi déclarée (la déclaration de l’adresse du domicile personnel d’un bénéficiaire ultime est obligatoire et, si aucune adresse professionnelle n’est déclarée, l’adresse du domicile personnel sera publiée au registre).
Exceptions
À l’exception des personnes morales agissant à titre de fiduciaires*, les entités énumérées ci-dessous sont dispensées de déclarer les informations relatives à leurs bénéficiaires ultimes. De plus, aux fins de la détermination des bénéficiaires ultimes, les entités suivantes sont assimilées à une personne physique, ce qui signifie qu’un assujetti n’aura pas à remonter la chaîne des sociétés au-delà d’une telle entité :
- émetteurs assujettis au sens des articles 68 et suivants de la Loi sur les valeurs mobilières;
- institutions financières visées par les paragraphes 1 à 3 de l’article 4 de la Loi sur les assureurs;
- sociétés de fiducie régies par une loi provinciale ou fédérale, ou par une loi d’une autre province ou d’un territoire du Canada;
- banques ou banques étrangères autorisées figurant aux annexes I, II et III de la Loi sur les banques;
- associations au sens du Code civil du Québec;
- personnes morales à but non lucratif;
- personnes morales de droit public;
- personnes morales agissant à titre de fiduciaires*.
Il convient également de préciser que la définition d’émetteur assujetti en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières (Québec) est limitée aux entités qui sont des émetteurs assujettis au Québec et n’inclut pas les entités qui sont uniquement des émetteurs assujettis dans une autre province canadienne ou dont les titres sont inscrits à la cote d’une bourse non canadienne et qui ne sont pas par ailleurs des émetteurs assujettis au Québec.
Informations supplémentaires requises au sujet des administrateurs, des dirigeants et des principaux actionnaires
Suivant l’entrée en vigueur du projet de loi no 78, la date de naissance (jour, mois et année) de toutes les personnes physiques inscrites au registre des entreprises, à l’exception des fondés de pouvoir et des administrateurs du bien d’autrui, doit être déclarée au REQ. La date de naissance ne sera pas publiée au registre des entreprises et ne sera pas accessible au public. Tous les assujettis doivent se conformer à cette obligation, y compris les entités dispensées de déclarer les informations relatives à leurs bénéficiaires ultimes.
En vertu de la LPLE, toutes les personnes physiques dont le nom figure au registre des entreprises doivent obligatoirement déclarer l’adresse de leur domicile personnel. Suivant les modifications à la LPLE, un assujetti peut également déclarer l’adresse professionnelle d’une personne physique. Lorsqu’une adresse professionnelle est déclarée en plus de l’adresse d’un domicile personnel, seule l’adresse professionnelle sera publiée au registre.
Fourniture des pièces d’identité des administrateurs
Finalement, les modifications à la LPLE prévoient que tous les assujettis (y compris les entités dispensées de déclarer les informations relatives à leurs bénéficiaires ultimes) doivent déclarer et transmettre au REQ une copie lisible d’une pièce d’identité valide pour chaque administrateur inscrit au registre des entreprises et pour l’ajout de tout nouvel administrateur élu.
Chaque pièce d’identité doit être délivrée par une autorité gouvernementale et contenir un nom, un prénom et une date de naissance, mais une photo n’est pas requise. Cette obligation vise autant les administrateurs canadiens que les administrateurs étrangers. La copie de toute pièce d’identité transmise sera conservée par le REQ jusqu’à la date de l’immatriculation de l’entreprise ou du dépôt de la déclaration de mise à jour (annuelle ou courante) au dossier de l’entreprise, selon le cas. Elle sera ensuite détruite et ne sera pas publiée au registre des entreprises.
Prochaines étapes et questions
La date d’entrée en vigueur du projet de loi no 78 approche à grands pas. Les entreprises faisant affaire au Québec devront effectuer une analyse approfondie de leurs situations juridique et factuelle afin de respecter les nouvelles obligations de la LPLE. L’assujetti qui ne se conforme pas à ces obligations peut faire face à une amende et à la radiation de son immatriculation.
Nous suivons de près l’entrée en vigueur du projet de loi no 78 et sommes disponibles afin d’aider nos clients à comprendre comment ils seront visés par ces nouvelles obligations et à s’y conformer. Veuillez communiquer avec nous pour toute question.
Les auteurs désirent remercier Oana Stratan, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.